Des briques capables de stocker de l’électricité

20 août 2020

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : briques-stocker-energie Universite Washington
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Des briques capables de stocker de l’électricité

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Des chercheurs de l’Université de Washington sont parvenus à créer un matériau de construction, une simple brique, capable d’emmagasiner et de restituer une petite quantité d’électricité. Elles fonctionnent comme des supercondensateurs.

Stocker l’électricité est un élément essentiel et problématique de la transition énergétique. Elle passe par une électrification des usages (chauffage, transports) et par une production croissante d’électricité décarbonée. En-dehors du géothermique et de l’hydraulique, l’électricité décarbonée dite renouvelable, avant tout éolienne et solaire, est par définition intermittente et aléatoire. Cela signifie que tant que nous ne serons pas capable de la stocker de façon importante et dans des conditions économiques et techniques acceptables, les systèmes électriques devront être doublés par des capacités mobilisables, à savoir nucléaire qui est décarbonée, ou fossiles, charbon et gaz, qui ne le sont pas.

Supercondensateur

Voilà pourquoi l’hydrogène dit vert, c’est-à-dire produit par électrolyse avec de l’électricité décarbonée, présente aujourd’hui tant d’intérêt, et pourquoi les chercheurs du monde entier tentent de trouver un moyen de stocker «facilement» l’électricité. Pour des questions d’échelles, de coût de fabrication, d’utilisation intensive de matières premières, les batteries ne sont pas à la hauteur des enjeux des réseaux électriques. Pour donner un ordre d’idée, la production annuelle mondiale de lithium ne permettrait même pas de fabriquer le nombre de batteries nécessaire pour stocker une semaine de consommation d’électricité française. Et il faut retirer 50 kilos de matériaux du sol pour fabriquer un kilo de batterie. Encore plus frappant comme exemple, il faudrait 1000 années de production de la «gigafactory» de Tesla et Panasonic dans le Nevada pour stocker deux journées de consommation d’électricité aux Etats-Unis. En-dehors de l’hydrogène vert, il faut donc parier sur l’innovation.

Des chercheurs de l’Université de Washington à Saint-Louis dans le Missouri sont ainsi parvenus à créer un matériau de construction, une simple brique, capable d’emmagasiner et de restituer une petite quantité d’électricité. Les résultats de leurs travaux ont été publiés dans la revue scientifique Nature.

Ils sont partis du constat que l’hématite, un oxyde de fer utilisé dans des catalyseurs, aimants et autres alliages, était également présent dans les supercondensateurs, des composants électroniques capables de stocker de l’énergie. Ils se sont mis à chercher un matériau naturellement riche en hématite. C’est le cas de certaines briques rouges de construction.

Améliorer le rendement et la capacité pour alimenter des bâtiments

Pour transformer ces briques en supercondensateur, les chercheurs ont expliqué avoir pulvérisé une substance nommée EDOT (3,4-Ethylenedioxythiophene) qui, en s’oxydant, se transforme en PEDOT (Poly (3,4-ethylenedioxythiophene)), un polymère conducteur. Une fois pulvérisées, les briques peuvent conduire et stocker une charge électrique.

Les chercheurs sont parvenus à alimenter une lampe de bureau LED pendant près d’une heure grâce à 50 de ces briques (voir photo ci-dessus). Ces dernières sont capables d’encaisser plus de 10.000 cycles de charge-décharge.

Le concept est prometteur, même si en l’état actuel, son potentiel semble limité. Mais le directeur du laboratoire ayant mené la recherche, Julio D’Arcy, est très optimiste sur la possibilité d’améliorer le rendement et la capacité des briques. Elles pourraient, d’après lui, emmagasiner autant d’énergie qu’une batterie au lithium classique pour moins cher et avec un impact moindre sur l’environnement. De plus, les supercondensateurs sont plus sûrs, plus fiables et plus rapidement rechargeables que les batteries classiques.

Les supercondensateurs, au lieu de stocker l’électricité sous forme chimique comme une batterie, la stocke dans un champ électrique. Comme il n’y a pas de réaction chimique, ils ne se dégradent pas au fil du temps comme les batteries lithium-ion qui par ailleurs sont grandes consommatrices de métaux. Le vrai avantage des supercondensateurs est qu’ils se chargent très rapidement, en quelques minutes. Mais ils ont aussi de sérieux inconvénients. Ils stockent moins d’énergie avec la même taille et surtout se déchargent en quelques heures.

Cela n’empêche par Julio D’Arcy de considérer que des bâtiments entiers pourraient stocker dans leurs murs avec ces briques de l’électricité renouvelable, solaire par exemple.

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