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Wall Street New York

Arabie Saoudite: poker menteur et coups financiers juteux


Le fonds souverain saoudien a accumulé discrètement au cours des dernières semaines des participations dans plusieurs grands groupes pétroliers européens dont Royal Dutch Shell, Total, ENI ou Equinor. Il a empoché au passage une plus-value estimée à 500 millions de dollars.

L’information est passée assez inaperçue. Au cours des dernières semaines, le fonds souverain de l’Arabie Saoudite, Public investment fund, a accumulé discrètement, selon le Wall Street Journal, des participations dans quatre grandes compagnies pétrolières européennes. Il s’agit du groupe Anglo-Néerlandais Royal Dutch Shell, du Français Total, du Norvégien Equinor et de l’Italien Eni. L’investissement total représenterait plus d’un milliard de dollars. Cela explique en partie pourquoi les cours de ses compagnies, après s’être effondrés au début du mois de mars avec la dégringolade des prix du baril de pétrole, se sont fortement redressés depuis. Ils ont enregistrés depuis le 18 mars des gains spectaculaires de 88% pour Royal Dutch Shell, 51% pour Equinor 50% pour Total et 41% pour l’ENI!

Selon une source  anonyme citée par l’agence Reuters, «les Saoudiens ont acheté presque tous les jours au cours des dernières semaines, surtout depuis que les cours des actions de nombre de ses sociétés ont subi d’importantes corrections…». Selon cette même source, le fonds souverain saoudien aurait également procédé à d’autres acquisitions de participations dont l’identité n’a pas été dévoilée. Présidé par le prince héritier Mohamed ben Salman, ce fonds gère plus de 300 milliards de dollars d’actifs. Selon le Wall Street Journal, l’Arabie Saoudite pourrait continuer à procéder à des investissements similaires.

500 millions de dollars de plus-value sur les actions Royal Dutch Shell, Total, Equinor et ENI

Il faut dire, comme l’explique Real Money, que la stratégie saoudienne semble avoir été particulièrement habile. Elle aurait déjà permis à son fonds souverain de réaliser en quelques jours une plus-value évaluée à 500 millions de dollars. Et depuis, le baril de pétrole s’est lui aussi redressé avec la perspective, qui s’est confirmée le 9 avril, d’un accord entre l’Arabie Saoudite, la Russie et leurs partenaires de l’Opep+ (les 13 membre de l’Opep et 10 pays producteurs de pétrolé alliés), pour limiter considérablement leur production, de 10 millions de barils par jour, soit 10% de la production mondiale. Un tel accord met donc fin en théorie à la guerre des prix. Devant cette perspective, les cours du baril ont déjà rebondi de plus de 40% depuis le 3 avril passant d’environ 23 dollars à 33 dollars.

L’enchaînement des faits sur le marché pétrolier depuis un peu plus d’un mois ressemble à une assez étonnante partie de poker menteur et de manipulation des marchés. Le 6 mars, devant le refus de la Russie de limiter un peu plus sa production, l’Arabie Soudite dénonce l’accord de l’Opep+ et annonce une baisse spectaculaire des prix et une augmentation de sa production. Au même moment, le marché pétrolier enregistre donc un effondrement de la demande avec la pandémie de coronavirus et l’arrêt de l’économie mondiale, la plus forte baisse de consommation de l’histoire, et un choc lié à une offre supplémentaire massive.

Les cours du pétrole s’effondrent de 50% en quelques jours après avoir déjà perdu 25% depuis le déclenchement de l’épidémie en Chine. Dans la foulée, les sociétés pétrolières perdent en moyenne autour de 60% de leur valeur sur les marchés boursiers. A partir du 18 mars, les cours de ses valeurs pétrolières se redressent, notamment ceux des grandes compagnies, de façon assez spectaculaire. Le 3 avril, deux semaines plus tard, l’idée d’un nouvel accord entre les partenaires de l’Opep+ pour limiter bien plus fortement la production se répand, grâce notamment aux tweets de Donald Trump, et les cours du brut regagnent ensuite plus de 40%.

La rédaction