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Chauffage électrique DOMOTELEC

La fin annoncée du chauffage au gaz pour les logements neufs


Une nouvelle réglementation fixant les normes de construction des logements neufs a été présentée par le gouvernement. Elle signe la fin du chauffage au gaz, le retour des radiateurs électriques et des exigences fortes en matière d’empreinte carbone de la construction. Problème, les conséquences économiques de la réforme semblent totalement négligées. Les surcoûts s’annoncent très importants.

L’électricité chasse le gaz. Le nucléaire et les renouvelables décarbonés prennent le pas sur les énergies fossiles. En clair, EDF a gagné la bataille du logement neuf contre Engie et la nouvelle législation va marquer le retour en force des fameux «grille-pains» ou radiateurs électriques, même s’ils ont fait fort heureusement de gros progrès depuis les années 1970. Le chauffage électrique, décrié depuis de longues années pour son coût et son manque de confort, reste la solution idéale pour concilier maîtrise de la consommation et performance énergétique… à condition évidemment que l’électricité produite le soit en émettant peu ou pas de CO2. C’est le cas en France grâce au nucléaire, à l’hydraulique et à la montée en puissance de l’éolien et du solaire.

Mardi 24 novembre, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, ont présenté la nouvelle réglementation thermique pour les logements neufs. Baptisée «RT2020», elle va exclure le chauffage au gaz des nouvelles maisons dès l’été prochain et des immeubles dès 2024. Même si le neuf ne renouvelle chaque année que 1% du parc immobilier, cette réforme marque une trajectoire et a une réelle portée économique et symbolique. Le bâtiment résidentiel et non résidentiel représente pas moins de 44% de la consommation finale d’énergie et 27% des émissions de gaz à effet de serre du pays.

Décarboner à la fois la consommation énergétique et la construction

Le parc immobilier français est ainsi chaque année responsable de l’émission de 120 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Pour réduire ses émissions, il y a deux stratégies à mener en parallèle, la rénovation énergétique des bâtiments, qui jusqu’à présent n’a pas été une grande réussite, et rendre plus «propre» les modes de chauffage et de construction.

La RT2020 concerne tous les nouveaux bâtiments, logements, bureaux et bâtiments publics. Elle a deux objectifs principaux: réduire et décarboner leur consommation énergétique et diminuer l’empreinte carbone de leur construction. Un bâtiment concentre entre 60% et 90% de son empreinte carbone sur les seules phases de construction et de démolition.

La réglementation fixera un seuil maximal d’émissions de gaz à effet de serre pour la consommation d’énergie. «Nous ne pouvons pas continuer comme aujourd’hui, avec près des trois quart des logements collectifs neufs sortant de terre conçus pour être chauffés au gaz», a déclaré Barbara Pompili. La ministre a rappelé que pour les maisons individuelles, les solutions non-fossiles, comme les chaudières biomasse et les pompes à chaleur, sont courantes et parfaitement maîtrisées. A partir de l’été 2021, le seuil maximal d’émissions sera fixé à 4 kg de CO2 par mètre carré et par an, pour toutes les nouvelles maisons individuelles. Ce qui exclura de fait les systèmes fonctionnant exclusivement au gaz.

Le retour des «grille-pains» et plus de consommation électrique?

Pour les logements collectifs, la transition sera plus lente car les alternatives au gaz -telles que les réseaux de chaleur urbains, les chaufferies biomasse ou les pompes à chaleur collectives- sont loin d’être disponibles partout. Le seuil maximal d’émission sera fixé à 14 kg de CO2 par mètre carré et par an en 2021 avant d’être ramené à 6 kg de CO2 par mètre carré et par an en 2024. L’an prochain, il sera toujours possible d’installer du chauffage uniquement au gaz dans un logement collectif bien isolé, ce qui deviendra impossible en 2024. Certaines solutions hybrides seront toutefois encore possibles à partir de 2024, telles que des pompes à chaleur utilisant un appoint de gaz en cas de grand froid.

Pour autant, le gouvernement se trouve face à une contradiction qu’il aura du mal à surmonter, à savoir une augmentation prévisible à terme de la consommation d’électricité. En clair, le risque est celui du retour massif des convecteurs électriques largement déployés à partir des années 1970 pour utiliser une électricité nucléaire alors surabondante. Ils équipent neuf millions de foyers, sont brûlants et en général ne chauffent pas toute la pièce… «Si ces convecteurs à effet joule sont peu coûteux à installer, ils présentent le double désavantage d’être très chers à l’usage et de peser très fortement sur notre réseau électrique au plus fort de l’hiver», reconnait Barbara Pompili. Sans pour autant apporter de réponses.

Une nouvelle génération de radiateurs électriques

Il existe en fait de nouvelles générations de radiateurs électriques reposant sur des principes physiques différents qui offrent une chaleur plus agréable et une consommation plus faible. Mais ils coûtent bien plus chers. La dernière génération de radiateurs, à inertie, est apparue dans les années 2000. Appelés radiateurs à chaleur douce, ils sont constitués d’un corps de chauffe qui accumule la chaleur et la restitue progressivement. Grâce à un fonctionnement à basse température et au remplacement de la régulation mécanique par une régulation électronique, ils offrent un plus grand confort tout en rationalisant la consommation d’électricité.

Le radiateur à rayonnement, ou panneau rayonnant, est lui équipé d’une façade en verre ou en métal qui, chauffée à basse température, transmet la chaleur. Une chaleur agréable et homogène. Le radiateur à double corps de chauffe combine les avantages du radiateur à rayonnement du radiateur à inertie grâce à un matériau accumulateur de chaleur. Le résultat est optimal, mais il est très coûteux.

L’autre volet de la nouvelle réglementation est donc celui de la construction. La RT2020 introduit un changement de méthode, à savoir calculer l’impact carbone sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et pas seulement sur les consommations d’énergie liées à son usage. Cela signifie la prise en compte de l’empreinte carbone de tous les matériaux et équipements utilisés lors de la construction.

Un impact important et mal évalué sur les coûts de construction

La réglementation fixe des exigences de résultats et laisse aux constructeurs le choix les matériaux et les techniques à mettre en œuvre pour réduire leurs émissions. Mais les ambitions sont considérables. Le seuil maximal d’émission devrait être abaissé de 15% par rapport aux standards actuels d’ici 2024, de près de 25% à l’horizon 2027 et entre 30 et 40% d’ici à 2030. Là encore, l’évolution sera nécessairement plus rapide pour la maison individuelle, où les constructions en ossature bois sont courantes et compétitives. Elle sera plus lente dans le logement collectif, notamment parce que les techniques nécessaires sont loin d’être généralisées et les réglementations de sécurité, en matière d’incendie notamment, compliquent beaucoup les choses.

Tout cela va se traduire par une augmentation sensible des coûts de construction. Ils sont estimés entre 10 et 15% dès 2021 pour une maison individuelle par la Fédération Française du Bâtiment. Et ce n’est qu’un début. «L’orientation politique, si elle a le mérite d’être clairement affichée, manque de réalisme» affirme Olivier Salleron, le président de la FFB. «Nous n’avons pas besoin de jouer aux apprentis sorciers en cette période de grave crise économique… C’est vouloir mettre de la complexité lors d’une année de reprise économique, en méconnaissant les délais nécessaires pour adapter les filières».

La rédaction