Chute des cours du pétrole, les pays producteurs en grand danger

24 avril 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Réservoir de pétrole Wikimedia Commons
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Chute des cours du pétrole, les pays producteurs en grand danger

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Pour les pays producteurs de pétrole les plus fragiles économiquement et politiquement, l'effondrement des cours et des recettes provenant des exportations pourraient avoir des conséquences dramatiques. La misère, la faim et la violence. C'est notamment le cas du Venezuela, de l'Iran, de l'Irak, de l'Algérie, du Nigeria et des Etats pétroliers francophones d'Afrique centrale.

L’effondrement des cours du pétrole ne fera pas que des heureux, à savoir les consommateurs et importateurs en général et les automobilistes en particulier. D’une part, parce qu’il est la conséquence d’une récession économique planétaire dont tous les pays vont souffrir, certes à des degrés divers, et d’autre part, parce qu’il pourrait déstabiliser profondément les pays exportateurs fragiles économiquement et politiquement.

La Russie et l’Arabie Saoudite, respectivement deuxième et troisième producteurs mondial de pétrole, qui ont précipité la crise en se lançant au plus mauvais moment dans une guerre des prix et en inondant le marché, ne sont pas aujourd’hui les plus menacés. Ils disposent tous deux de réserves financières en devises importantes. Les petites monarchies du Golfe, dont le Qatar, le Koweït, les émirats devraient aussi encaisser le choc en puisant dans leurs réserves.

Une déstabilisation économique, financière, sociale et politique

Les Etats-Unis devenus lors des dernières années, par la grâce de la fracturation hydraulique, le premier producteur au monde, sont encore dans une autre catégorie. La première économie du monde va connaître une récession très profonde et peut être même une dépression, mais elle a les ressources financières, technologiques et humaines pour rebondir. Une partie de son industrie pétrolière, pas les géants mais les centaines de petits producteurs de pétrole de schiste, ont peu de chance d’éviter la faillite. Le Texas et la ville de Houston en souffriront.

Pour d’autres pays pétroliers moins puissants et plus fragiles, la situation pourrait devenir dramatique. La dépendance de ses Etats aux recettes pétrolières, qui assurent entre 65% et 90% de leurs budgets, les met en danger.  Si le baril reste durablement sous les 50 dollars, ils risquent une déstabilisation économique, financière, sociale et politique. Les cours se sont redressés le 23 avril et étaient compris entre 16 dollars pour la qualité WTI et 21 dollars pour le Brent.

En tête de liste des pays à risque, on trouve le Venezuela et l’Iran, déjà affaiblis tous deux par des sanctions internationales, notamment exercées par les Etats-Unis.

La production de pétrole vénézuélienne s’est déjà effondrée au cours des dernières années. Le pays, qui possède pourtant les plus grandes réserves d’hydrocarbures au monde, est exsangue et plus de 4 millions de Vénézuéliens l’ont quitté pour fuir les pénuries et la répression. Le Président Nicolas Maduro a réussi, à la surprise générale, à raffermir son pouvoir au cours des derniers mois. Cela pourrait ne plus durer.

La situation de la République islamique d’Iran n’est guère plus confortable. Le pétrole représente 65% de son Produit intérieur brut (Pis). Après avoir dénoncé l’accord international sur le contrôle et la limitation des ambitions nucléaire de Téhéran, le président Donald Trump a réimposé un embargo sur le pétrole iranien. Rarissimes sont les compagnies qui osent encore commercer avec Téhéran de crainte de rétorsions.

Du coup, l’Iran ne vend plus, en le bradant, qu’une infime partie de son brut à la Chine. Ces maigres revenus vont encore se réduire. De plus, la contestation interne du régime des mollahs est permanente et alimentée encore par la gestion catastrophique de l’épidémie de Covid-19 et les engagements militaires du pays directs et indirects en Syrie, en Irak, au Yémen, au Liban et à Gaza.

La malédiction de la rente pétrolière

L’Irak mais aussi l’Algérie ne se trouvent pas dans une situation bien plus solide et sont tout aussi dépendants que le Venezuela et l’Iran des revenus tirés des exportations pétrolières. Les deux pays sont aussi agités depuis des mois par des manifestations et des contestations du pouvoir. Une chose est sûre, leurs gouvernements n’ont plus les moyens d’acheter longtemps la paix sociale.

En Irak, la relative embellie économique liée au doublement de la production de pétrole au cours des dernières années est un souvenir. Les recettes de l’Etat irakien devraient être amputées de 70%. Pour assurer la paix sociale, il a embauché 500.000 fonctionnaires l’an dernier.  L’Irak a été en plus déstabilisé par la guerre civile en Syrie qui a avivé encore l’opposition entre chiites, sunnites et kurdes. S’ajoute à cela, la guerre larvée menée sur son sol entre l’Iran d’un côté et les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite de l’autre.

En Algérie, le nouveau président Abdelmadjid Tebboune, élu en décembre 2019 en dépit d’une abstention massive, fait face à une défiance générale. Distribuer la rente est la méthode de gouvernement du pouvoir algérien depuis des décennies. Mais pour équilibrer son budget, l’Algérie aurait besoin que le cours du baril atteigne 109 dollars…

En Afrique subsaharienne, le Nigeria, le pays le plus peuplé du continent, va voir ses revenus s’effondrer alors qu’il est aux prises avec une double rébellion, dans le nord face aux islamistes de Boko Haram et dans le delta du sud, la région pétrolière. Les exportations de pétrole assurent 60% des recettes de l’Etat. Le Nigeria a demandé une aide d’urgence de 7 milliards de dollars au Fonds monétaire international (FMI), à la Banque mondiale, à la Banque africaine de développement et à la Banque islamique de développement.

Les Etats pétroliers francophones d’Afrique centrale, le Cameroun, le Gabon et le Congo-Brazzaville, sont aussi touchés. Ce ne sont pas de grands producteurs mais la rente pétrolière permet à leurs régimes affaiblis, vieillissants et contestés de se maintenir au pouvoir par le clientélisme. Pour combien de temps encore?

La question de fond est bien celle-là. Si la plus forte baisse de consommation de pétrole de l’histoire est durable, c’est-à-dire si l’économie mondiale éprouve de grandes difficultés à redémarrer après la pandémie, la situation des pays producteurs ne va cesser de se dégrader. Cela va se traduire par de la misère, de la faim et de la violence. On appelle cela depuis des décennies la malédiction de la rente pétrolière.

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