<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Si l’hiver est sévère, des millions de personnes pourraient souffrir du manque de gaz

29 septembre 2021

Temps de lecture : 5 minutes
Photo : Flamme Gaz Naturel Wikimedia Commons
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Si l’hiver est sévère, des millions de personnes pourraient souffrir du manque de gaz

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De nombreux pays en Europe et ailleurs dans le monde n'ont jamais été aussi dépendants du gaz naturel à la fois pour chauffer les bâtiments et produire de l'électricité. Cela est la conséquence notamment des efforts faits pour se passer des centrales à charbon et du développement des renouvelables éoliens et solaires. Ces sources d'énergie étant intermittentes par nature doivent être associées impérativement à des centrales opérationnelles à la demande, celles à gaz sont les plus adaptées. Le problème avec le gaz est qu'il ne s'agit malheureusement pas du pétrole. Le niveau d'approvisionnement ne dépend pas d'une négociation serrée avec l'OPEP et de l'ouverture ou non des vannes par l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe. Il n'y a pas de réserves de production cachées ou inutilisées.

Avoir à disposition une énergie abondante et bon marché semblait il y a encore quelques années, au moins en Europe et dans les pays développés, comme allant de soi. C’était le monde d’avant. Nous commençons à le comprendre. La bascule vers une énergie plus décarbonée signifie d’ores et déjà que les investissements dans la recherche et l’exploitation des énergies fossiles ont ralenti et que le coût de l’électricité augmente pour subventionner notamment les renouvelables. Résultat, la production d’énergie a du mal à suivre la demande après la reprise brutale de la croissance qui a suivi le pic de la pandémie au début de l’année dernière. 2020. Les renouvelables ne sont pas à même de prendre le relais. Leurs capacités de production restent limités et en plus elles sont intermittentes. En plus, il y a eu peu de vent en Europe depuis le début de l’année et cela s’est traduit par une utilisation intensive des centrales au gaz et même au charbon. Ce n’est pas pour rien si les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité ont augmenté de 25% au premier semestre en Allemagne.

Il n’y a pas assez de gaz sur le marché pour reconstituer les stocks avant l’hiver

Pour le pétrole, le manque de capacité face à la demande est orchestré par ce gigantesque cartel planétaire appelé OPEP+. Il  limite volontairement sa production pour soutenir les cours. Une stratégie qui fonctionne à merveille. Les cours du baril ont dépassé le 27 septembre les 80 dollars pour la première fois depuis trois ans. Pour ce qui est du manque de gaz naturel, la spéculation joue évidemment un rôle mais le déséquilibre entre offre et demande est plus profond.

Cela est d’autant plus problématique que bon nombre de pays en Europe et ailleurs dans le monde n’ont jamais été aussi dépendants du gaz naturel pour chauffer les bâtiments et produire de l’électricité. Cela est la conséquence des efforts faits pour fermer les centrales à charbon et du développement des renouvelables éoliens et solaires. Etant par nature intermittents, ils doivent être associés à des centrales immédiatement opérationnelles, celles à gaz étant les plus adaptées.

Et il n’y a tout simplement pas assez de gaz sur le marché pour alimenter la reprise de l’économie mondiale et pour reconstituer les stocks avant l’arrivée de l’hiver. A tel point que les pays essayent de surenchérir les uns sur les autres pour obtenir des approvisionnements. Et dans le même temps, des producteurs importants comme la Russie ont décidé de conserver plus de gaz naturel dans leurs réserves domestiques à la fois pour continuer à faire monter les cours et pour faire face à d’éventuels besoins domestiques dans les prochains mois. La sévérité de l’hiver sera un élément déterminant.

Certains pays en Europe et en Asie pourraient greloter cet hiver

Le risque en Europe en cas d’hiver sévère est de voir se multiplier les pénuries, les blackouts et les fermetures d’usines. Car on peut parler de parfaite conjonction de difficultés. Les stocks de gaz sont à des niveaux historiquement bas pour cette période de l’année. Les livraisons par les gazoducs venant de Russie et de Norvège ont été réduites. La météorologie est marquée depuis le début de l’année par une faiblesse des ventes et donc des productions d’éoliennes. Par ailleurs, la production d’électricité nucléaire est affectée par la fermeture de réacteurs en Allemagne, en Belgique, en France (Fessenheim l’an dernier) et par de lourdes opérations de maintenance (grand carénage) sur une partie du parc français. Ce n’est pas donc pas étonnant si le prix du gaz a augmenté de plus de 500% en un an. Les consommateurs français ont pu s’en rendre compte…  le tarif réglementé du gaz naturel en France pour les particuliers va encore augmenter de 12,6% au 1er octobre. Il a déjà connu des hausses de 9,9% le 1er juillet, de 5,3% le 1er août et de 8,7% le 1er septembre.

Autre conséquence, certains fabricants d’engrais en Europe ont commencé à réduire leur production et cela devrait continuer. Cela aura un impact sur les prix, les rendements et les productions agricoles.

