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La France et l’Europe pourraient se passer du gaz et du pétrole russe sans trop de dommages économiques


Selon une étude du Conseil d’analyse économique, un embargo strict sur les importations russes de pétrole et de gaz se traduirait par un recul du PIB européen compris entre 0,2% et 0,3% en moyenne, ce qui est supportable. Mais il y aurait une approche bien moins douloureuse. Elle consisterait à mettre en place des droits de douanes très élevés sur les importations énergétiques russes, par exemple de 40%. Cela entrainerait une «réduction très forte des importations», d’environ 80%, tout en réduisant «fortement» la perte de richesses des pays les plus dépendants de la Russie… comme l’Allemagne.

A en croire une étude publiée le 4 avril par le Conseil d’analyse économique, organisme chargé de conseiller le gouvernement français, un embargo sur les importations de gaz et de pétrole russe aurait un impact relativement supportable par les économies française et de l’Union Européenne. Il se traduirait par une perte de PIB comprise en moyenne entre 0,2 et 0,3%, «soit 100 euros par Européen adulte» ont évalué les quatre économistes auteurs de l’étude.

Disparités considérables

Mais cette moyenne cache des disparités considérables. Certains pays seraient très pénalisés à l’image de la Lituanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Finlande ou la République Tchèque. Ils pourraient connaitre de profondes récessions avec des baisses importantes de PIB comprises entre 1% et 5%. Ils et auraient un sérieux besoin de la «solidarité européenne».

La France qui est relativement peu exposée aux importations de pétrole, de charbon et surtout de gaz russes ferait partie des pays les plus épargnés avec une perte de PIB estimée entre 0,15% et 0,3% en fonction de sa capacité à trouver des alternatives aux énergies fossiles actuellement achetées à la Russie.

Parier sur les capacités d’adaptation des économies et des entreprises

Pour l’Allemagne, la perte de PIB pourrait être d’une toute autre dimension. Elle est évaluée dans une fourchette très large comprise entre 0,3% et 3% dans les scénarios les plus pessimistes. On comprend pourquoi Berlin ne veut pas entendre parler d’un embargo sur le gaz russe qui représente plus de 55% de ses besoins.

Pour autant, les auteurs de l’étude estiment que l’impact de la mise en place d’un embargo serait «globalement modéré et peut être absorbé». Ce relatif optimisme est construit sur la capacité des économies en général et des entreprises en particulier dans des circonstances similaires à trouver des alternatives, au moins en partie.

«L’impact relativement faible d’un embargo (sauf pour les pays précités) s’explique par le fait que même à court terme, les entreprises et l’économie dans son ensemble peuvent substituer (même très partiellement) des sources d’énergie à d’autres et des biens intermédiaires ou finaux à d’autres. L’analyse des expériences historiques de chocs très forts (Fukushima au Japon ou Covid en Chine) ayant des effets potentiels tout au long des chaînes de valeur de production montre également que les entreprises individuellement et l’économie globalement sont capables de minimiser l’impact du choc. Cette substitution, même très partielle, permet d’atténuer très significativement l’impact du choc, par rapport à un scénario où toute la structure de production et de consommation est figée.»

Des droits de douane élevés seraient bien moins coûteux sur le plan économique

L’étude met en avant une option qu’elle juge plus intéressante: la mise en place de droits de douanes élevés sur les importations énergétiques russes. Par exemple, les taxer de 40%, serait «plus efficace qu’un embargo strict» d’un point de vue économique pour l’Union Européenne. Cela entrainerait une «réduction très forte des importations», d’environ 80% (au lieu de 100% avec un embargo), tout en réduisant «fortement», en les divisant par 3 ou 4, les pertes de PIB des pays les plus dépendants de la Russie.

Pour arriver à ces conclusions, les auteurs de l’étude ont considéré la part de pétrole, gaz et charbon russes consommés par les différents pays, puis ont estimé la quantité que ces pays pourraient remplacer par d’autres sources d’énergie ou fournisseurs, s’appuyant notamment sur les évaluations de l’Agence internationale de l’énergie. Enfin, ils ont évalué l’impact de la quantité résiduelle d’énergie provenant de Russie que les pays ne pourraient pas remplacer à court terme sur leur activité économique.

L’étude conclut qu’«il est important qu’un ensemble de mesures macroéconomiques soient mises en place pour éviter une amplification du choc», citant la politique monétaire et des mesures budgétaires ciblées sur les secteurs et les ménages les plus pénalisés par la hausse des prix du gaz qu’un embargo ou des droits de douanes entrainerait.

La rédaction