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La France ne devrait pas connaître de pénurie de gaz cet hiver


Dans leurs prévisions annuelles baptisées Winter Outlook 2021/2022, présentées il y a quelques jours, les gestionnaires des réseaux français de gaz GRTgaz et Teréga se veulent rassurants. Ils affirment «être en capacité de répondre à la demande hivernale nationale». Mais cela ne les empêche pas d’appeler à une gestion «prudente» des sites de stockage.

Il y a encore quelques mois, le prix du gaz sur les marchés internationaux et la capacité des grands producteurs et des distributeurs à satisfaire la demande, via les gazoducs et par le biais du GNL (gaz naturel liquéfié), étaient des questions réservées aux spécialistes. Ce n’est plus le cas depuis l’envolée spectaculaire des prix du gaz naturel dans le monde, de plus de 500% en un an, digne des chocs pétroliers des années 1970.

Soudain, l’approvisionnement en gaz est devenu une question majeure pour les gouvernements et pour le grand public et tout particulièrement en Europe où les stocks sont faibles pour cette période de l’année. Au point de susciter la crainte de pénuries, notamment en cas d’hiver rigoureux.

Capacité de répondre à la demande même en cas d’hiver froid

Il y a plusieurs explications à cela. D’abord et avant tout, le monde n’a jamais eu autant besoin de gaz. Cela est la conséquence notamment des efforts faits pour se passer des centrales à charbon, le gaz émet moitié moins de CO2, et du développement des renouvelables éoliens et solaires. Ces sources d’énergie étant intermittentes par nature doivent être associées impérativement à des centrales opérationnelles à la demande, celles à gaz sont les plus adaptées. Le problème avec le gaz est qu’il ne s’agit pas du pétrole. Le niveau d’approvisionnement ne dépend pas d’une négociation serrée avec l’OPEP et de l’ouverture ou non des vannes par l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe. Il n’y a pas de réserves de production cachées ou inutilisées. Son transport par ailleurs nécessite des infrastructures lourdes, des gazoducs ou des usines, des navires et des terminaux portuaires conçus pour le GNL.

Il n’y a tout simplement pas assez de gaz dans le monde sur le marché pour alimenter la reprise de l’économie mondiale et pour reconstituer les stocks avant l’arrivée de l’hiver. A tel point que les pays essayent de surenchérir les uns sur les autres pour obtenir des approvisionnements. Et dans le même temps, des producteurs importants comme la Russie ont décidé de conserver plus de gaz naturel dans leurs réserves domestiques à la fois pour continuer à faire monter les cours et pour faire face à d’éventuels besoins domestiques dans les prochains mois. La sévérité de l’hiver sera un élément déterminant.

Les gestionnaires des réseaux français, GRTgaz et Teréga, se veulent rassurants. Ils estiment dans leurs prévisions annuelles baptisées «Winter Outlook 2021/2022», présentées il y a quelques jours, «être en capacité de répondre à la demande hivernale nationale». Ce qui ne les empêche pas d’appeler à une gestion «prudente» des sites de stockage.

GRTgaz assure le transport de gaz sur l’ensemble du territoire hormis dans le Sud-Ouest réservé à Teréga qui opère 26 % des capacités de stockage de gaz en France (voir la carte ci-dessous).

Carte TRF des scénarios d’approvisionnement. Source Winter outlook 2021-2022. La France a depuis novembre 2018 une seule place de marché du gaz: la Trading Region France (TRF), gérée par GRTgaz et Teréga.

Dans le «Winter Outlook 2021/2022», les gestionnaires des réseaux écrivent que «les capacités souscrites aux différents points d’entrée frontière du réseau et au soutirage des stockages sont suffisantes pour couvrir la demande d’un hiver très froid. Elles offriront aux acteurs de marché (expéditeurs, industriels, fournisseurs de gaz…) la possibilité de faire appel à toutes les sources d’approvisionnement (GNL et importations par gazoduc)». Mais ils mettent toutefois en garde. «…Une sollicitation trop importante des stockages en ce début d’hiver rendrait par la suite le système très dépendant des importations de gaz (terrestres et GNL). Une gestion prudente suppose donc de préserver du gaz dans les stockages jusqu’à la fin de l’hiver 2022

Les stocks n’ont pas été totalement reconstitués

Deux scénarios de consommation de gaz en France ont été retenus plus particulièrement. Celui d’un «Hiver Froid», reprenant le profil de l’hiver 2012-2013, «caractérisé par des épisodes froids en février et mars, correspondant à une consommation totale de 337 TWh» durant la période allant du 1er novembre au 31 mars. Et le scénario dit d’un «Hiver Pointe», reprenant le profil de l’hiver 2011-2012 et «incluant en février une période de 3 jours consécutifs à la pointe P2». Il s’agit d’une «température extrêmement basse pendant une période de trois jours au maximum telle qu’il s’en produit statistiquement une tous les cinquante ans».

D’après les gestionnaires de réseaux, le système gazier français conserverait une marge de l’ordre de «119 GWh par jour» dans le cas d’une pointe de froid dite P2. La consommation française de gaz pourrait alors dépasser 3.900 GWh par jour en cas d’une telle baisse des températures. Cette marge de sécurité existe mais est «en baisse de près de 200 GWh/j par rapport à celle constatée dans le Winter Outlook 2020-2021». Les stocks sont tout simplement plus bas… comme partout dans le monde. Au 7 décembre, le remplissage des capacités de stockage de gaz en France était de «71%, alors qu’il était de 95% au 1er novembre dernier », indique GRTgaz. Une donnée qui «traduit des niveaux de soutirage importants à ce stade du début de la saison hivernale. Cette tendance observée vient souligner l’importance du message exprimé par les transporteurs de gaz […] la continuité d’alimentation gazière repose sur une gestion prudente et raisonnée des stockages tout au long de l’hiver.»

La rédaction