Les deux scénarios de la transition: rapide ou graduelle

16 septembre 2019

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Atmosphere Wikimedia
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Les deux scénarios de la transition: rapide ou graduelle

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A quelle vitesse la transition énergétique va-t-elle se réaliser et quelles en seront les implications sur notre mode de vie, sur nos sociétés et sur l’économie mondiale? Personne ne peut répondre aujourd’hui à ces questions tant elles sont complexes, tant elles dépendent de technologies qui ne sont pas matures et de décisions politiques impossibles à […]

A quelle vitesse la transition énergétique va-t-elle se réaliser et quelles en seront les implications sur notre mode de vie, sur nos sociétés et sur l’économie mondiale? Personne ne peut répondre aujourd’hui à ces questions tant elles sont complexes, tant elles dépendent de technologies qui ne sont pas matures et de décisions politiques impossibles à anticiper. Le World Economic Forum’s Global Future Council on Energy s’est tout de même lancé dans ce difficile exercice et vient de rendre public, le 12 septembre, une étude évaluant avec précision les scénarios possibles. Il y en a fait deux: celui d’une transition rapide et celui d’une transition graduelle. Dans le premier cas, la consommation d’énergies fossiles dans le monde commence à diminuer dans dix ans, dans le second, elle augmente encore jusque dans les années 2040 et les objectifs d’émissions de gaz à effet de serre de la COP21 ne seront pas atteints.

Le point de départ a le mérite d’être bien connu. Aujourd’hui dans le monde, 81% de l’énergie provient de sources fossiles (pétrole, gaz, charbon), le même pourcentage qu’il y a trente ans. Le plus grand défi de la transition tient au fait que les pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre, dans l’ordre la Chine, les Etats-Unis, l’Inde et la Russie, sont aussi les moins préparés et engagés dans la transition. A l’inverse, les dix pays qui ont le plus avancé dans le rejet des énergies carbonées, tous européens dont la France, comptent seulement pour 2,6% des émissions mondiales… Il est difficile d’admettre que la rapidité et la réussite de la transition énergétique ne sont pas, pour l’essentiel, entre nos mains.

Si la transition rapide est possible, elle se construira à partir de l’électrification, de la baisse rapide des coûts de production d’électricité provenant de sources renouvelables, notamment éoliennes et  solaires, de la diffusion massive de véhicules électriques, de la numérisation de la distribution d’énergie et de sa décentralisation au plus près des consommateurs. C’est un pari sur le basculement massif des modes de production et d’utilisation de l’énergie sous la pression notamment des gouvernements. La logique, comme pour toute nouvelle technologie, est celle de l’accélération soudaine du processus quand son adoption atteint un seuil critique.

Ce scénario se traduirait par une transformation des marchés de l’énergie, des modèles économiques et des comportements de consommation. La transition se produirait ainsi en quelques décennies et le «peak» (le sommet) de la consommation d’énergies fossiles dans le monde serait atteint avant la fin des années 2020.

Pour les tenants de la transition graduelle, la taille de l’économie mondiale et son inertie, la lenteur des cycles de changements des sources d’énergie, les niveaux d’investissements à atteindre, la quantité de matières premières nécessaires pour construire les équipements et l’incertitude des progrès technologiques rendent illusoire le scénario rapide. D’autant plus, qu’il faut également prendre en compte une croissance continue des besoins en énergie dans les régions du monde où la croissance économique et démographique restent fortes.

L’étude du World Economic Forum distingue quatre différences majeures entre les deux scénarios.

-Le rythme des avancées technologiques

Si les progrès technologiques -dans l’efficacité de la production d’électricité par les éoliennes et les panneaux solaires, dans les batteries, dans l’hydrogène- sont linéaires ou s’ils sont marqués par des ruptures brutales, cela change totalement les conditions de la transition. Jusqu’à aujourd’hui, les progrès sont plutôt linéaires.

-La volonté et les décisions politiques

Les gouvernements vont-ils chercher activement à accélérer la transition quitte à bousculer les comportements et les logiques économiques ou rester plus prudents et ne pas s’exposer à des difficultés sociales et politiques?

-La trajectoire des économies émergentes

Les pays émergents, notamment la Chine et l’Inde, vont-ils suivre les pays développés, notamment européens, et se fixer des objectifs ambitieux pour se passer des énergies fossiles ou répondre avant tout aux besoins en énergie de leurs populations avec du charbon et du gaz?

-La perception de l’avenir

Il s’agit sans doute du point le plus important et le plus difficile à appréhender. La plupart du temps, la décision d’agir dépend des convictions. Si les producteurs d’énergie, les investisseurs, les gouvernements croient à une transition rapide et même brutale, ils vont participer à mettre en place les conditions et les moyens pour y parvenir. S’ils n’y croient pas, s’ils estiment que l’offre et la demande d’énergie ne vont pas changer fondamentalement avant plusieurs décennies, ils s’engageront mollement dans la transition.

«Une logique d’incitations entre les gouvernements, la technologie, l’industrie, la société et la finance peut accélérer la vitesse de la transition ou la ralentir», résume le World Economic Forum. «Les dix prochaines années détermineront quel scénario, le rapide ou le graduel, prendra forme. Pour voir quelle option va l’emporter, regardez attentivement l’évolution des coûts et des taux de croissance des technologies clés -solaire, éolien, batteries, véhicules électriques, hydrogène…».

 

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