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Le véritable coût des embouteillages, un réquisitoire contre la ville de Paris


Le développeur de systèmes de navigation TomTom vient de publier son traditionnel classement annuel des grandes villes les plus embouteillées au monde. Il en ressort un véritable camouflet de la politique menée par la mairie de Paris. La capitale française, dont la situation s’est encore dégradée en 2023 par rapport à 2022, est la deuxième ville au monde où les émissions de CO2 résultant des embouteillages sont les plus élevées et aussi la deuxième ville au monde où les coûts des embouteillages sont les plus élevés pour les automobilistes.

Dans l’indifférence presque générale et avec une dose de fatalisme assez incroyable des usagers, les embouteillages dans les grandes agglomérations sont devenus une calamité. Pour l’environnement d’abord, en augmentant considérablement la consommation de carburants et donc les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique. Pour l’économie ensuite, en gaspillant des dizaines de milliards d’euros en heures perdues et en dépenses inutiles par des millions de personnes. Enfin, en termes d’inégalités sociales et territoriales, qu’ils creusent, et aussi de santé publique en affectant les personnes qui les subissent.

C’est ce que démontrent année après année les classements objectifs, car sans intentions politiques, effectués par le développeur de systèmes de navigation TomTom. Son traffic index analyse les données récupérées dans 387 villes dans le monde dans 55 pays et sur 6 continents. Il prend en compte le temps passé pour se déplacer, les émissions de CO2 et le coût des carburants.

Un classement catastrophique pour Paris en termes d’émissions de CO2 et de coûts

TomTom vient de publier le 10 janvier sa dernière étude qui porte sur l’année 2023. Il en ressort que les villes où les conducteurs perdent le plus de temps en moyenne dans les embouteillages sont dans l’ordre: Dublin (158 heures), Lima (157 heures), Mexico (152 heures), Bucarest (150 heures) et Londres (148 heures). Paris n’est pas loin en neuvième position avec 120 heures, et affiche surtout des classements catastrophiques dans les domaines des émissions de gaz à effet de serre et des coûts de leurs déplacements pour les automobilistes.

En France, sur 25 villes analysées 10 ont enregistré l’an dernier un allongement des temps de transport en voiture. Sans surprise, Paris est la ville la plus embouteillée et la situation continue de se dégrader. Dans le centre-ville de la capitale et aux heures de pointe, un automobiliste a ainsi perdu en moyenne 120 heures dans les bouchons en 2023, l’équivalent de 5 journées… Par rapport à 2022, c’est 11 heures gaspillées de plus. Et cela est sans surprise désastreux en termes d’émissions de gaz à effet de serre, en dépit des affirmations contraires de la municipalité parisienne. Dans la capitale, les embouteillages engendrent en moyenne 344 kilos d’émissions de CO2 par automobiliste par an. Cela signifie que les émissions liées à Paris aux embouteillages contribuent pour 30% au bilan carbone total des trajets domicile-travail.

Bordeaux, Lyon et Nantes, les autres mauvais élèves français

A quelques mois seulement des Jeux Olympiques, la capitale française est ainsi la deuxième au monde pour les émissions de CO2 par véhicule aux heures de pointe juste derrière Londres avec 1.115 kilos par an pour une voiture à essence et 1.076 kilos pour une diesel sur un trajet quotidien de 10 kilomètres domicile-travail aux heures de pointe. En termes de coûts, la situation est la même. Paris est la deuxième ville au monde derrière le mini territoire de Hong Kong pour ce que l’automobiliste doit débourser pour effectuer toute l’année un déplacement domicile-travail de 10 kilomètres aux heures de pointe. Cela représente 934 euros avec un véhicule à essence et 800 euros avec un véhicule diesel.

Si Paris est le plus mauvais élève, de nombreuses autres grandes villes françaises ont aussi vu leur situation se dégrader à l’image de Bordeaux (111 heures d’embouteillages par an), 3 heures de plus qu’en 2022, et Lyon (89 heures), 6,5 heures de plus qu’en 2022. Suivent dans le classement, Nantes (72 heures), Toulouse (71 heures), Marseille (68 heures), Rouen (60 heures) et Toulon (58 heures). En revanche, le centre-ville français le moins encombré se trouve à Saint-Étienne (avec 36 heures perdues) à égalité avec Reims et devant Le Mans (40 heures).

Perdre du temps dans les bouchons, cela veut dire bien évidemment consommer davantage de carburant ce qui se paye d’autant plus cher avec l’augmentation de leurs tarifs. Pour un automobiliste effectuant un trajet domicile-travail de 10 kilomètres aux heures de pointe : « à Paris, le trafic fait augmenter de 45% le budget carburant d’un conducteur d’une voiture à essence », souligne TomTom. Dans l’ensemble des grandes villes françaises, les automobilistes ont vu leurs coûts s’envoler de 15 à 30%.

Et les municipalités ont une sérieuse part de responsabilité dans l’existence et l’augmentation des embouteillages urbains. Ce que laisse entendre Vincent Martinier, directeur marketing de TomTom, dans le magazine Capital. « Il y a manifestement des causes réglementaires. Les municipalités veulent réduire les vitesses de circulation pour diminuer les accidents… Si les temps de parcours augmentent, le CO2 augmente ».

Inégalités sociales et territoriales

TomTom avait réalisé il y a plusieurs années une étude montrant que les embouteillages accroissent considérablement les inégalités sociales. Plus la vie coûte cher dans une ville, plus les populations les moins favorisées ont tendance à aller s’installer dans les banlieues et les zones périurbaines où le coût des logements et le coût de la vie sont plus faibles. Mais elles continuent souvent à venir au centre des villes pour travailler, pour rencontrer des clients, pour intervenir sur des chantiers… « La déconnexion entre le lieu de résidence et le lieu de travail joue un rôle important dans les problèmes d’embouteillage des villes…», écrivait TomTom. Les embouteillages affectent plus particulièrement les catégories de population repoussées à l’extérieur des villes pour des raisons économiques.

La rédaction