<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’Allemagne est devenue le cas d’école d’une politique énergétique vouée à l’échec

11 mars 2024

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : ransition Allemagne Gab Dessin
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L’Allemagne est devenue le cas d’école d’une politique énergétique vouée à l’échec

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L’Allemagne fait face aujourd’hui à une crise énergétique structurelle qui ébranle son modèle économique industriel et met à mal sa stratégie de transition. La fameuse Energiewende, tant vantée par les institutions européennes et les mouvements écologistes, est un échec. Mais il est difficile de l’admettre pour les dirigeants allemands et les militants du tout renouvelable qui vivent toujours dans un monde parallèle. Pourtant, la colère monte outre-Rhin contre une stratégie extrêmement coûteuse, assez peu efficace pour faire baisser les émissions et qui met en péril la souveraineté du pays. La Cour des comptes allemande vient encore de dénoncer dans un nouveau rapport le développement à marches forcées des énergies renouvelables qui n’apporte pas les résultats annoncés et espérés.

L’Allemagne a été depuis des années montrée en exemple pour sa trop fameuse stratégie de transition énergétique très ambitieuse et volontariste baptisée Energiewende. Certains écologistes ont voulu y voir la preuve que leur rêve de produire 100% d’électricité renouvelable est crédible et atteignable. Comment en douter si un grand pays industriel comme l’Allemagne prétend y parvenir. Mais cela s’appelle prendre ses désirs pour la réalité. Les échecs répétés de l’Energiewende et ses piètres performances tant économiques que climatiques en font la démonstration depuis des années. La baisse des émissions de gaz à effet de serre est avant tout le fait de la désindustrialisation, à l’est du pays d’abord, et à l’ouest maintenant depuis deux ans. En dépit de 600 milliards d’euros investis dans l’Energiewende, l’Allemagne reste le mauvais élève de l’Europe en termes émissions de CO2 par habitant.

La réalité est têtue. Les imprécations n’y changent rien comme le tweet devenu célèbre de Clément Sénéchal, alors porte-parole climat de l’ONG Greenpeace, affirmant il y a quelques années que l’Allemagne s’apprêtait à prouver qu’on pouvait sortir du nucléaire en se passant aussi du charbon et que tout n’était que volonté politique…

Une succession de rapports alarmants de la Bundesrechnungshof

La semaine dernière encore, la Bundesrechnungshof, l’équivalent fédéral de notre Cour des comptes, a publié un rapport au vitriol sur l’Energiewende. Et ce n’est pas le premier. Déjà en 2021, Kay Scheller, présidente du Contrôle fédéral des finances dénonçait une « forme de transition énergétique qui met en danger l’économie de l’Allemagne et sollicite de manière excessive la viabilité financière des entreprises consommatrices d’électricité et des ménages privés […] Cela peut alors mettre en péril, à terme, l’acceptation sociale de la transition énergétique ». Elle ne croyait pas si bien dire. L’Energiewende est devenue de plus en plus impopulaire en Allemagne et un argument électoral pour l’extrême droite.

Pour en revenir au rapport de mars 2024 de la Bundesrechnungshof, il souligne que l’électricité est un système qu’il faut appréhender dans son ensemble et que le mantra renouvelables, renouvelables, renouvelables ne mène nulle part. Le coût d’une énergie en « sortie de turbine » n’a pas de sens. Ce qui importe pour les ménages et les entreprises est le coût final. Il comprend les réseaux, la fiscalité liée à financer les contrats de différence comme les contrats de capacité et les équipements redondants (centrales thermiques au charbon ou au gaz) pour faire face à l’intermittence des éoliennes et des parcs solaires.

Des prix de l’électricité très élevés et des investissements encore considérables et indispensables à venir

Et c’est là que le bât blesse. Aujourd’hui, l’électricité en Allemagne est déjà à des niveaux de prix extrêmement élevés, plus de deux fois supérieurs à ceux de la France, notamment pour les ménages et les petites entreprises qui ne bénéficient pas de certaines exonérations fiscales.

Dans le même temps, les investissements prennent du retard, en particulier sur les réseaux électriques. Or l’Allemagne a notamment comme problème d’avoir une grande partie de sa production éolienne au nord et de la consommation au sud. Sa seule façade maritime, où peut s’implanter de l’éolien marin, se trouve au nord. Et c’est toujours au nord que les régimes de vent sont les plus soutenus. Mais le pays n’a pas les lignes à haute tension pour amener cette électricité des lieux de production vers les lieux de consommation. La Cour note que le développement des réseaux avait au 31 décembre 2023 déjà plus de 6.000km de retard. Le retard s’explique à la fois par des investissements insuffisants et des oppositions locales farouches aux installations de lignes à haute tension. Les moyens financiers nécessaires pour mettre ce réseau à niveau sont gigantesques. Cela sera d’autant plus difficile à gérer que l’impact des investissements dans les réseaux est déjà très lourd. Les coûts des réseaux ont augmenté de 43% pour les particuliers en 10 ans, et de 32% pour les entreprises.

La Cour estime que des investissements de l’ordre de 460 milliards d’euros seront indispensable d’ici 2045 pour régénérer les lignes vieillissantes et en construire de nouvelles. Pour comparaison, les investissements nécessaires en France sur la même période sont estimés par RTE à 100 milliards d’euros… Cette différence s’explique évidemment par la stratégie de production décentralisée, l’abandon des grandes centrales et le passage vers des modes de production extensif, renouvelable intermittents. Par construction,

L’impossible sortie du charbon

La Cour continue son réquisitoire en jugeant très sévèrement les études d’impact environnementales du gouvernement fédéral. Elle note qu’il n’existe aujourd’hui pas de données concernant l’impact de l’Energiewende sur l’artificialisation des sols, la biodiversité ou encore sur les matières premières nécessaires à la poursuite de la construction des infrastructures permettant de parvenir éventuellement à 100% d’électricité renouvelable.

Elle enjoint la coalition au pouvoir « d’introduire rapidement un système d’objectifs et de suivi efficace en matière de soutenabilité environnementale », qui contraindrait à se donner des objectifs uniquement affichés en termes de pourcentage d’énergie renouvelable ou de tonnes de CO2 émises.

Le coup de grâce du rapport vient de l’analyse de la sécurité d’approvisionnement énergétique du pays. Pour la Cour, le nombre de nouvelles centrales à gaz annoncé pour remplacer celles au charbon est très insuffisant pour assurer cette sécurité d’approvisionnement. La sortie du charbon en 2030 est donc inenvisageable à l’heure actuelle. Et la Cour met en avant le coûts de ces centrales de « secours » dont le facteur de charge ne cessera de diminuer avec l’expansion des renouvelables, rendant un soutien financier indispensable pour leur donner un modèle économique réaliste. Evidemment, ces coûts ne sont pas pris en compte « créant une fausse image des coûts réels ».

L’Allemagne vit encore aujourd’hui, en dépit du réveil brutal depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, dans un monde d’illusion énergétique. Elle ne démord pas d’un modèle suicidaire sur le plan économique et relativement inefficace en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Refuser la réalité finit toujours par coûter très cher…

Philippe Thomazo

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