Transitions & Energies
Usine géothermique

Le gouvernement se penche enfin sur la géothermie


La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a dévoilé le 2 février, au côté de François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, un plan d’action national en faveur de la géothermie pour les particuliers et pour la filière. Une énergie renouvelable décarbonée, non intermittente, locale et qui ne nécessite pas d’importer des équipements et des métaux stratégiques. Mais pour son malheur, elle ne bénéficie pas de l’appui de lobbys puissants. Résultat, seules 10% des aides dédiées aux énergies renouvelables sont orientées vers la chaleur, qui représente pourtant 45% de la consommation énergétique finale. Tandis que 90% des aides dédiées aux renouvelables sont affectées à l’électricité, qui représente, elle, 25% de la consommation énergétique finale et est déjà décarbonée en France à plus de 90%… Il était temps que cela commence à changer.

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La géothermie est une énergie renouvelable extrêmement performante, décarbonée, non intermittente, locale, qui ne nécessite pas d’importer des équipements et des métaux stratégiques, mais qui pour son malheur n’a jamais bénéficié en France du soutien de lobbys et de grandes entreprises. La géothermie était encore la grande absente du projet de loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Elle n’est mentionnée qu’une fois dans le texte… Résultat, la géothermie ne représente que 5% de la chaleur renouvelable en France et seulement 1% de la chaleur consommée. Son potentiel est pourtant considérable puisque sa production pourrait être multipliée par 20 à moyen terme.

Une prise de conscience tardive

Mais les choses sont heureusement en train de changer. La France devrait voir apparaitre enfin des champions industriels dans le secteur et la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a dévoilé le 2 février au côté de François Bayrou, Haut-commissaire au Plan et soutien historique à la géothermie, un plan d’action national en faveur de cette source d’énergie. Cela fait d’ailleurs suite à la publication d’une étude sur la géothermie de surface par le Haut Commissariat au Plan.

«Nous avons l’objectif de maîtriser toute la chaîne de valeur de la géothermie: le forage, la fabrication des pompes à chaleur, l’intégration dans le bâti, la construction de réseaux», a déclaré Agnès Pannier-Runacher. «Nous découvrons un potentiel quasi-inépuisable, quasi-gratuit, immédiatement disponible avec des technologies quasiment élaborées», a ajouté François Bayrou.

Rappelons qu’il existe trois grands types de géothermie, différenciables selon la profondeur, la température ou encore l’utilisation de la ressource de chaleur. La géothermie de surface qui s’appuie sur des forages de profondeur inférieure à 200 mètres et l’installation de sondes et d’échangeurs thermiques. Elle repose sur l’utilisation d’une pompe à chaleur qui valorise les calories prélevées dans le sol pour chauffer ou pour climatiser. A cette profondeur, la température est d’environ 13 à 14 degrés toute l’année à peu près partout en France. La géothermie de surface peut être déployée facilement sur des surfaces au sol limitées pour des maisons individuelles, des bâtiments tertiaires, des logements collectifs ou des petits réseaux de chaleur, à l’échelle d’un quartier par exemple. En 2020, sa production s’élevait à 4,7 TWh… et représentait à peine 3% de la chaleur renouvelable en France.

Il existe aussi, mais avec des installations plus lourdes, une géothermie dite de moyenne énergie (température supérieure à 90°C) et de haute énergie (température supérieure à 120°C) qui permettent d’alimenter de grands réseaux de chaleur et de produire de l’électricité à partir de réserves d’eau chaude profondes. Elle représente une production de 2 TWh et repose sur des forages situés entre 200 et 5.000 mètres de profondeur. Plusieurs installations ont été construites il y a une vingtaine d’années en Ile-de-France où environ un million de personnes sont aujourd’hui chauffées par géothermie via une cinquantaine de réseaux de chaleur. Mais la vague d’investissements par les collectivités locales s’est tarie du fait de difficultés de financements et de l’amoncellement des normes et réglementations et le reste du territoire est totalement sous-exploité.

