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Psychodrame sur le paiement du gaz russe par les Européens


La devise dans laquelle les Européens payent le gaz importé de Russie, rouble ou euro, a fait l’objet la semaine dernière d’une dramatisation totalement artificielle. Bon nombre de médias sont tombés dans le piège de la communication martiale, de la Russie comme des pays européens. Vladimir Poutine a exigé le paiement du gaz en roubles et l’Allemagne et la France ont refusé une violation des contrats signés… Dans les faits, les Européens paieront le gaz comme d’habitude sur un compte de la Gazprombank, mais il sera à double entrée. Les sommes versées le seront en euros et seront converties immédiatement en roubles. De la pure mise en scène…

La dramatisation par les politiques et les médias de l’affaire du paiement obligé du gaz russe en roubles n’a aucun sens. Il s’agit avant tout d’opérations de communications intérieures côté russe comme côté européen. Dans les faits, les Européens vont continuer à payer le gaz en euros sur un compte de la banque de Gazprom, la Gazprombank. Les sommes réglées seraient alors immédiatement converties en roubles. Les Européens ne céderont pas en apparence aux exigences de Poutine et ce dernier utilisera bien les sommes versées pour acheter son gaz pour soutenir sa devise.

La saison ne se prête plus aux coupures de gaz

La crainte de voir la Russie couper l’approvisionnement européen en gaz ne fait pas grand sens aujourd’hui. D’abord et avant tout, parce que la période fait que les besoins européens baissent rapidement avec l’arrivée de la saison chaude et qu’il est relativement facile dans les prochains mois de se passer du gaz russe. Le problème se posera surtout l’hiver prochain, notamment si les stocks au plus bas n’ont pas été reconstitués. Ensuite, la Russie a un besoin impérieux de continuer à vendre son gaz pour assurer un minimum de stabilité financière et de solidité au rouble. La banque centrale du pays, du fait des sanctions, n’a plus accès à ses réserves en devises se trouvant dans les banques occidentales. Le reste, s’apparente beaucoup à de la gesticulation.

Ainsi, depuis le 1er avril, Vladimir Poutine exige que les pays européens «non amicaux», c’est-à-dire opposés à l’invasion de l’Ukraine, payent leurs achats de gaz russe en roubles et non plus en euros ou en dollars. Pour le président russe, il s’agit à la fois de répliquer aux sanctions occidentales imposées après l’invasion de l’Ukraine et de soutenir sa monnaie. La France et l’Allemagne ont opposé une fin de non-recevoir. «Il est écrit dans les contrats que les paiements se font en euros et parfois en dollars», a d’abord rappelé le chancelier Olaf Scholz. «J’ai dit clairement au président russe que cela resterait ainsi», a-t-il ajouté pour illustrer sa fermeté. Même chose du côté de Bruno Le Maire. «Les contrats prévoient une monnaie dans laquelle ils sont exécutés et donc les contrats doivent être exécutés avec la monnaie prévue», a affirmé le ministre français de l’Economie.

Vladimir Poutine a immédiatement rétorqué devant les caméras de la télévision russe en signant le décret sur le paiement en roubles. Les Européens devront  «ouvrir des comptes en roubles dans les banques russes». A défaut, «les contrats en cours seront arrêtés».

Tour de passe-passe bancaire

Mais tout le monde va sauver la face. Toutes les sociétés occidentales qui achètent du gaz russe ont déjà un compte bancaire en devises étrangères ouvert chez Gazprombank, la filiale bancaire du géant gazier russe. Elles n’auront qu’à ouvrir un compte en roubles dans cette même banque et continuer d’honorer leur facture sur leurs comptes en devises. Les sommes seront alors immédiatement converties et transférées sur celui en roubles. Gazprombank a été soigneusement épargnée par les sanctions occidentales et n’a pas été débranchée du système de messagerie financière Swift. Les acheteurs européens de gaz auront tous un compte à double entrée en euros et en roubles. Un tour de passe-passe bancaire. Les Européens continueront d’acheter du gaz en euros et la Russie serait payée dans sa monnaie nationale.

La Russie fournit aujourd’hui plus de 40% du gaz consommé en Europe dont 55% pour l’Allemagne et moins de 20% pour la France.

La rédaction