Transitions & Energies
Panneaux solaires en Californie à la base aérienne Nellis

L’ère de la baisse des prix continue des panneaux solaires, des éoliennes et des batteries est révolue


Les équipements clés de la transition énergétiques subissent depuis plusieurs mois une hausse parfois très importante de leurs prix. Cela ne leur était jamais arrivé avec, par exemple, une envolée de 50% en moyenne des tarifs des panneaux solaires en 2021. C’est la conséquence à la fois de la désorganisation des chaînes d’approvisionnement et de l’envolée des cours des matières premières. Et cela complique grandement l’équation économique de la transition.

Le changement de paradigme que connait le monde de l’énergie depuis plusieurs mois est sans précédent. L’année 2021 aura vu soudain les prix de toutes les sources et vecteurs d’énergie s’envoler. Nous sommes entrés en quelques mois dans une ère de pénurie. C’est vrai pour toutes les énergies fossiles, le gaz naturel, le pétrole et même le charbon qui semblait condamné au déclin il y a encore quelques mois. C’est vrai pour l’électricité. C’est vrai pour la quasi-totalité des matières premières, des métaux, des productions agricoles, du bois. En conséquence, c’est aussi le cas pour ce qui constitue le cœur de la transition énergétique à savoir les renouvelables éolien et solaire et les batteries lithium-ion.

L’argument économique en faveur des renouvelables s’affaiblit

En un an, les prix des panneaux solaires ont augmenté de 50%. Ceux des éoliennes de 13% et celui des batteries lithium-ion est aussi orienté à la hausse. Ce qui n’était jamais arrivé. L’argument économique en faveur des renouvelables devenus les sources de production d’électricité les moins coûteuses s’affaiblit. Et cela même si le calcul qui amenait à la conclusion qu’elles étaient les moyens de production d’électricité les moins coûteux était biaisé. Il ne prenait pas en compte le caractère intermittent et aléatoire des productions électriques renouvelables. Cela contraint obligatoirement à être en capacité de mobiliser à tout moment d’autres moyens de production d’électricité quand le vent et le soleil font défaut et donc à avoir à disposition des équipements dits pilotables, thermiques, hydroélectriques ou nucléaires. Il faut enfin y ajouter les nécessaires renforcements des réseaux électriques pour intégrer des sources de production à la fois dispersées et peu intensives.

Désorganisation des chaînes d’approvisionnement

Les matières premières représentent maintenant 70% du coût de fabrication des panneaux photovoltaïques. Une pénurie de silicium polycristallin ou polysillicium, un des éléments clés des panneaux, a fait fortement augmenter leurs prix l’an dernier sans parler des coûts de transport depuis les usines chinoises. Les producteurs chinois ont investi des milliards pour développer leurs capacités et construire de nouvelles usines. Cela devrait faire disparaître les pénuries mais sans doute pas permettre une baisse des prix tant la demande est forte.

L’industrie éolienne traverse une période comparable. Après avoir plongé de 48% en dix ans, de 2010 à 2020, les prix des équipements sont en hausse. Les producteurs vont continuer à faire baisser les coûts par mégawatt produit avec des installations plus importantes et des éoliennes plus puissantes et plus massives sur terre comme en mer. Mais elles nécessitent plus de matériaux, notamment de l’acier et de l’aluminium. Le premier fabricant mondial de turbines, le groupe danois Vestas, a du réviser en baise ses prévisions de bénéfices l’an dernier du fait de l’augmentation du coût des matières premières et de la désorganisation des chaînes d’approvisionnement.

Enfin, les batteries lithium-ion ne sont pas épargnées. Pour la première fois depuis qu’il collecte des statistiques de prix, Bloomberg BNEF s’attend à une hausse moyenne du coût des batteries de 2,3% cette année.

L’équation économique de la transition se complique

L’envolée des prix des renouvelables complique la transition car elle rend encore plus incertaine son équation économique et le niveau nécessaire des aides et des subventions pour imposer les technologies renouvelables et de mobilité électrique. Les pénuries et l’envolée des coûts sont la conséquence notamment de la pandémie qui a à la fois désorganisé durablement les chaînes d’approvisionnement et retardé des investissements indispensables de capacités de production.

On peut même parler de double peine. Les retards de livraison et l’envolée des cours des matières premières ne pouvaient tomber à un plus mauvais pour l’éolien et le solaire. Après des années de progrès continus en matière de changement de dimension de la production industrielle et d’économies d’échelle, le potentiel aujourd’hui permettant de réduire les coûts est très limité sans peser sur la rentabilité des fabricants de panneaux solaires et d’éoliennes. L’ère de la baisse des prix permanente est donc bien révolue. Une fois les chaînes d’approvisionnement rétablies, les prix devraient fluctuer au gré des capacités de production et de la demande et des cours des métaux stratégiques et autres terres rares.

Il y a une autre donnée à prendre en compte, le fait que le développement pas toujours maîtrisé des renouvelables éolien et solaire a fragilisé les réseaux électriques menacés de blackouts et marqués par une extrême volatilité des prix. Les gouvernements sont sous pression pour assurer à la fois que les systèmes électriques ne sont pas fragilisés et pour réussir à contrôler les prix.

Un changement durable

«Ce qui est aujourd’hui devient le critère essentiel du développement du solaire et de l’éolien n’est pas les coûts – jusqu’où peuvent-ils baisser-, mais leur utilité et valeur ajoutée pour le système électrique», explique à l’agence Bloomberg Edurne Zoco, directeur des technologies propres et renouvelables du cabinet de recherche IHS Markit. Il faut enfin prendre également en compte le fait que les taux d’intérêt remontent et donc que les conditions de financement des projets seront moins favorables.

Tout cela ne veut pas dire que les renouvelables ne vont pas continuer à se développer. Mais que le modèle économique des différents projets devra être plus solide. Cela ne devrait pas poser de problème face aux énergies fossiles dont les prix, pour le gaz, le pétrole et même le charbon ont beaucoup augmenté. Mais par rapport à l’hydraulique et au nucléaire, qui eux aussi produise de l’électricité décarbonée et ont l’avantage de pouvoir être mis en production à la demande, la compétition sera plus serrée.

Si les problèmes liés à la désorganisation des chaînes d’approvisionnement devraient se régler, George Bilicic, qui dirige le département énergie, électricité et infrastructures de la banque Lazard, estime que l’industrie connait des changements durables. Sans percée technologique majeur, les prix vont se stabiliser. «Les fortes baisses de coûts appartiennent au passé».

La rédaction