Transitions & Energies
Wall Street New York

La bulle Tesla a fini par éclater


L’exubérance irrationnelle, qui a fait un temps de Tesla l’une des entreprises les plus valorisées au monde sur les marchés boursiers, a disparu. L’action Tesla a perdu près de 70% de sa valeur depuis le début de l’année. Elle le doit à l’image de plus en plus écornée de son Président, Elon Musk, et à la multiplication de problèmes commerciaux et techniques que les investisseurs ne voulaient pas voir jusque-là.

L’action Tesla a longtemps été considérée par de nombreux experts comme la plus spéculative et même la plus dangereuse de Wall Street. Cela ne l’a pas empêché année après année de connaître des performances spectaculaires qui tenaient plus à «l’exubérance irrationnelle» des spéculateurs, expression chère à Alan Greenspan, qu’au potentiel réel d’une société, certes innovante, mais présentant de multiples faiblesses. L’aura d’Elon Musk et l’engouement pour les valeurs «vertes» et le nouveau géant et précurseur de la voiture électrique n’ont cessé de propulser l’action Tesla vers de nouveaux sommets sans relations ou presque avec les performances réelles commerciales et financières de la société.

La capitalisation boursière revenue de 1.200 à 370 milliards de dollars

Le 3 janvier dernier, la capitalisation boursière de Tesla dépassait 1.200 milliards de dollars, l’action valait alors 399,93 dollars. Mais comme toutes les bulles, elle a fini par éclater… cette année. Et après une baisse de 69% à 123,15 dollars le 23 décembre de la valeur du titre, la capitalisation de Tesla était revenue toujours le 23 décembre à 370 milliards de dollars, ce qui en fait toujours le constructeur automobile mondial dont la valeur boursière est la plus importante… Ce qui illustre plus les incertitudes sur l’avenir de l’industrie automobile qu’autre chose. Pour donner une idée de l’ampleur de la bulle Tesla, la perte d’un peu plus de 800 milliards de dollars de capitalisation représente plus que la valeur combinée sur les marchés boursiers de tous les grands constructeurs automobiles mondiaux. En additionnant les capitalisations de Toyota, Volkswagen, Mercedes-Benz, BMW, GM, Ford, Stellantis, Honda, Hyundai, Kia, Nissan et Renault, on n’arrive pas à 700 milliards de dollars.

Tesla a toujours été présenté à juste raison comme une valeur de croissance, ce qui signifie que sa valorisation délirante était construite sur son potentiel futur. Un potentiel qui existe mais ne justifie en rien une telle valorisation. La réalité des marchés, des difficultés de production, de l’accès aux matières premières, aux semi-conducteurs et aux batteries ont fini par avoir un impact à Wall Street. Et surtout, Elon Musk a vu son image s’effondrer avec son acquisition mouvementée et controversée de Twitter. Signe des temps, pour la première fois depuis 2020, la capitalisation boursière de Tesla est repassée sous celle du groupe pétrolier Exxon Mobil…

La magie Elon Musk a disparu

Elon Musk accuse régulièrement la crise économique et les autorités financières américaines, mais il est en grande partie responsable de ce qui se passe. Les promesses irréalistes et intenables qu’il a multiplié depuis des années ne passent plus aujourd’hui. La faute à Twitter et ce n’est pas un hasard si la dégringolade de l’action Tesla a commencé en avril quand Elon Musk est entré dans le capital du réseau social avant de lancer une procédure de rachat en octobre pour 44 milliards de dollars. Pour ce faire, il a vendu plusieurs millions d’actions du constructeur automobile… alors qu’il avait promis de ne pas le faire. S’ajoutent à cela son procès contre Twitter, ses déclarations de guerre à la presse, ses déclarations politiques ambiguës, ses liens avec des personnalités controversées…

Au cours de la semaine dernière, il a été critiqué pour avoir suspendu de Twitter plusieurs journalistes ainsi qu’un compte lié à la plateforme de médias sociaux rivale Mastodon. Il a rétabli les comptes de certains journalistes, mais d’autres ont fait appel de la suspension après avoir été invités à supprimer un tweet faisant référence au compte qui a publié des informations sur les déplacements du jet privé d’Elon Musk. Ce dernier a aujourd’hui sérieusement abîmé son image de génie et de précurseur. Il a profondément divisé l’opinion des investisseurs et des clients de Tesla, entre ceux qui l’adorent toujours et ceux qui le détestent et le voient même comme un danger pour la démocratie.

Bon nombre d’actionnaires de Tesla sont en tout cas convaincus d’une chose qu’Elon Musk ne peut pas diriger à la fois Tesla, Space X et Twitter. Il vient de commencer à comprendre le danger et a annoncé qu’il allait nommer un Pdg pour Twitter «qu’il cherche activement». Pour tenter de rassurer, Elon Musk participait le 22 décembre à un Twitter Space avec les investisseurs de Tesla, dans lequel il reconnaissait avoir eu un impact négatif sur le cours de l’action et leur a promis qu’il  ne vendrait plus d’actions Tesla. Il a fait la même promesse en avril et en août. Il s’est aussi engagé après avoir «réparé» Twitter que sa priorité serait de redresser Tesla.

Car les problèmes s’accumulent chez Tesla commerciaux, techniques et financiers. Les ventes ne sont pas à la hauteur des promesses. A tel point que Tesla offre une remise de 7.500 dollars par véhicule vendu aux Etats-Unis avant la fin de l’année sur les modèles 3 et Y. Et sur le marché chinois, Tesla a baissé à la fois la production de son usine de Shanghai et les prix de ses modèles.

Une année 2023 compliquée

L’année 2023 s’annonce difficile pour le constructeur américain qui a décidé le gel de l’embauche et va procéder à une nouvelle série de licenciements. Une première vague de licenciements en juin ne s’est pas très bien passée. Deux anciens employés ont intenté un procès à la société, affirmant qu’elle avait violé les lois fédérales en omettant de prévenir les employés concernés par les licenciements massifs.

Enfin, il y aussi des problèmes techniques et de gamme à résoudre. Les véhicules Tesla sont parmi les plus mal classés en terme de fiabilité et de qualité de la finition. La conduite 100% autonome reste une promesse et Tesla fait face a des poursuites en Californie pour avoir été pris en flagrant délit de mensonges sur les capacités réelles de son système «full self-driving» (conduite complètement autonome). Le constructeur américain a été trainé devant les tribunaux par l’agence californienne d’homologation des véhicules à moteur (DMV). Le lancement de son camion électrique, le Semi truck, est loin de convaincre compte tenu de son retard de plusieurs années et de ses caractéristiques techniques d’autonomie et de coût et le pick-up Cybertruck reste une promesse… pour 2023. Enfin, si Tesla peut toujours compter sur certains de ses clients devenus les meilleurs promoteurs de la marque, Tesla n’a toujours pas de service de communication interne… Clairement, les tweets d’Elon Musk ne suffisent plus aujourd’hui.

 

 

 

La rédaction