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Gaz naturel: Groningue, c’est bel et bien fini


Le gisement de gaz naturel de Groningue aux Pays-Bas, le plus important d’Europe occidentale, découvert et exploité depuis les années 1970, a fait pendant des décennies la prospérité du pays. Il contient encore des réserves très importantes. Mais son exploitation sera définitivement arrêtée le 1er octobre 2023, une décision irrévocable du gouvernement néerlandais. Les forages provoquent des mini tremblements de terre qui ont endommagé au fil du temps des milliers d’habitations.

Le gigantesque gisement de gaz de Groningue aux Pays-Bas, le plus grand d’Europe occidentale, représente encore aujourd’hui près de 450 milliards de mètres cubes qui reposent sous un sol argileux et mou. Pour donner un ordre d’idées, cela suffirait à remplacer la totalité des importations de gaz russe par l’Europe, avant 2022, pendant trois ans. Oui, mais cela ne se fera pas. Car l’extraction du gaz à Groningue sera définitivement arrêtée le 1er octobre. Certains avaient imaginé, à tort, que les pouvoirs publics aux Pays-Bas reviendraient sur leur décisions avec l’envolée des prix du gaz l’an dernier après l’invasion de l’Ukraine et la fin des livraisons massives de gaz russe vers l’Europe. Mais la décision du conseil des ministres néerlandais est devenue irrévocable le 22 septembre dernier. Et les installations seront détruites en octobre 2024 rendant alors toute exploitation impossible après cette date. Jusque-là une reprise de l’exploitation restera possible «que dans des situations particulières, telles que le froid extrême et de façon limitée au cours de l’hiver prochain», a déclaré le gouvernement néerlandais.

Plus de mille secousses depuis plus de 30 ans

Même si c’est une technologie conventionnelle qui était employée à Groningue et pas la fracturation hydraulique utilisée pour extraire le gaz de schiste, elle présente de sérieux risques. Elle provoque des mini tremblements de terre. Les spécialistes évaluent à plus de mille le nombre de secousses recensées dans cette zone depuis plus de 30 ans. Ces tremblements de terre ont créé d’importants dégâts au fil du temps. Des milliers d’habitations ont été endommagées. La population locale proteste depuis des décennies contre la poursuite des forages.

La situation était très différente dans les années 1970. A l’époque, le pays associé à une filiale du géant pétrolier et gazier Shell extrayait du sol jusqu’à 88 milliards de mètres cubes par an (en 1976). Cette production a été si profitable à l’État néerlandais que Groningue a reçu le surnom de «distributeur de billets du pays». Les recettes générées au fil des décennies sont estimées (aux prix actuels) à 416,8 milliards d’euros. Mais depuis le début des années 1990, les nombreuses secousses telluriques et l’abondance de gaz bon marché importé ont condamné peu à peu Groningue.

Le «syndrome hollandais»

L’impact économique pour les Pays-Bas de la découverte et de l’exploitation du gaz de Groningue a été tel que dans plusieurs livres économiques, la fameuse malédiction de la rente pétrolière et gazière a été appelée «syndrome hollandais». Car l’exploitation du gaz de Groningue dans les années 1970 s’est traduite par un afflux de capitaux étrangers dans l’économie néerlandaise et une appréciation rapide de sa devise, le florin. Sa surévaluation a lourdement handicapé la compétitivité des entreprises du pays. Les exportations hollandaises sont devenues de plus en plus chères, à l’opposé des importations. L’industrie comme l’agriculture néerlandaises ont connu alors une succession de faillites et de pertes d’emplois…

Pour en revenir au présent, l’Europe n’est pas aussi démunie de ressources naturelles qu’elle a fini par le croire. Elle a dans son sous-sol à Groningue mais aussi sous forme de gaz de schiste en Allemagne et en France notamment, même s’il est presque interdit de le faire savoir, des ressources de gaz très importantes. Mais elle se refuse à les exploiter et préfère importer le gaz à des prix très élevés et abandonner une partie de sa souveraineté et de son indépendance énergétique plutôt que d’affronter le risque politique de le récupérer dans son propre sol.

La rédaction