Transitions & Energies

La République islamique d’Iran a tout comme la Russie une flotte fantôme de tankers


L’appétit de la Chine pour le pétrole de contrebande à prix cassés, russe comme iranien, permet à ses deux pays d’échapper aux sanctions occidentales contre leurs exportations d’or noir. Il n’y a pas que la Russie à avoir créé une flotte fantôme de tankers. La République islamique d’Iran l’a fait depuis de nombreuses années.

La République islamique d’Iran est l’un des pays les plus sanctionnés au monde. Les restrictions imposées par les États-Unis à ses exportations de pétrole n’ont toutefois pas réussi à vraiment limiter des ventes qui constituent la ligne de survie de son économie chancelante. Les sanctions américaines ont bien coupé l’Iran de la plupart de ses clients traditionnels, mais Téhéran a trouvé de nouveaux acheteurs prêts à acquérir son pétrole à des prix réduits.

La volonté de la Chine et d’autres pays du sud-est asiatique d’acheter de grandes quantités de pétrole iranien, la maîtrise par Téhéran des tactiques de contournement des sanctions et la réticence de Washington à appliquer strictement lesdites sanctions ont rendu très inefficaces les mesures américaines contre les exportations d’énergie de l’Iran. Un responsable du Trésor américain l’a encore reconnu le 7 mai soulignant que les cargaisons de pétrole sont « blanchies » en mer près de la Malaisie. « Les ventes iraniennes de pétrole en Asie du Sud-Est ont financé des groupes armés proches de Téhéran, notamment le groupe islamiste palestinien du Hamas et la rébellion yéménite des Houthis », a ajouté le haut fonctionnaire américain sous couvert d’anonymat.

Des cargaisons de barils de contrebande à bas prix vers la Chine

La levée des sanctions américaines par l’administration Obama dans le cadre de l’accord nucléaire de 2015 avec les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne avait permis à l’Iran de vendre à nouveau son pétrole à ses clients habituels en Europe comme en Asie. Les exportations de pétrole iraniennes avaient ainsi atteint un sommet en 2018. Mais elles ont à nouveau fortement baissé quand Donald Trump, alors Président des Etats-Unis, a dénoncé l’accord et pris des sanctions contre le pétrole iranien.

L’Iran a pourtant réussi progressivement augmenter ses ventes en contournant les sanctions américaines grâce à une flotte fantôme de pétroliers permettant de transporter en toute discrétion des cargaisons de barils vers la Chine et d’autres pays d’Asie. Cette tactique implique des opérations de navire à navire pour décharger le pétrole, des intermédiaires, des transferts d’argent cachés et le changement de marque du pétrole pour masquer son origine iranienne et faire croire qu’il provient d’un pays tiers.

« L’Iran ne cesse de développer et d’étendre non seulement le réseau d’intermédiaires et de sociétés commerciales impliquées dans la vente de son pétrole, mais aussi sa propre flotte de pétroliers qu’il utilise principalement pour transporter son brut », explique Nader Itayim, rédacteur en chef pour le Moyen-Orient de l’agence Argus Media. Les données résultant du suivi des navires mené par Argus montrent que les exportations de pétrole iranien s’élèvent aujourd’hui à environ 1,5 million de barils par jour, dont 85 à 90% sont destinés à la Chine.

Une baisse des prix d’environ 15%

Téhéran accorde à la Chine une forte réduction sur le prix de son pétrole de contrebande, allant jusqu’à 15% du cours du baril. Cela ne pose pas trop de problème à l’Iran car la vente de son pétrole reste très rentable. Le coût marginal de production du pétrole iranien est d’environ 15 dollars par baril. Et les cours aujourd’hui sont supérieurs à 80 dollars.

Et puis la Chine ne craint plus vraiment les sanctions américaines. C’est ce qu’explique Gregory Brew, analyste de l’Iran et de l’énergie à l’Eurasia Group. « La stature croissante de la Chine en tant que nouvelle puissance mondiale lui confère une plus grande liberté pour défier les sanctions américaines », explique-t-il.

Les barils iraniens permettent d’équilibrer le marché pétrolier

C’est d’autant plus le cas que l’administration Biden est très réticente à appliquer des sanctions qu’elle n’a pas décidé et a longtemps cherché à renouer le dialogue avec la République islamique. Washington hésite d’autant plus à le faire que les 1,5 million de barils de pétrole iranien qui sont vendus par jour contribuent à équilibrer le marché et à éviter une envolée des cours.  Pour les mêmes raisons, ce laxisme dans l’application des sanctions pétrolières s’étend également au Venezuela et à la Russie. Et si le mois dernier, le Congrès américain a adopté un ensemble de mesures dites de sécurité comprenant un renforcement des sanctions énergétiques contre l’Iran et la Chine, les experts doutent qu’elles auront un réel impact.

La rédaction