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Mine Charbon Australie

La géopolitique du charbon en pleine mutation


Il n’y a pas que la géopolitique du pétrole et du gaz qui a des conséquences lourdes sur l’activité économique et le pouvoir d’achat des pays importateurs et dépendants. La consommation de charbon continuant d’augmenter dans le monde, notamment en Asie et dans les deux pays les plus peuplés de la planète, la Chine et l’Inde, leurs stratégies d’approvisionnement ont aussi des conséquences économiques et politiques non négligeables. Et cela même s’ils sont de grands producteurs de charbon ce qui est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles ils sont très loin d’y renoncer en dépit de son impact sur les émissions de gaz à effet de serre.

Après près de trois ans d’un embargo politique, Beijing ne supportait pas les critiques contre son régime notamment sur la gestion du Covid 19, la Chine a repris les importations de charbon australien. Les relations entre les deux pays s’étaient considérablement détériorées en 2020 quand le gouvernement australien a demandé l’ouverture d’une enquête internationale sur la gestion par le gouvernement chinois des premières phases de la pandémie de Covid. Cela a conduit en représailles à une interdiction des importations de charbon australien par le premier consommateur, producteur et importateur mondial de charbon.

Mais les problèmes de l’économie chinoise et sa sécurité d’approvisionnement en énergie ont contraint Beijing à se montrer plus accommodant. Depuis le début de l’année, la Chine a recommencé à importer des cargaisons de charbon australien et a indiqué officiellement être prête à rétablir les relations commerciales avec son ancien grand fournisseur. Depuis lors, les importations chinoises de charbon en provenance d’Australie sont montées en flèche, modifiant par ricochet les relations commerciales dans toute la région entre les grands exportateurs et importateurs de charbon d’Asie, notamment l’Indonésie et la Russie pour les vendeurs et l’Inde pour les acheteurs.

L’addiction chinoise au charbon

La Chine n’a en fait pas vraiment le choix. Elle compte sur le charbon pour éviter les pénuries d’électricité à mesure que son économie redémarre, difficilement, après la fin tardive des confinements liés au Covid. Au cours du premier semestre de cette année, la production de charbon, les importations de charbon et la production d’électricité à partir de charbon ont fait un bond et ont compensé ainsi la baisse significative de la production hydroélectrique en raison de précipitations insuffisantes et de la sécheresse.

Les importations de charbon de la Chine ont augmenté de 67% en juillet par rapport à l’année précédente et de 89% au cours des sept premiers mois de l’année par rapport à la même période en 2022, selon les données officielles de l’Administration générale des douanes de la Chine. Cela représente entre 39 et 40 millions de tonnes par mois ! Le charbon australien en représente une part non négligeable avec des livraisons de 5,45 millions de tonnes en juillet, contre zéro en décembre 2022, selon les données de Kpler rapportées par l’agence Reuters. Depuis le mois d’avril dernier, les importations chinoises de charbon australien ont toujours été supérieures à 4,8 millions de tonnes par mois, un niveau qui n’avait seulement été atteint que trois fois entre janvier 2017 et septembre 2020.

Des prix stables

Tandis que la Chine a repris ses achats en Australie, elle a réduit ses importations d’Indonésie, ce qui a par ricochet modifié l’origine des flux de charbon vers l’Inde, l’autre grand importateur en Asie. L’Inde a réduit ses achats à l’Australie et augmenté ceux effectués en Indonésie. De la même façon, la Chine a augmenté ses importations de charbon en provenance de Russie, tandis que l’Inde a réduit ses achats à la Russie.

En dépit de ses évolutions rapides dans le commerce international du charbon en Asie, le plus important marché mondial de loin pour ce combustible, et d’une forte demande, les prix sont restés stables ce qui laisse penser que le marché est relativement équilibré entre offre et demande. Les cours de la tonne de charbon restent depuis le début du mois autour de 86 dollars et ont baissé régulièrement depuis les sommets atteints en mars 2022 après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ils avaient alors atteint 284,20 dollars dans la crainte infondée d’un risque de pénurie de charbon.

Cela dit, la consommation de charbon dans le monde a augmenté de 3,3% à 8,3 milliards de tonnes l’an dernier, un nouveau record, et il sera vraisemblablement égalé et même battu cette année et en 2024. La consommation de charbon dans le monde ne baisse pas comme le reconnait le dernier rapport sur le charbon publié la semaine dernière par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). L’investissement dans le charbon dans le monde devrait également augmenter de 10% cette année par rapport à 2022 à 150 milliards de dollars…

Comme l’explique l’AIE, « la forte croissance en Asie [de l’utilisation du charbon] à la fois pour la production d’électricité et les applications industrielles surpasse le déclin en Europe et aux Etats-Unis ». L’AIE estime que la Chine et l’Inde, les deux pays de loin les plus peuplés, consommeront cette année 70% du charbon utilisé dans le monde. Leur demande a augmenté de plus de 5% au cours du premier semestre de 2023. Les États-Unis et l’Union européenne, qui représentaient ensemble environ 40% de cette consommation il y a trente ans, en assurent moins de 10% aujourd’hui.

L’agence prévoit que la demande de charbon de la Chine augmentera d’environ 3,5% en 2023, la demande du secteur de l’électricité augmentant de 4,5% et celle des utilisations autres que l’électricité (industrie et chaleur) de 2%. En Inde, l’augmentation totale de la demande de charbon devrait être de 5% cette année.

La rédaction