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Cette fois, les fournisseurs alternatifs d’électricité traînent EDF devant les tribunaux


Résumé des épisodes précédents. Contraints par contrats d’acheter à EDF de l’électricité à prix fixe, les fournisseurs dits alternatifs ont dénoncé un dispositif qui certes, ouvrait la concurrence, mais est devenu avec la chute des prix de l’électricité une source de pertes considérables. La Commission de régulation de l’énergie a refusé, au début du mois, l’annulation de tout ou partie des contrats au nom «de la force majeure» tout comme le Conseil d’Etat le 17 avril.

EDF est contraint, au nom de la concurrence, de vendre un quart de sa production d’électricité nucléaire à des prix garantis et fixes de 42 euros le mégawattheure… Un prix que les fournisseurs alternatifs s’arrachaient l’an dernier, mais avec l’épidémie de coronavirus et le confinement, la fermeture des commerces, des usines et le fonctionnement très ralenti des transports, la consommation d’électricité a chuté de plus de 15 % en France. Dans le même temps, le prix du mégawatt heure (MWh) s’est effondré de plus de 40% sur le marché de gros européen. 

Recours au Tribunal de commerce après les rejets de la Commission de régulation et du Conseil d’Etat

Les fournisseurs concurrents d’EDF ont donc invoqué la clause de «cas de force majeure» pour remettre en cause leurs engagements de lui acheter de l’électricité. L’électricien public en grande difficulté, et contraint d’être recapitalisé, n’a évidemment pas voulu en entendre parler. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a suivi ses arguments tout comme le Conseil d’Etat.

Mais les fournisseurs d’électricité ont décidé de ne pas en rester là. Total Direct Energie, l’un d’entre eux, a lancé une procédure contre EDF auprès du tribunal de commerce afin d’obtenir la suspension d’une partie de ses obligations d’achat dans le cadre du contrat dit Arenh (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique). Deux autres fournisseurs alternatifs vont aussi déposer des recours contre EDF auprès du tribunal de commerce. «On ne demande pas un geste de la part d’EDF, mais l’application de notre contrat. Sauf si EDF revient à la raison, on ira au tribunal de commerce», avertit Julien Tchernia, le président et cofondateur du fournisseur d’énergie verte ekWateur. «Nous disposons désormais d’un surplus d’électricité qui doit quotidiennement être revendu à un prix inférieur de plus de 60%. Cette situation menace notre équilibre économique», alerte Julien Tchernia dans une lettre adressée à la ministre de la transition écologique et solidaire Elisabeth Borne. Mais cette dernière soutient la position d’EDF.

Effets d’aubaine

La ministre tout comme le président de la commission de régulation de l’énergie, Jean-François Carenco, s’opposent à l’activation de cette clause de force majeure considérant que les fournisseurs alternatifs cherchent à profiter de la situation. Ils «ont bénéficié de l’Arenh pour acheter de l’électricité à un tarif plus faible que celui du marché, sinon ils n’auraient pas eu recours à l’Arenh mais à des contrats à terme. Maintenant, ils souhaitent, tout compte fait, rendre cette électricité. Cela reviendrait finalement à faire peser sur EDF la totalité des risques. Il y a un problème de principe», a déclaré Elisabeth Borne devant la commission des affaires économiques du Sénat.

Pour les concurrents d’EDF, «il y a une confusion entre l’Etat régulateur et l’Etat actionnaire à un point qui a rarement été atteint», estime l’un d’eux dans Les Echos. Il en veut pour preuve l’annonce, il a quelques jours, d’une baisse historique de sa production d’électricité nucléaire par EDF. «EDF vient d’annoncer une réduction historique de sa production d’électricité nucléaire alors que la demande baisse. Mais nous, nous n’avons pas le droit de réduire nos volumes d’Arenh. C’est incompréhensible.»

A contrario, EDF qui estime depuis longtemps que le mécanisme de l’Arenh est déséquilibré au profit de ses concurrents, n’a pas l’intention, en plus, de leur venir en aide aujourd’hui. L’électricien public souligne être confronté tout autant que ses concurrents à la baisse de la consommation et estime ne pas avoir à en supporter seul les conséquences.

La rédaction