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Méthanier Wikimedia Commons

Le moratoire américain sur les nouveaux terminaux de GNL pourrait mettre l’Europe en difficulté


Pour remplacer le gaz russe, l’Europe compte sur le GNL (Gaz naturel liquéfié), notamment américain. Peu importe qu’il provienne du gaz de schiste dont l’exploitation est interdite sur le sol européen… Cet appétit européen pour le gaz américain explique pourquoi les Etats-Unis sont devenus l’an dernier le premier exportateur mondial de GNL devant le Qatar. Mais l’administration américaine vient de décider d’un moratoire sur des projets de nouveaux terminaux de GNL. Cela pourrait avoir un impact sur l’approvisionnement de l’Europe en énergie dans quelques années.

La France en particulier et l’Europe en général ne veulent pas entendre parler de l’exploitation du gaz de schiste, qui a de lourdes conséquences environnementales, mais en revanche sont prêtes à acheter tout le gaz de schiste que les Etats-Unis sont prêts à leur vendre. Cela permet de remplacer le gaz venu de Russie après l’invasion de l’Ukraine et la destruction des gazoducs NordStream 1 et NordStream 2, à condition évidemment que le gaz américain soit liquéfié (GNL) et transporté par des méthaniers.

Les scrupules de l’administration Biden en période électorale

L’appétit de l’Europe pour le gaz de schiste américain a été tel que les Etats-Unis sont devenus l’an dernier le premier exportateur mondial de GNL doublant le Qatar. Les États-Unis ont battu en 2023 leur record d’exportations de GNL à 91,2 millions de tonnes et sont devenus pour la première fois le premier exportateur mondial. La majorité des exportations américaines de GNL en 2023 ont été expédiées vers les Pays-Bas, c’est-à-dire en fait l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Les exportations américaines de GNL ont assuré 47% des importations européennes l’an dernier et déjà 43% en 2022. Les États-Unis n’ont pourtant rejoint le marché des exportations de GNL qu’en 2016 pour écouler leur production nationale surabondante de gaz de schiste.

Oui mais voilà, en période électorale l’administration Biden a aussi des scrupules environnementaux et climatiques. Elle vient de décider de mettre un moratoire sur les nouveaux projets d’infrastructures gazières et notamment les terminaux de GNL du pays.

Eurogas, une association de 77 acteurs européens du gaz, a exhorté en vain Washington d’éviter une « interdiction ou limitation inutile ». « Cela risquerait d’accroître et de prolonger le déséquilibre de l’offre au niveau mondial » … et prolongerait « inévitablement la période de volatilité des prix en Europe ». La Commission européenne se veut plus rassurante. Pour elle, le moratoire est « sans incidence sur les projets d’exportation déjà approuvés » et « sans incidence à court ou moyen terme sur la sécurité de l’approvisionnement de l’UE ».

La situation se complique à la fin de la décennie

Le marché devrait bénéficier à partir de 2026 « d’une vague de nouveaux projets d’approvisionnement » déjà lancés et approuvés aux États-Unis et au Qatar, souligne Ben Cahill, du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS). Ainsi, deux nouvelles installations devraient entrer en production dans les prochaines années aux Etats-Unis. Celle de Plaquemines de Venture Global LNG en Louisiane et celle de Golden Pass au Texas, une coentreprise entre Exxon Mobil et QatarEnergy. À pleine capacité, les deux projets ajouteront pas moins de 38 millions de tonnes supplémentaires par an aux capacités de production américaines.

Mais plus long terme, la situation pourrait se compliquer. « Le problème tient en fait à ce qui se passera après, car les nouveaux projets de GNL américains visaient à répondre à la demande attendue dans les années 2030 et 2040 », ajoute Ben Cahill. Une analyse partagée par Rystad Energy qui estime que le moratoire « aura des implications à plus long terme, compte tenu de la croissance de la demande de GNL au-delà de 2030 » en Europe et plus encore en Asie. Cela pourrait se traduire par une hausse des prix du gaz dans le monde. Avant le moratoire, Rystad estimait que les Etats-Unis auraient pu voir leur part de marché mondiale passer de 21% en 2023 à 30% en 2030.

Les Etats-Unis comptent aujourd’hui sept terminaux d’exportation de GNL, la plupart au Texas. A ceux-ci s’ajoutent cinq autres qui ont été autorisés et sont en cours de construction. Quatre autres dossiers en cours d’examen par le Department of Energy (DOE) sont concernés par le moratoire, notamment le futur projet phare d’exportation de GNL des États-Unis, Venture Global CP2, d’une capacité de 20 millions de tonnes. Désormais aucun nouveau permis d’exportation ne sera délivré aux Etats-Unis avant que le DOE n’ait actualisé son analyse de chaque projet afin de « mieux comprendre les besoins du marché, la demande et l’offre à long terme, ainsi que les facteurs environnementaux ».

La rédaction