5.000 euros d’aide à l’installation d’une pompe à chaleur géothermique

Le plan gouvernemental présente des mesures de simplification administrative, comme toujours en France malade de sa bureaucratie, des incitations financières et des leviers pour favoriser la formation et la structuration de la filière ainsi qu’une meilleure cartographie des sous-sols français. Le gouvernement souhaite augmenter de 40% le nombre de projets de géothermie profonde lancés d’ici 2030 et doubler le nombre d’installations de pompes à chaleur géothermique chez les particuliers d’ici 2025.

Le dispositif «doit permettre de produire en 15 à 20 ans suffisamment de chaleur géothermale pour économiser 100 TWh/an de gaz, soit plus que les importations de gaz russe avant 2022», a expliqué Agnès Pannier-Runacher. Ainsi l’aide pour l’installation d’une pompe à chaleur géothermique en remplacement d’une chaudière thermique sera portée dès mars à 5.000 euros quel que soit le niveau de revenu (contre 4.000 euros jusqu’ici pour les ménages les plus modestes et 2.500 euros pour les autres). Mais une pompe à chaleur géothermique coûte entre 15 et 20.000 euros. Ce «coup de pouce» pourra donc être cumulé avec d’autres dispositifs de soutien. Jusqu’à 90% du coût total de l’installation pourra ainsi être pris en charge par l’Etat pour les ménages les plus modestes promet le ministère de la Transition.

«Le but, c’est de permettre aux Français de s’équiper avec des solutions durables qui leur garantissent un coût de l’énergie qui est sans augmentation tout au long de l’utilisation de leur équipement. Et ces équipements durent des dizaines d’années. Donc c’est vraiment un investissement qui a du sens», a affirmé la ministre de la Transition énergétique. Elle reconnait ainsi que la France a un sérieux retard à rattraper. Environ 200.000 pompes à chaleur géothermiques ont été installées en France, trois fois moins qu’en Suède.

En tout cas, sans un soutien public important la filière sera incapable de tenir les objectifs inscrits dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Celle-ci prévoit, pour la géothermie profonde, une production de 5,2 TWh en 2028, puis entre 5,8 et 10 TWh en 2035. Tandis que pour la géothermie de surface, l’objectif est fixé à 7 TWh en 2028 et entre 8,5 et 15 TWh en 2035.

Pour illustrer le potentiel inexploité de la géothermie qui devrait séduire, par exemple, les collectivités locales touchées maintenant de plein fouet par la flambée des prix du gaz et de l’électricité, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estime que la géothermie pourrait produire 100 Térawattsheure (TWh) d’électricité dans les quinze à vingt prochaines années. Et tout cela en émettant entre 10 et 30 grammes de CO2 par kilowattheure (bien moins que le photovoltaïque par exemple) sans utiliser le moindre matériau critique. Enfin, les pompes à chaleur couplées à des sondes géothermiques consomment 30% d’électricité de moins que les pompes à chaleur classiques.

Renforcer une filière en manque de champions

Mais pour exploiter, au moins en partie, le potentiel géothermique, il est d’abord indispensable d’armer et de renforcer la filière. Il n’existe qu’une soixantaine d’entreprises dans toute la France capables de mener des forages et la plupart sont de taille modeste. Sans parler du problème du coût initial élevé des investissements. Les infrastructures géothermiques sont extrêmement rentables à terme, elles sont extrêmement pérennes, les sondes et les doublets ne s’usent pas ou très peu et ont une durée de vie supérieure à un demi-siècle, mais le coût de l’investissements est élevé. Et leur développement n’est pas suffisamment aidé par la puissance publique au regard d’autres renouvelables moins performants, moins décarbonés et qui contraignent à importer en masse les équipements.

Seules 10% des aides dédiées aux énergies renouvelables sont orientées vers la chaleur, qui représente 45% de notre consommation énergétique finale. Tandis que 90% des aides dédiées aux renouvelables sont affectées à l’électricité, qui représente, elle, 25% de notre consommation énergétique finale et est déjà décarbonée en France à plus de 90%… Il était temps que cela commence à changer.

La rédaction