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La grève dans l’industrie automobile américaine est directement liée au passage au véhicule électrique


Le syndicat américain de l’automobile (UAW) a engagé un bras de fer avec les trois grands constructeurs traditionnels américain (General Motors, Ford et Stellantis (Chrysler et Jeep) pour tenter de préserver des emplois. Il a lancé une grève limitée le 15 septembre et commencé à amplifier le mouvement le 22 septembre. Les contraintes du passage à la motorisation électrique et la pression de la concurrence de constructeurs non syndiqués et spécialisés dans l’électrique comme Tesla rendent les négociations difficiles. Ford et Volkswagen ont calculé que la construction d’un véhicule électrique nécessite 30% de main-d’œuvre en moins que celle d’une voiture à moteur à combustion interne.

Le syndicat américain des travailleurs de l’automobile, l’UAW (United Auto Workers), a lancé depuis le 15 septembre une grève dans trois usines des trois grands constructeurs historiques américains, General Motors (GM), Ford et Stellantis (les marques Chrysler, Jeep, Dodge et Ram). A savoir, une usine Ford à Wayne dans le Michigan, une de GM à Wentzville dans le Missouri and une de Stellantis à Toledo dans l’Ohio. La grève a pour objet d’obtenir des hausses de salaires et des garanties pour l’avenir des salariés avec le passage aux véhicules électriques à batteries.

La grève a, pour l’instant, un impact économique relativement limité. GM, Ford et Stellantis ont 25 usines sur le sol des Etats-Unis et seuls 12.700 salariés sur les 145.000 que compte le syndicat participent au mouvement. Mais elle semble partie pour durer. L’UAW a ainsi décidé vendredi 22 septembre d’amplifier le mouvement, faute de résultats. Shawn Fain, le Président du syndicat, a annoncé que les 38 centres de distribution de pièces détachées de GM et de Stellantis aux Etats-Unis ont été appelés à arrêter le travail. Ce qui représente 5.625 salariés supplémentaires en grève pour ses deux constructeurs. En revanche, les négociations avanceraient «mieux» chez Ford qui n’est pas touché.

Les véhicules électriques et leur impact sur l’avenir des salariés syndiqués des constructeurs dits traditionnels sont au cœur du conflit. Les constructeurs automobiles affirment que répondre aux demandes de l’UAW menacerait leur capacité à concurrencer les producteurs exclusifs de véhicules électriques dont les employés ne sont pas syndiqués à l’image de Tesla. D’un côté, les constructeurs dits traditionnels soulignent qu’ils ne peuvent pas se permettre des coûts de main-d’œuvre plus élevés au moment même où ils sont contraints d’investir massivement dans les véhicules électriques et font face à une concurrence qui les déstabilise. De l’autre, l’UAW s’inquiète du fait que les milliards investis dans l’électrique ne garantissent pas, bien au contraire, des emplois pérennes et bien rémunérés aux ouvriers de l’automobile.

Plus de 100 milliards de dollars d’investissements dans l’électrique

Collectivement, les trois grands ont annoncé des investissements de plus de 100 milliards de dollars dans la motorisation électrique au cours des prochaines années. Les entreprises ont également lancé la construction de 10 usines de batteries détenues conjointement avec des sociétés telles que LG Energy Solution et Samsung. La plupart des nouvelles usines pour véhicules électriques et de batteries sont situées dans une nouvelle région industrielle baptisée « ceinture de batteries » dans les Etats de Géorgie, Kentucky et Tennessee. Les foyers traditionnels de l’industrie automobile américaine du Michigan et de l’Ohio se sentent abandonnés. La raison pour laquelle les constructeurs ont décidé de s’installer dans ses Etats tient au fait qu’ils ont des lois du travail très défavorables aux salariés qui limitent les négociations collectives. Du coup, la grande majorité des usines de batteries qui devraient voir le jour ne sont pas syndiquées. Voilà pourquoi l’UAW exige que les travailleurs des futures usines de batteries soient intégrés dans les contrats nationaux entre le syndicat et les constructeurs.

Ford et Volkswagen ont calculé que la construction d’un véhicule électrique nécessite 30% de main-d’œuvre en moins que celle d’une voiture à moteur à combustion interne. Ce sont des véhicules mécaniquement moins complexes et qui font appel massivement à des systèmes électroniques et des logiciels. Cela explique notamment pourquoi les nouveaux entrants sur le marché qui sont exclusivement électriques, comme Tesla et le chinois BYD, dominent le marché du véhicule à batteries. Un avantage qui est encore plus grand quand ils n’ont pas les coûts associés aux négociations collectives avec l’UAW. Aux Etats-Unis, les usines Tesla, Toyota ou Nissan ne sont pas syndiquées.

«… choisir entre faire faillite et récompenser nos travailleurs »

Ford estime que les coûts horaires moyens de la main-d’œuvre des trois grands, y compris les avantages sociaux, s’élèvent à environ 65 dollars par travailleur, contre 55 dollars environ pour les constructeurs automobiles traditionnels non syndiqués aux États-Unis, tels que Toyota et Nissan. Les coûts de main-d’œuvre de Tesla sont encore plus bas, de l’ordre de 45 à 50 dollars par travailleur et par heure, selon les analystes de l’industrie. « Le passage à l’électrification menace à la fois l’emploi et l’instauration de fait de salaire inférieurs dans toute l’industrie », souligne Marick Masters, professeur de gestion à l’université d’État de Wayne, spécialiste de l’industrie automobile.

Parmi les revendications de l’UAW figure une augmentation de 40% des salaires au cours des quatre prochaines années, ce qui, selon le syndicat, correspond à l’augmentation collective de la rémunération des Pdg des trois grands au cours des quatre dernières années. Le syndicat a également demandé des ajustements liés à l’inflation et l’augmentation du coût de la vie, une semaine de travail de 32 heures et l’élimination d’un système de salaires échelonnés qui paie moins les nouveaux employés pour le même travail. Jusqu’à présent, les trois entreprises ont répondu par proposition d’augmentation de 20% dont 10% immédiatement. Dans une interview accordée au New York Times, le Pdg de Ford, Jim Farley, affirmé que répondre aux demandes de l’UAW empêcherait l’entreprise d’investir dans les véhicules électriques. « Nous voulons avoir une négociation sur un avenir durable et non pas une négociation qui nous oblige à choisir entre faire faillite et récompenser nos travailleurs ». L’UAW a répondu que la grève se poursuivrait et monterait en puissance tant que les parties ne parviendraient pas à un accord.

La rédaction