Transitions & Energies

Il faudra attendre la fin de l’année avant que l’EPR de Flamanville fonctionne à pleine puissance


Le chantier de la construction de l’EPR de Flamanville est enfin terminé. Mais la phase de démarrage et de test en situation des équipements ne fait que commencer. Si tout se passe bien, le réacteur sera autorisé à diverger, c’est-à-dire à lancer la réaction en chaîne, dans quelques semaines et devrait ensuite commencer à monter en puissance progressivement et à injecter de l’électricité dans le réseau autour du mois d’août. La procédure qui comporte de nombreuses étapes effectuées sous le contrôle permanent de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) est complexe et la réglementation encore plus… Nous sommes en France. Cela signifie qu’il est difficile d’imaginer que l’EPR puisse tourner à plein régime et fournir ses 1.650 MW au réseau avant la fin de l’année ou le début de 2025.

Comme nous l’annoncions dès le 29 avril, le chargement du combustible du réacteur EPR de Flamanville, prélude à son entrée en service, a enfin commencé. La date que nous avions donné était celle du 2 mai, mais l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) ayant pris quelques jours de retard, pour une fois ce n’est pas EDF, le chargement a finalement commencé le 8 mai.

C’est donc l’épisode final d’un chantier interminable et même dans l’esprit de certains acteurs d’un chantier maudit entre dérapages budgétaires à répétition, retards, malfaçons… Pas tout à fait. L’entrée en service et l’injection dans le réseau des 1.650 MW du premier réacteur nucléaire de 3ème génération construit sur le sol français va encore demander quelques temps. Le chantier est terminé mais s’ouvre une nouvelle phase, complexe et cruciale, celle du démarrage. Et cela ne se fait pas en quelques jours. Elle est détaillée dans le schéma ci-dessous de l’ASN et l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire).

Après le chargement du combustible, les essais à chaud « pré-critiques »

D’abord, le chargement du combustible dans le réacteur. EDF a publié un communiqué indiquant qu’il avait commencé le 8 mai à 14h. Pendant quelques jours, les 241 assemblages de combustible seront minutieusement prélevés dans la piscine de stockage et installés à leur place dans la cuve. Une fois l’opération terminée, la cuve sera fermée et débuteront les essais à chaud dits « pré-critiques ».

Le réacteur sera progressivement monté en température jusqu’à plus de 110 degrés et en pression afin de vérifier, un par un, le bon fonctionnement de tous les circuits (étanchéité, valves, capteurs…). Nul doute que les soudures qui ont fait polémique, notamment les huit des tuyauteries principales d’évacuation de la vapeur du réacteur vers les turbines, qui ont été intégralement reprises, seront scrutées afin d’observer leur comportement.

Ces huit soudures problématiques, certaines comportaient des bulles d’air, se trouvent au niveau de l’enceinte de confinement qui recouvre le réacteur et doit servir d’ultime protection en cas d’incident pour éviter qu’il rejette de la radioactivité dans l’atmosphère. Évacuer la vapeur sous pression au travers de l’enceinte de confinement via ce que les techniciens appellent les traversées est essentiel.

Lancer la réaction en chaîne, mais sans connexion au réseau

A la fin de ces essais, l’ASN devra à nouveau se prononcer et autoriser le réacteur à diverger pour la première fois. C’est-à-dire lancer la réaction en chaîne au cœur de la cuve. Pas encore connecté au réseau, le réacteur fonctionnera alors en îlotage. Il produira sa propre électricité afin d’alimenter ses éléments essentiels, comme par exemple les groupes motopompes primaires qui consomment plusieurs dizaines de MW et ont pour fonction de refroidir le cœur.

L’ensemble de ces équipements sera à ce moment-là à nouveau testé. Il s’agira donc autant de valider le bon comportement du réacteur en fonctionnement réel que de vérifier la bonne réponse de tous les équipements auxiliaires.

Une augmentation graduelle de la puissance

Et c’est seulement, une fois ces points acquis, que viendra le moment du raccordement au réseau. Ce seront les premiers électrons injectés par l’EPR et utilisés par les consommateurs. Cette étape est prévue autour du mois d’août. Mais ce raccordement se fera à puissance limitée dans un premier temps. Et elle augmentera ensuite progressivement, avec des essais par paliers. La réglementation oblige l’exploitant à obtenir à nouveau l’accord de l’ASN pour passer le palier des 25% de puissance nominale puis celui des 80%.

Toutes ces contraintes techniques légitimes, et la lourdeur administrative et réglementaire qui l’est moins, font craindre que le raccordement au réseau n’intervienne pas avant le mois d’août et le fonctionnement à la puissance nominale à la fin de l’année ou au début de 2025. On peut se dire qu’avec plus de 12 années de retard, quelques mois supplémentaires ne font aucune différence. On peut aussi se dire que les précautions techniques et les procédures de validation sont nécessaires et même indispensables, mais que la complexité administrative et réglementaire inutile est un boulet que traîne le pays.

Philippe Thomazo

La rédaction