Transitions & Energies
Charbon

Il n’y a pas eu de reprise «verte»


Les statistiques sur la production d’électricité dans le monde au premier semestre cette année, compilées par le Think tank Ember, montrent que pour satisfaire une forte augmentation de la demande, les renouvelables n’ont pas suffi. Plusieurs pays, notamment en Asie, ont recouru massivement aux centrales au charbon. Le «monde d’après» ressemble étrangement au «monde d’avant».

On allait voir ce qu’on allait voir. Le «monde d’après», d’après la pandémie, allait totalement changer. Relocalisation, réindustrialisation et surtout un grand pas en avant vers la transition énergétique. Voilà pour les discours. Dans la réalité et jusqu’à aujourd’hui, rien n’a vraiment changé.

La relance «verte» est plutôt une relance «grise»

Le Think tank Ember vient de publier les dernières données sur la production d’électricité dans le monde au premier semestre de 2021. Il en tire trois conclusions principales. L’augmentation de la demande d’électricité dans le monde a été plus rapide que celle de la production d’électricité décarbonée. Résultat, une progression rapide des émissions de CO2 car les centrales thermiques et notamment au charbon ont comblé la différence. Deuxième constat majeur, aucun pays au monde n’a réellement connu de relance «verte» de sa production d’électricité après les confinements de 2020. Enfin, la Chine doit absolument accélérer la transition de sa production d’électricité pour réduire sa dépendance au charbon.

Ember détaille les données de production de «63 pays représentant 87% de la production mondiale d’électricité». Leur consommation cumulée d’électricité a été de 11.557 TWh au 1er semestre 2021, soit près de 5% de plus qu’au 1er semestre 2019 (11.010 TWh). Elle avait connu une baisse au premier semestre 2020 en pleine pandémie de Covid-19 (10.729 TWh).

Dès le second semestre de 2020, les émissions de CO2 provenant du secteur électrique des 63 pays analysés étaient déjà «revenues aux niveaux d’avant la pandémie tandis que la demande d’électricité rebondissait», souligne Ember. Ces émissions ont été au premier semestre de 2021 supérieures de 12% au niveau du premier semestre de 2020 et de 5% à celui du premier semestre 2019.

La production éolienne et solaire a augmenté mais pas suffisamment

Cette hausse rapide des émissions de CO2 n’est pas seulement la conséquence mécanique de l’augmentation de la consommation d’électricité. Elle résulte également du fait que les filières bas carbone «n’ont pas été à la hauteur de la croissance de la demande». La production des filières éolienne et solaire a certes augmenté de 332 TWh entre le premier semestre 2019 et le premier semestre 2021 (+ 26% pour l’éolien et + 46% pour le solaire) mais celle des centrales à charbon a également fortement augmenté dans le même temps (+ 254 TWh, soit une hausse de 5,8%). La production «mondiale» d’origine nucléaire et provenant de filières renouvelables hors éolien et solaire a quant à elle très légèrement diminué durant cette période.

En fait,«aucun pays n’a encore réalisé une véritable relance verte de son secteur électrique », déplore Ember. Si les Etats-Unis, l’Europe et le Japon ont connu une baisse de leurs émissions de gaz à effet de serre provenant de la production électrique, c’est avant tout parce que leur consommation n’a pas augmenté. Et encore, des pays comme l’Allemagne ont connu une augmentation sensible de leurs émissions provenant de la production électrique.

Et plusieurs pays, notamment en Asie, se sont même engagés dans une «relance grise», le contraire de «verte» dans la terminologie d’Ember, de leur production électrique. Ils se sont appuyés massivement sur le charbon pour réussir à satisfaire la demande. C’est notamment le cas de la Chine, mais aussi de l’Inde, du Pakistan, de la Mongolie, du Bangladesh, du Vietnam ou encore du Kazakhstan.

Entre le premier semestre de 2019 et le premier semestre de 2021, la Chine a vu sa consommation d’électricité augmenter de 14%, ce qui est considérable. Le pays se rapproche des niveaux de consommation par habitant de l’Union Européenne. Il est à l’origine de 90% de l’augmentation de la demande d’électricité dans le monde au cours des six premiers mois de l’année. Problème, plus des deux tiers de cette hausse (68%) ont été satisfaits grâce à une croissance de la production des centrales à charbon. Ce qui n’a pas empêché d’ailleurs une succession de coupures de courant dans le pays.

La Chine, c’est 53% de la production mondiale d’électricité au charbon

La transition du secteur électrique chinois devient ainsi cruciale pour Ember, d’autant plus que le pays s’est fixé pour ambition d’atteindre la «neutralité carbone» à l’horizon 2060. Cette annonce avait été saluée par de nombreux pays et ONG. Mais la production des centrales à charbon chinoises a augmenté, entre le premier semestre de 2019 et le premier semestre de 2021, de 337 TWh… La Chine assure a elle seule 53% de la production mondiale d’électricité provenant du charbon.

En conclusion, le mix électrique du «monde d’après» ne présente aucune différence ou presque avec celui du «monde d’avant». Dans les 63 pays analysés par Ember, la production d’électricité au premier semestre de 2021 a reposé à près de 40% sur le charbon, 18,7% sur le gaz naturel, 14,9% sur l’hydroélectricité, 11,3% sur le nucléaire, 7,6% sur l’éolien et 4,3% sur le solaire.

La rédaction