Pour avoir une idée du risque, il suffit de lire ce que déclarait le 20 septembre à l’agence Bloomberg, Amos Hochstein, le principal conseiller du Département d’Etat américain sur la sécurité énergétique. «Si l’hiver est froid, ma crainte est qu’il n’y aura pas assez de gaz pour chauffer certaines parties de l’Europe». Pour certains pays, «il ne s’agira pas seulement d’une récession économique, cela va affecter la capacité de fournir du gaz pour le chauffage. Cela va toucher la vie de tout le monde».

Les coupures d’électricité et autres blackouts se multiplient en Chine depuis le début de l’année

Mais il n’y a pas que l’Europe à être affectée. En temps normal déjà, un hiver froid dans l’hémisphère nord se traduit par une augmentation des prix du gaz dans le monde. Cela signifie qu’en Chine les producteurs de verre, de céramique et de ciment vont augmenter leurs prix. Au Brésil, les particuliers vont voir leurs factures énergétiques s’envoler. Et dans des économies qui n’auront pas les moyens de payer, comme le Pakistan et le Bangladesh, l’activité va ralentir.

En Asie toujours, les importateurs de Gaz naturel liquéfié (GNL) payent des prix records pour sécuriser des approvisionnements tout en commençant à mettre la main sur des carburants plus sales comme le carburant et le mazout au cas où ils n’en obtiendraient pas suffisamment. Et tant pis si le charbon émet deux fois plus de CO2 que le gaz.

La Chine, le premier importateur mondiale de gaz naturel, n’a pas réussi à remplir suffisamment ses réserves et cela même si ses importations ont doublé cette année par rapport à la même période de 2020.  Les coupures de courant et les blackouts se multiplient dans le pays qui par ailleurs fait face à des pénuries de charbon. Dans certaines villes, les automobilistes avancent dans l’obscurité, sans éclairage public ni feux de circulation. Au cours des derniers mois, au moins 17 régions, représentant 66% du PIB du pays, ont imposé des coupures d’électricité sous une forme ou sous une autre. De nombreuses usines ont cessé partiellement ou même totalement leur activité. Cela signifie que les prix de l’acier et de l’aluminium vont continuer à augmenter dans le monde tout comme les pénuries de matériaux.

Les producteurs de GNL ne parviennent pas non plus à suivre

Le Japon et la Corée du sud sont dans une situation moins dramatique. Leurs producteurs d’électricité sont protégés par des contrats de fourniture à long terme de GNL dont les prix sont indexés sur ceux du pétrole. Pour autant, Korea Electric Power a annoncé le 23 septembre une augmentation des prix de l’électricité, la première depuis près de huit ans. Le risque est que des périodes de froid intense en Corée comme au Japon contraigne les producteurs d’électricité à s’approvisionner en gaz sur le marché spot à des prix évidemment très élevés.

Une controverse politique sur les approvisionnements en GNL a secoué le Pakistan et l’opposition a demandé l’ouverture d’une enquête sur l’entreprise public qui gère les importations de gaz. Au Brésil, le manque d’eau dans le bassin du fleuve Parana, au plus bas depuis près d’un siècle, a réduit considérablement la production hydroélectrique et contraint les producteurs d’électricité à utiliser massivement les centrales à gaz. Les importations ont atteint leur plus haut niveau historique et les prix s’envolent.

Les producteurs de GNL ne peuvent pas suivre comme l’expliquait Saad Al-Kaabi, le ministre du Qatar de l’énergie, lors d’une conférence ce mois-ci. «Nous faisons face à une forte demande de la part de tous nos clients et malheureusement, nous ne pouvons pas satisfaire tout le monde».

Les exportations de producteurs américains de GNL vont atteindre des niveaux sans précédents cette année. Ce qui d’ailleurs ne sera pas sans conséquences sur le marché intérieur. Même si les prix du gaz sont très inférieurs aux Etats-Unis qu’en Europe et en Asie grâce à la production massive de gaz de schiste, ils sont à leur plus haut niveau depuis 2014. Les stocks de gaz sont dans le pays à leur plus bas niveau depuis cinq ans. Mais les producteurs trainent les pieds pour augmenter leurs capacités de crainte de voir les prix et leurs marges baisser. L’organisme qui regroupe les consommateurs d’énergie du pays (Industrial Energy Consumers of America) a demandé au Département de l’énergie de réduire les exportations jusqu’à ce que les stocks soient revenus à leur niveau normal…

Le problème avec le gaz est qu’il ne s’agit malheureusement pas du pétrole. Le niveau d’approvisionnement ne dépend pas d’une négociation serrée avec l’OPEP et de l’ouverture ou non des vannes par l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe. L’économie mondiale dépend aujourd’hui de plus en plus étroitement du gaz naturel. Et il n’y a pas de réserves de production cachées ou inutilisées.

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