Transitions & Energies

Les insurmontables contradictions de la transition énergétique chinoise


La Chine, l’usine du monde et premier émetteur de loin de gaz à effet de serre, est à la fois le champion du déploiement des énergies renouvelables, éolienne et solaire, et de la construction de nouvelles centrales à charbon… Elle s’est aussi lancée depuis quelques mois dans une frénésie difficilement compréhensible d’achats de pétrole, de gaz et de produits pétroliers raffinés sur les marchés mondiaux.

La Chine est de loin le premier consommateur et producteur d’énergie au monde et le premier émetteur de gaz à effet de serre de la planète avec l’an dernier 12,1 gigatonnes de CO2 soit près de 33% des émissions mondiales de carbone (36,8 gigatonnes). Etre le pays le plus peuplé au monde (à égalité aujourd’hui avec l’Inde) et être devenu l’usine du monde se traduit mécaniquement par des besoins en énergie considérable. Au point que le deuxième émetteur mondial de CO2, les Etats-Unis, représentent avec 4,7 gigatonnes l’an dernier moins de 39% de ce qui est émis par la Chine. La Chine, c’est aussi 60% de son électricité provenant de centrales à charbon et pas moins de 55% de la consommation mondiale de charbon. Mais c’est aussi, de loin, le premier investisseur en capacités renouvelables, éolienne et solaire, et le premier marché mondial des véhicules électriques à batteries. C’est aussi un pays qui s’est lancé depuis quelques mois dans une frénésie difficilement compréhensible d’achats de grandes quantités de pétrole, de gaz et de diesel sur les marchés mondiaux. Au point que le Wall Street Journal s’interroge sur la logique politique et stratégique derrière cette constitution de stocks.

Etats pétroliers contre Etats électriques

C’est aussi un pays qui a fait le choix industriel, économique et stratégique de devenir une puissance électrique en dominant la production des équipements solaires photovoltaïques, des batteries pour véhicules électriques, des turbines et nacelles d’éoliennes et à terme des électrolyseurs pour fabriquer de l’hydrogène vert et même des réacteurs nucléaires. Il existe dans le domaine énergétique deux types de grandes puissances, les Etats pétroliers dont la Russie ou les Etats-Unis et les Etats électriques qui devraient être portés par la transition, la Chine et un temps, au siècle dernier, la France quand elle dominait l’industrie nucléaire civile.

Pour en revenir à la Chine, cela dessine un pays totalement paradoxal. Il développe à un rythme extrêmement rapide et inattendu ses capacités en matière d’énergies renouvelables. Il installe des parcs éolien et solaire au même rythme que le reste du monde combiné, sous l’impulsion de politiques gouvernementales résolues et de financements presque sans limites. Au cours du premier semestre de l’année dernière, le pays a investi 100 milliards de dollars dans de nouveaux projets éoliens et solaires.

Nannan Kou, responsable de l’analyse de la Chine de BloombergNEF (Bloomberg New Energy Finance) ajoute que: «les infrastructures vertes ont été le principal secteur économique d’investissements utilisé par la Chine au second semestre 2022 pour relancer son activité économique».

50% de capacités en plus en 2030 que l’objectif fixé

La Chine pourrait atteindre une capacité de production installée théorique (attention à l’intermittence) de 1.800 GW d’énergies renouvelables d’ici la fin de la décennie, soit 50% de plus que son objectif de 1.200 GW fixé par le président Xi Jinping pour 2030. En fait, la Chine pourrait atteindre l’objectif initial de 1.200 GW dès 2025 et cela pourrait lui permettre d’atteindre son pic d’émissions de gaz à effet de serre avant 2030.

Mais dans le même temps, la Chine ne renonce pas à développer ses capacités de production électrique fossiles, notamment via des centrales à charbon. On peut même parler d’une véritable addiction chinoise à l’énergie fossile qui est de loin la plus émettrice de gaz à effet de serre. Beijing a l’an dernier approuvé la construction du plus grand nombre de nouvelles centrales au charbon depuis 2015… Cela devrait se traduire par une augmentation des capacités de production d’électricité à partir du charbon de 106 GW. Il faut bien que le pays ne soit pas plongé dans les blackouts quand il n’y pas de vent et peu de soleil.

Sécurité d’approvisionnement énergétique et sécurité géostratégique

Si les émissions de gaz à effet de serre la Chine sont encore considérables…, elles sont restées relativement stable en 2022, diminuant même de 0,2% selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Mais cela s’explique en grande partie par les restrictions Covid en cours une grande partie de l’année dernière qui ont beaucoup pesé sur l’activité économique du pays. Et il est important de bien mesurer le rôle essentiel que joue le charbon dans la sécurité d’approvisionnement énergétique du pays et sa sécurité économique et géostratégique.

La Chine est la seule superpuissance, contrairement aux Etats-Unis et à la Russie, à ne pas être autonome sur le plan énergétique et à dépendre notamment d’importations massives de pétrole et de gaz. En revanche, en matière de charbon, et même si elle en importe de grandes quantités, elle produit sur son sol l’essentiel de ses besoins.

Autre signe négatif, le comportement de la Chine sur la scène internationale dans les négociations sur le climat a changé au cours des dernières années. Lors de la conférence mondiale sur le climat COP27 qui s’est tenue en Égypte à la fin de l’année dernière, la Chine n’a pas adhéré à l’engagement de réduire les émissions de méthane et a refusé d’apporter un soutien financier aux pays en développement vulnérables au changement climatique.

La rédaction