Transitions & Energies

L’industrie européenne de l’aluminium menacée de disparition


La très forte augmentation des prix de l’électricité a mis à mal l’équilibre économique des fonderies d’aluminium en Europe. Une activité qui demande des quantités considérables d’électricité. Ces coûts de fabrication sont devenus très supérieurs aux cours de l’aluminium sur les marchés mondiaux. La production européenne d’aluminium est ainsi à son plus bas niveau depuis les années 1970. Sans un soutien d’urgence des pouvoirs publics, l’industrie européenne de l’aluminium semble condamnée à disparaître. Il s’agit d’un métal considéré comme stratégique.

L’envolée des prix de l’énergie appauvrit les populations mais atteint aujourd’hui une telle ampleur qu’elle menace l’existence même d’industries clés en Europe. C’est notamment le cas de la production d’aluminium qui demande à quantité égale 40 fois plus d’énergie, de l’électricité, que le cuivre ou l’acier. Ce n’est pas pour rien si l’aluminium est considéré comme de «l’électricité congelée». Et c’est un métal stratégique indispensable à l’aéronautique, l’automobile, l’alimentation, la construction, l’emballage, l’armement, la fabrication des éoliennes et des panneaux solaires…

La menace existentielle sur la fabrication d’aluminium en Europe illustre bien la situation de toute l’industrie lourde: la fabrication d’engrais de ciment, d’acier, de zinc… Des activités incapables de faire face à l’envolée des coûts de l’énergie. Mais qui s’en préoccupe ?

Une tonne d’aluminium nécessite 15 mégawattheures pour être fabriquée

Ainsi, la production d’aluminium est menacée tout simplement en Europe de disparition dans l’indifférence générale. Dans cette industrie, fermer une fonderie est une décision très lourde de conséquence. Une fois que l’électricité est coupée et que les cuves de production se retrouvent à la température ambiante, il faut plusieurs mois et des dizaines de millions pour les relancer. Norsk Hydro ASA se prépare à faire exactement cela dans son immense usine en Slovaquie. Et la société n’est pas la seule. La production européenne d’aluminium est à son plus bas niveau depuis les années 1970.

Le métal est fabriqué en chauffant l’alumine (issue de la bauxite) jusqu’à ce qu’elle se dissolve, puis en faisant passer un courant électrique très puissant à travers la cuve. Une tonne d’aluminium nécessite environ 15 mégawattheures d’électricité, assez pour alimenter cinq maisons pendant un an.

Après être monté il y a quelques jours jusqu’à 12.000 euros, le coût de l’électricité pour produire une tonne d’aluminium est «retombé» autour de 6.000 euros. Et les cours de la tonne d’aluminium se situent sur le London Metal Exchange à moins de 2.300 dollars la tonne… Dans ces conditions, l’industrie est condamnée. Elle demande une aide d’urgence des gouvernements pour obtenir des prix bloqués de l’électricité. Mais cela est difficile à justifier politiquement quand les consommateurs voient leurs factures s’envoler et que la menace de pénuries, de rationnement et de blackout grandit.

L’Europe a déjà perdu un million de tonnes de capacités de production

Le cabinetWood Mackenzie estime que l’Europe a déjà perdu un million de tonnes de capacités de production annuelle dont 25% sans doute définitivement. Et 500.000 tonnes supplémentaires de capacités sont menacés aujourd’hui de fermeture.

«L’histoire a prouvé que quand les fonderies d’aluminium disparaissent, elles ne reviennent pas», explique Mark Hansen qui dirige le courtier en métal Concord Resources à l’agence Bloomberg. «Il s’agit d’une vraie crise existentielle» pour Paul Voss, directeur general de European Aluminium qui représente les plus importants producteurs européens. «Nous avons réellement besoin de trouver une solution rapidement, sinon il ne restera plus rien à sauver», ajoute-t-il.

Comme la production s’effondre, les centaines d’industriels qui transforment l’aluminium en pièces pour les automobiles allemandes et les Airbus français sont de plus en plus dépendants d’importations, notamment d’Asie, ce qui n’est pas sans conséquences sur leur compétitivité et leur autonomie stratégique. D’autant plus qu’ils doivent maintenant éviter d’acheter de l’aluminium à la Russie qui a longtemps été un important fournisseur de l’industrie européenne.

 

 

 

 

La rédaction