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Le réseau électrique du Texas a été à 4 minutes et 37 secondes de l’effondrement total


Confronté lundi 15 février dernier à un effondrement des températures, à des tempêtes de neige et à une cascade de panne de ces centrales, le Texas a évité d’extrême justesse de perdre pour des semaines, voire des mois, une grande partie de son réseau électrique.

Il y a un peu plus de dix jours des masses d’air venant de l’arctique, un vortex polaire, ont amené soudain des températures extrêmement froides et des précipitations de neige considérables dans le centre et le sud des Etats-Unis. Si les Etats du centre ont l’habitude d’hivers parfois très rigoureux, ce n’est pas le cas pour ceux plus au sud dont le Texas. Pour donner un ordre d’idée, la température est descendue jusqu’à -20 degrés Celsius à Dallas et les chutes de neige ont atteint près de 30 centimètres en 24 heures à San Antonio. Dans la plupart des grandes agglomérations, les températures sont restées plusieurs jours inférieures à -15 degrés Celsius. Les infrastructures énergétiques, d’adduction d’eau et même de transports du Texas ont été endommagées.

Un enchaînement d’évènements catastrophiques

Plus de 4 millions de personnes (sur 29 millions) ont été privés d’électricité, c’est-à-dire de lumière et souvent de chauffage, à la suite de coupures décidées en catastrophe par le gestionnaire du réseau électrique de l’Etat  le Electric Reliability Council of Texas (ERCOT). On a appris très récemment que le réseau électrique texan a été dans la matinée du 15 janvier à quelques minutes seulement de s’effondrer en totalité et d’être irréparable pendant des semaines, voire des mois.

Les officiels de ERCOT ont rendu public l’enchaînement des évènements qui ont presque conduit à un désastre total. Il montre qu’il s’en est fallu précisément de 4 minutes et 37 secondes pour qu’une cascade de dysfonctionnements plonge dans le noir l’ensemble de l’Etat du Texas.

Pour maintenir un réseau électrique en service, il faut que la fréquence reste constante. En Europe, elle est de 50 hertz et aux Etats-Unis de 60 hertz. L’Europe a évité un black out le 8 janvier dernier en coupant la partie sud-est de son réseau électrique interconnecté pour enrayer une chute de fréquence dangereuse qui aurait pu faire sauter les lignes à haute tension. Il s’est passé la même chose au Texas mais de façon encore plus dramatique.

Baisse de tension

Tout a commencé dans la soirée du lundi 14 février quand le Texas a commencé a subir une baisse rapide des températures et des tempêtes de neige. Les besoins en électricité ont augmenté, notamment pour le chauffage, et les équipements incapables de faire face aux intempéries ont commencé à tomber en panne. Cela était le cas aussi bien des centrales à gaz et au charbon, mal protégées, que des éoliennes. Lundi 15 février, à 12H15 ERCOT a déclenché son premier seuil d’alerte. A 13H07, le deuxième seuil a été franchi et s’est traduit par des coupures de courant pour les groupes industriels qui avaient accepté par contrat de voir leur alimentation coupée en cas de pénurie d’électricité. Le 8 janvier, RTE, le Réseau de Transport d’Electricité français avait fait de même avec 16 grands sites industriels sur le territoire national.

Mais au Texas, ERCOT s’est retrouvé lundi 15 février à 13H23 au troisième et dernier seuil d’alerte avec alors un tiers de ces capacités de production à l’arrêt. Le gestionnaire du réseau texan a ordonné immédiatement de procéder à des coupures de courant tournantes dans tout l’Etat. Mais elles n’ont pas réglé le problème… Notamment parce que d’autres centrales ont continué à tomber en panne. A 13 heures 51, faute de puissance disponible, la fréquence du réseau est descendue à 59,4 hertz. Cela peut sembler pas très différent de 60 hertz, mais rester à ce niveau-là pendant 9 minutes entraîne un effondrement en cascade du réseau.

En catastrophe, ERCOT a donc fait procéder à des coupures de courant plus importantes et non tournantes cette fois. Et 4 minutes et 23 secondes après que la fréquence soit tombée à 59,4 hertz et même 59,3 hertz, elle a commencé à remonter. A 14 heures 03, le réseau était revenu à 60 hertz et était sauvé. Mais il était incapable d’approvisionner des centaines de milliers de foyers qui allaient rester des jours sans électricité dans un froid polaire, le temps que la météorologie deviennent plus clémente et que les centrales à l’arrêt redémarrent.

Une situation d’autant plus incroyable que le Texas, dont le territoire est plus grand que celui de la France, est le premier Etat américain producteur d’énergie. Il dispose de ressources énergétiques considérables de pétrole, de gaz, de vent et de soleil. Mais dans un marché de l’électricité totalement dérégulé, les distributeurs et producteurs se sont refusés depuis des années à faire les investissements nécessaires pour protéger leurs outils de production en cas de grand froid, jugeant cette probabilité trop faible…

La rédaction