Transitions & Energies

Faut-il rouvrir des mines d’uranium sur le sol français?


L’indépendance énergétique se construit à partir d’une réflexion générale sur l’ensemble des filières, sur la maitrise des savoir-faire et des approvisionnements. Dans le domaine nucléaire, et même si l’uranium ne représente que 2% du coût de fonctionnement des centrales, s’assurer d’une production nationale ne peut pas être une question ignorée.

Un argument qui revient souvent par les opposants au nucléaire est celui de l’uranium. Le nucléaire ne permet pas «d’assurer l’indépendance énergétique française» comme le répètent ses défenseurs, car nous n’exploitons pas (ou plutôt, nous n’exploitons plus) de mines d’uranium en France, nous assurant une souveraineté et une sécurité d’approvisionnement sur le combustible.

Cette question n’est en fait pas nouvelle. Au moment de choisir de se lancer dans la construction de réacteurs à eau pressurisé (REP) au début des années 1970, abandonnant de facto la filière exploitée alors (les UNGG: Uranium naturel graphite gaz) un débat a été lancé sur la dépendance de la France qui ne maîtrisait pas alors la chaîne d’enrichissement de l’uranium.

Il était une fois Eurodif

Dès lors, le déploiement de cette filière s’est accompagné d’un investissement important afin de gagner cette autonomie stratégique. C’est ainsi qu’est né le projet Eurodif. Celui-ci n’est pas un projet franco-français. Mais bien un projet commun avec l’Espagne, l’Italie et la Belgique. Il voit le jour en 1978 sur la commune de Pierrelatte dans la Drôme. Parallèlement, une deuxième usine, la FBFC (Franco-Belge de Fabrication de combustible) s’installe non loin de là, à Romans-sur-Isère.

L’objectif était simple: maîtriser, sur le territoire européen, toute la chaîne de transformation de la matière première nucléaire (l’uranium), de l’enrichissement nécessaire au fonctionnement des REP (à Pierrelattes), puis la fabrication des assemblages de combustible, les fameux crayons (à Romans-sur-Isère).

Eurodif sera ensuite renommée Georges Besse, en mémoire du Pdg de Renault assassiné en 1986 par des militants d’extrême gauche du mouvement Action Directe. En 2005, le remplacement de cette usine sera engagé, avec la construction sur le même site de Georges Besse 2. Enfin, en 2015, la FBFC sera intégralement avalée par Areva, et l’ensemble passera sous le pavillon d’Orano lors de la restructuration de ce groupe.

Ce petit retour en arrière peut-être utile. Ainsi, le développement du parc nucléaire en France s’est accompagné, à l’époque, d’une réflexion globale sur la filière: du début, sur le combustible, avec Eurodif et la FBFC, à la construction avec Framatome, mais aussi à la gestion des déchets nucléaires avec le centre de retraitement de La Hague.

La France peut-elle rouvrir des mines sur son sol?

Aujourd’hui, le débat politique a tendance à partir dans tous les sens: électrification des transports, augmentation de la production électrique par divers moyens, etc. Mais dans chaque domaine, nous avons tendance à oublier de dézoomer et de regarder l’ensemble des filières. Quid des matières premières? Quid de la chaîne de transformation?

Pourtant, la France et l’Europe en général ne sont pas dépourvues d’atout. Des minerais essentiels (comme le silicium ou le lithium) sont abondamment présents sur le territoire français. Les compétences en termes de raffinage sont maîtrisées par nos entreprises. Et, souvent oublié, l’économie circulaire, c’est-à-dire le recyclage des ressources présentes sur le territoire, nous offre aussi de grandes marges de manœuvre. A titre d’exemple, le démantèlement des réseaux cuivres par le déploiement de la fibre optique permet d’obtenir plus d’un million de tonnes de cuivre à recycler. Sans aller le chercher ailleurs.

Au final, et comme souvent, tout cela ne dépend que de la volonté politique. Non pas que les dirigeants soient de meilleurs stratèges industriels que les entreprises elle-même, mais aujourd’hui, ouvrir une exploitation minière en France se heurte à énormément d’obstacles. En particulier le militantisme de certains mouvements se prétendant écologistes, qui souhaitent la fin des véhicules thermiques, mais ne veulent aussi pas entendre parler de mines de lithium.

Philippe Thomazo

La rédaction