Transitions & Energies
Sun tower

L’avenir de l’énergie se joue en Asie, pas en Europe


Un Français, Antoine Becquerel, a découvert l’effet photovoltaïque. Le premier panneau solaire a été fabriqué aux Etats-Unis. Mais quand Abu Dhabi a décidé de construire le plus grand projet au monde de parc solaire, l’émirat a été chercher des partenaires en Asie. Il a passé des contrats avec des entreprises chinoise et japonaise pour construire une centrale qui aura une capacité de production à terme de 1,18 gigawatts générés par 3.2 millions de panneaux solaires.

Tout cela, explique le World Economic Forum dans un article récent, «parce que l’Asie, plus que toute autre région au monde, et la Chine, plus que tout autre nation, représentent aujourd’hui l’avenir de l’énergie solaire et sont au coeur de la transition industrielle généralisée des carburants fossiles vers les énergies renouvelables et nucléaires».

La «décarbonisation» bouleverse les modes de fabrication et d’utilisation de l’énergie et l’économie mondiale, mais elle a aussi une autre conséquence: elle déplace la base industrielle de l’énergie de l’ouest vers l’est et change la hiérarchie des entreprises et des dominants de cette industrie qui est la première au monde. Un enjeu considérable en matière de prospérité et d’indépendance que les décideurs politiques européens semblent avoir totalement perdu de vue…

Acteurs ou spectateurs?

L’Asie est dominante pour de nombreuses raisons explique le World Economic Forum.

-Tout d’abord, sa croissance économique qui reste forte et l’augmentation continue des niveaux de vie feront de ce continent le premier consommateur d’énergie et pour longtemps. Une étude réalisée par BP montre que l’Asie, y compris la Chine et l’Inde, représentera d’ici 2040 environ 43% de la demande mondiale d’énergie et que ce continent sera à l’origine de plus de 50% de la croissance de la demande. Dans le même temps, la demande en énergie des pays occidentaux (OCDE) sera stable.

-Ensuite, la Chine est d’ores et déjà le fournisseur numéro un des technologies de substitution aux énergies fossiles. En 2017, la Chine produisait 72% des panneaux photovoltaïques dans le monde. A titre de comparaison, l’Europe en fabriquait 2% et les Etats-Unis 1%… La Chine a environ aujourd’hui un tiers des capacités de production d’électricité renouvelable (hors hydraulique), l’Union Européenne un peu plus de 25% et les Etats-Unis 14%.

-La stratégie industrielle menée par la Chine consiste clairement à s’assurer un contrôle des marché innovants de l’énergie: solaire, turbines d’éoliennes, batteries lithium-ion pour les véhicules électriques, nucléaire et maintenant filières de l’hydrogène avec piles à combustibles. La Chine produit sur son sol aujourd’hui au moins deux-tiers des batteries lithium-ion. La Chine est également le troisième pays producteur de minéraux et de métaux nécessaires pour fabriquer ses batteries. Les groupes chinois ont même acheté des réserves et des mines de lithium au Chili.La Chine est le seul pays au monde à avoir été capable de mettre en service, avant 2020, des réacteurs nucléaires de nouvelle génération de type EPR.

-La puissance dans l’énergie des pays occidentaux repose notamment sur celle de leurs groupes pétroliers. Mais le déclin de cette industrie semble aujourd’hui inéluctable non pas faute d’offre, mais faute de demande. Selon les experts du groupe Vitol, spécialisé dans les transactions de matières premières et d’énergies, la demande de pétrole pourrait atteindre son maximum dans le monde dès 2034. Et pour le consultant Wood Mackenzie, ce maximum a sans doute déjà été atteint dans les pays développés.

A contrario, la demande d’électricité semble insatiable. L’Asie devrait être électrifiée quasiment à 100% d’ici dix ans, en 2030. L’essentiel de cette demande nouvelle sera satisfaite par les renouvelables (éolien, solaire) et le nucléaire et dans une moindre mesure le gaz naturel. Il ne reste plus beaucoup de temps aux Européens pour redevenir des acteurs de ses bouleversements plutôt que des spectateurs… Sinon ce sera paiera tôt ou tard.

La rédaction