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Trottinettes Electriques Wikimedia Commons

La trottinette électrique n’est bonne pour l’environnement… que si elle remplace une voiture


La trottinette électrique est devenue un emblème et un symbole. Elle incarne dans les grandes villes l’idéal de transports partagés, «propres», souples, disponibles à tout moment et partout… que mettent en avant les écologistes comme les municipalités «avant-gardistes» à l’image de celle de Paris. La trottinette est aussi devenue une caricature facile du mode de vie bourgeois bohême (bobo). Elle exacerbe aussi le conflit de générations étant utilisée avant tout par les jeunes et parfois même les très jeunes. La trottinette est également dénoncée, souvent à juste titre, comme un mode de transport dangereux qui emprunte aussi bien la voie publique que les trottoirs. Ces conducteurs n’obéissent à aucune règle et illustrent, le laxisme, le non-droit et l’anarchie qui règnent dans nos grandes villes. Une loi de la jungle qui serait organisée ou tolérée à dessein pour repousser les automobilistes.

Mais le principal problème avec la trottinette électrique est que tout simplement, elle ne remplit pas sa vocation première. A savoir, être un progrès «pour la planète». La question essentielle à se poser sur ces engins consiste d’abord à savoir si la trottinette électrique apporte réellement quelque chose à l’environnement. Une question que les promoteurs de la trottinette, privés comme publics, n’ont jamais abordé sérieusement. C’est maintenant chose faite et de façon incontestable et scientifique. Jeremiah Johnson, Professeur d’ingénierie environnementale de l’Université de Caroline du Nord, vient de publier une longue étude sur le caractère écologique ou non des trottinettes électriques dans la revue Environmental Research Letters. Il a également écrit un article qui fait la synthèse de son étude dans The Conversation.

125 grammes de CO2 par kilomètre!

«Sans pot d’échappement pour émettre du CO2 et des particules, il est facile d’assumer que les trottinettes électriques partagées sont une option bien meilleure pour l’environnement. Les sociétés qui les mettent à disposition et les louent vantent souvent le fait qu’il s’agit d’un transport «sans carbone» et «bon pour la planète»», écrit Jeremiah Johnson. «Après tout les transports sont à l’origine aux Etats-Unis de près d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre et d’une part importante des polluants à l’origine de maladies respiratoires», ajoute-t-il.

Mais en fait, affirmer que les trottinettes électriques sont un moyen de transport sans carbone est un pur mensonge. Surtout quand on prend en compte les matériaux et l’énergie nécessaires pour fabriquer les trottinettes et l’impact de les récupérer tous les jours, de les recharger et de les mettre en place sur leur lieu d’utilisation. Après être entré dans les détails de toutes ses opérations, Jeremiah Johnson parvient à la conclusion que si la trottinette électrique n’est pas utilisée en lieu et place d’une voiture, elle est mauvaise pour l’environnement! Car son impact moyen est de 202 grammes de CO2 par passager et par mile, soit 125 grammes par kilomètre.

Pour faire descendre cet impact à 141 grammes de CO2 par passager et par mile (87 grammes par kilomètre), il faudrait qu’elles restent en service au moins deux ans. La plupart du temps, elles ne restent pas en service plus de quelques mois avant d’être totalement dégradées…

La plupart des trottinettes électriques sont fabriquées par la société chinoise Xiaomi. L’équipe du Professeur Johnson en a totalement démontée une. Elle comprenait 7,5 kilos d’aluminium, une batterie lithium-ion de 1,25 kilo, un moteur électrique et différentes pièces métalliques et plastiques. L’énergie nécessaire pour obtenir ces matériaux et ensuite pour fabriquer la trottinette représente  la moitié de l’impact sur l’environnement de ces engins. Paradoxalement, leur transport ensuite par cargos a un impact très négligeable lié à leur faible poids à l’échelle du transport maritime.

Une logistique pas du tout optimisée

Mais la fabrication n’est qu’un élément. Les sociétés de location des trottinettes à l’image de Lime ou Bird sous-traitent à de petites sociétés la collecte, la recharge et la remise en place des trottinettes dans les villes. Les «Juicers», tel est le surnom de ceux qui pratiquent cette activité, récupèrent les trottinettes dans des camionnettes qui sillonnent la ville, en prennent le plus grand nombre, les ramènent chez eux, les rechargent et les réinstallent au petit matin là où elles seront utilisées. Une logistique qui n’est pas vraiment optimisée… Selon les calculs de Jeremiah Johnson, elle génère plus de 40% de l’impact environnemental des trottinettes. Et cela même si l’électricité nécessaire pour recharger les engins a peu d’impact. Parce que les batteries sont petites et consomment peu.

Un autre élément important à prendre en compte est l’impact relatif des trottinettes. C’est-à-dire le moyen de transport auxquelles elles se substituent. Aux Etats-Unis, environ un tiers des trottinettes électriques remplacent l’utilisation d’une voiture, dans 50% des cas l’utilisateur aurait marché ou pris un vélo, environ 10% des utilisateurs auraient utilisé un transport public et enfin 7% à 8% n’auraient pas fait le déplacement.

L’étude de Jeremiah Johnson montre que seule l’utilisation à la place d’une voiture réduit les émissions de gaz à effet de serre et de particules. Sinon, dans toutes les autres éventualités, l’usage de la trottinette n’a rien du tout d’écologique et cet impact est d’autant plus négatif qu’il incite sans doute aussi un certain nombre de personnes à délaisser les transports collectifs, la marche ou le vélo.

Comme il est très vraisemblable qu’en France une écrasante majorité d’utilisateurs de trottinettes électriques, encore plus qu’aux Etats-Unis, ne les utilisent pas à la place d’une voiture, on peut dire que ces engins ont encore un impact plus négatif sur l’environnement.

La rédaction