Transitions & Energies
Sidérurgie

La question essentielle de l’intensité énergétique des économies


C’est assez méconnu, mais les progrès faits depuis presque 35 ans en matière d’intensité énergétique ont été considérables. Il faut aujourd’hui 60 gigajoules de consommation énergétique pour produire dans le monde 1 milliard de dollars d’activité économique (Pib) et il fallait 150 gigajoules en 1990 comme le montrent les travaux du professeur Samuel Furfari. Le problème, c’est que ces progrès semblent atteindre maintenant une limite technique. Les gains s’annoncent bien plus faibles et bien plus lents. Cela signifie qu’il ne reste pour limiter l’utilisation des combustibles fossiles que leur substitution par des sources d’énergies décarbonées, quand cela est possible, ou la généralisation de la sobriété, c’est-à-dire un changement accepté et acceptable de mode de vie.

Peut-on faire plus avec moins d’énergie? Bien sûr. Mais dans certaines limites. Cela s’appelle l’intensité énergétique des économies et revient à mesurer la quantité d’énergie consommée par unité de Pib. Elle s’exprime notamment en joules par dollar d’activité économique. En fait, l’intensité énergétique n’a cessé de progresser avec une accélération sensible depuis 1990.

C’est ce que montre de façon spectaculaire une infographie publiée par Samuel Furfari, Professeur de géopolitique de l’énergie à l’Université libre de Bruxelles, Président de la Société européenne des Ingénieurs et Industriels et ancien haut fonctionnaire à la Commission Européenne. M. Furfari a calculé les courbes de 1990 à 2022 ((voir ci-dessous) à partir des données de la Banque Mondiale sur l’activité économique et celles de l’Energy Institute sur la consommation d’énergie. Cette infographie en gigajoules par milliard de dollars montre également les progrès réalisés dans l’efficacité économique de la consommation des combustibles fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel).

Depuis 1990, l’intensité énergétique de l’économie mondiale est passée de 150 gigajoules pour générer 1 milliard de dollars de Pib à 60 gigajoules par milliard de dollars de Pib, une augmentation de 250%. Mais il faut faire attention de ne pas confondre intensité énergétique et sobriété énergétique. La demande d’énergie a augmenté tout au long de la période considérée.

En gigajoules par milliard de dollars. Source : Samuel Furfari DR.

Samuel Furfari explique qu’il y a plusieurs raisons à ces progrès spectaculaires. « Les prix de l’énergie ont augmenté, obligeant l’industrie – et dans une certaine mesure le secteur résidentiel – à réduire sa consommation… Les améliorations technologiques ont rendu les procédés industriels ou les équipements consommateurs d’énergie plus efficaces, y compris dans le secteur automobile… La richesse mondiale s’est considérablement accrue, de sorte que le ratio ne peut que diminuer à mesure que le PIB augmente au dénominateur. Enfin, la part du secteur tertiaire, en particulier des services, dans l’économie augmente au détriment des secteurs primaire (agriculture) et secondaire (industrie). Il est clair que le secteur tertiaire consomme moins d’énergie que les autres. »

Sans surprise, l’intensité énergétique liée à la consommation d’énergies fossiles a fortement augmenté dans la même période. Les combustibles fossiles représentaient l’an dernier 82% de la consommation mondiale d’énergie primaire. Ainsi, l’intensité économique de la consommation de pétrole est passée de 60 gigajoules par milliard de dollars de Pub à 19 gigajoules. Et l’intensité pétrolière est celle qui a le plus progressé parmi les combustibles fossiles. « C’est aussi le plus cher d’entre eux, ce qui explique en partie la réduction de l’intensité. »

Les limites des avancées technologiques

M. Furfari souligne que « les intensités des trois combustibles fossiles tendent vers une valeur similaire, tandis qu’elles étaient très différentes en 1990 ». Il ajoute que « toutes les intensités de combustibles atteignent une asymptote autour de 20 gigajoules par milliard de dollars. Cela signifie que les fruits à portée de main sont épuisés et qu’il ne faut plus s’attendre à de grandes améliorations. La technologie a fourni ce qu’elle pouvait, mais les processus ne réduiront jamais leur consommation d’énergie à zéro… ».

Si cette conclusion est juste, cela signifie que pour réduire rapidement la consommation d’énergies fossiles en maintenant le niveau d’activité économique, il y a seulement deux possibilités. Tenter de substituer des sources d’énergie bas carbone aux fossiles quand cela est possible ou la sobriété énergétique qui passe par un changement généralisé et accepté de comportement des consommateurs. Avec le risque de se trouver rapidement dans des conflits de type fin du mois contre fin du monde.

La rédaction