Transitions & Energies

A cause de la transition, le cuivre n’est plus un bon indicateur de la santé des économies


Traditionnellement, les évolutions des cours du cuivre étaient un reflet assez fidèle de l’activité industrielle, à la hausse comme à la baisse. Ce n’est plus le cas aujourd’hui car la demande de cuivre est soutenue à un niveau sans précédent, quelle que soit la conjoncture, par une forte demande liée à la transition énergétique. Cette dernière peut presque se résumer à une électrification directe et indirecte (via l’hydrogène et les carburants synthétiques) de toutes les consommations d’énergie.

Dans une chronique récente le magazine The Economist souligne que le cuivre vient de changer de statut. Le métal surnommé « Dr Copper » (Docteur cuivre) servait de baromètre à l’état de santé des économies. Une augmentation des cours du cuivre était considérée comme le signe précurseur d’une reprise économique. En revanche, une forte baisse était le signe d’une récession à venir ou à tout le moins d’un ralentissement de l’activité industrielle.

Mais cela appartient au passé. Pour preuve, l’industrie mondiale traverse aujourd’hui une crise et son activité a progressé de seulement 0,5% au cours des douze derniers mois, un niveau très inférieur à la moyenne de 2,6% enregistrée par an lors des deux dernières décennies. Une secousse d’une ampleur similaire avait en 2015 fait chuter les prix du cuivre de 25%. Pourtant, depuis le début de l’année, ils n’ont baissé que de 6%. Les contrats à terme arrivant à échéance en 2025 sont stables, et ceux arrivant à échéance en 2026 en légère hausse.

Electrification généralisée

C’est en Chine, l’usine du monde qui consomme plus de la moitié de la production mondiale de cuivre, que la fin du cuivre comme baromètre de l’économie est le plus évident. L’effondrement du marché immobilier chinois aurait pu laisser penser que le métal rouge allait en subir les conséquences. Cela n’a pas empêché la demande chinoise de cuivre d’augmenter d’environ 10% cette année.

L’explication à cela est assez simple. La transition énergétique peut presque se résumer à une électrification généralisée directe et indirecte de toutes les consommations d’énergie. Et cela passe aussi bien par l’électrification directe des transports, de la production de chaleur, des process industriels que par leur électrification indirecte via la production d’hydrogène et d’électro-carburants synthétiques ou la capture du carbone dans l’atmosphère. Et pour construire les équipements et les infrastructures permettant cela, il faut des quantités considérables de cuivre. En outre, par nature la transition énergétique vise à remplacer une activité existante émettrice de gaz à effet de serre par une autre décarbonée, plutôt qu’à additionner et accroître les capacités. Tout cela signifie que les cours du cuivre ne sont plus un reflet fidèle de l’activité économique et de son évolution.

Pour en revenir à la Chine, selon la banque Goldman Sachs elle installera cette année environ 150 gigawatts de capacités de production d’électricité solaire à forte intensité en cuivre, soit près du double de la quantité installée l’année dernière. Les méthodes de stockage de l’énergie nécessitent également beaucoup de cuivre. L’énergie hydraulique par pompage en est un exemple. Il s’agit de déplacer de l’eau d’un réservoir à un autre, soit pour accumuler l’énergie excédentaire provenant de l’énergie éolienne et solaire, soit pour la libérer. La Chine possède déjà 30% de la capacité mondiale de stockage de l’énergie hydraulique, soit 50 GW. Une autre capacité de 89 GW est en cours de construction, ce qui nécessite de grandes quantités de cuivre.

80 kilos de cuivre par voiture électrique à batteries

Global, une société de données financières, estime que la demande annuelle de cuivre raffiné va presque doubler d’ici 2035, pour atteindre 49 millions de tonnes. Les batteries, les réseaux électriques, les cellules photovoltaïques, les transports, tous ont besoin de ce métal. Selon la Copper Development Association, un véhicule électrique utilise environ 80 kilos de cuivre, contre seulement 18 kilos pour un véhicule traditionnel à essence.

Une étude publiée il y a un an par le cabinet de conseil Wood Mackenzie montre que pour satisfaire d’ici 2050 les besoins en cuivre permettant d’atteindre les objectifs zéro net émissions, l’industrie du cuivre devra totalement changer de dimension. « L’industrie minière devra réaliser de nouveaux projets miniers à une fréquence et à un niveau constant de financement jamais atteints auparavant » explique Nick Pickens, directeur de recherche de Wood Mackenzie sur les marchés du cuivre. Au cours des 30 prochaines années, il faudra que l’industrie du cuivre investisse plus de 23 milliards de dollars par an dans de nouvelles mines, soit 64% de plus que les dépenses annuelles moyennes des 30 dernières années. Et cela compte tenu déjà d’une accélération importante du recyclage du cuivre par l’industrie.

L’augmentation de la demande de cuivre viendra avant tout, toujours selon Wood Mackenzie, du développement des véhicules électrique, qui en représentera 55%. Mais la demande provenant de l’éolien marin sera multipliée par sept d’ici 2040 à raison d’un million de tonnes supplémentaires par an dans les 17 prochaines années. Le solaire sera sur une trajectoire similaire avec une consommation supplémentaire de 1,1 millions de tonne par an prévue au cours des 20 prochaines années pour se placer dans la trajectoire dite zéro net émissions de CO2.

La rédaction