<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’Europe s’est condamnée à payer son gaz très cher

17 février 2025

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L’Europe s’est condamnée à payer son gaz très cher

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L’Union Européenne, pour éviter les pénuries de gaz depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a trois ans, a imposé une stratégie consistant à contraindre les pays membres à faire des achats groupés et à remplir leurs réserves de gaz à au moins 90% au mois de novembre. Comme les liaisons par gazoducs avec la Russie sont toutes coupées, l’Europe est contrainte d’importer massivement à des dates annoncées du GNL (Gaz naturel liquéfié). Du pain bénit pour les vendeurs qui dictent les prix et un vrai problème pour les autres pays, notamment en Asie, qui voient les cargaisons qui leur étaient destinées détournées vers l’Europe. Et cela se traduit aussi par des prix de l’énergie toujours aussi élevés pour l'Europe. Les bonnes intentions de la Commission européenne sont réelles, mais elles se heurtent à des réalités de marché que les technocrates bruxellois connaissent très mal.

Depuis le début de l’année, l’Europe est le principal moteur du commerce mondial de GNL (Gaz naturel liquéfié). Comme lors de la crise énergétique de 2022, les pays de l’Union Européenne (UE) achètent toutes les cargaisons possibles pour garantir leur approvisionnement au cours d’un hiver bien plus rigoureux que les années précédentes. Au point d’ailleurs que les réserves ont diminué rapidement. Elles étaient en moyenne dans les pays de l’UE à la date du 14 février, selon les données de la plateforme Aggregated Gas Storage Inventory, à 45%. Un niveau très inférieur aux 66% à la même date un an auparavant.

Et une fois la saison froide passée, la question de la sécurité des approvisionnements en gaz et de leurs prix ne va pas disparaitre par enchantement. C’est un problème de fond pour l’Europe qui pèse sur sa compétitivité industrielle et sur le pouvoir d’achat des populations. Dès le printemps, il faudra recommencer à remplir les stocks. Et comme ils sont bas, cela devrait coûter encore plus cher, d’autant plus que le penchant de la technocratie bruxelloise pour la sur-réglementation complique encore plus les choses.

L’Europe « détourne » des cargaisons de GNL destinées à l’Asie

Les importations mondiales de GNL ont atteint leur plus haut niveau depuis 12 mois en janvier, soit 38,12 millions de tonnes, contre 37,69 millions de tonnes en décembre selon des chiffres communiqués par l’agence Reuters. Et les importations européennes de GNL ont été à leur plus haut niveau depuis avril 2023 à 11,82 millions de tonnes devançant à nouveau celles de l’Asie.

L’Europe « détourne » même des cargaisons de GNL en provenance d’Australie et d’Oman. Si le GNL omanais est rentable pour l’Europe, le GNL australien est généralement trop cher compte tenu de la distance qui sépare les deux continents. Et il faut y ajouter des importations record de GNL russe, notamment par la France, tandis que plusieurs gouvernements européens ont demandé à plusieurs reprises l’interdiction de ces importations…

Un système d’achat collectif obligatoire à des dates connues à l’avance qui fait s’envoler les prix

L’Europe n’est pas prête de pouvoir se passer de GNL seul substitut possible au gaz russe qui transitait massivement par gazoducs, jusqu’à l’invasion de l’Ukraine il y a trois ans, le sabotage des gazoducs NordStream 1 et NordStream 2 et l’arrêt du fonctionnement le 31 décembre dernier du dernier gazoduc qui traversait l’Ukraine.

Cela signifie que pour l’Union Européenne construire une stratégie de long terme garantissant la sécurité de son approvisionnement en GNL est une nécessité. Sauf que les institutions européennes ont fait une nouvelle fois la preuve de leur incompétence en construisant un système qui a de nombreux effets pervers. Elles ont imposé aux pays de l’Union un système d’achat collectif de gaz pour soi-disant garantir une égalité entre tous, limiter au maximum les risques de pénuries en hiver quand la demande est la plus forte et obtenir par des volumes importants des tarifs plus intéressants.

Il s’agit d’une obligation d’achat de certains volumes minimaux afin de garantir que chaque pays disposant d’installations de stockage les ait remplies au moins à 90% chaque année au plus tard au mois de novembre.

Une compréhension limitée des mécanismes de marché

Dans le principe, cela ne semble pas contestable. Sauf que les technocrates bruxellois ont une compréhension limitée des mécanismes de marchés. L’obligation d’acheter des volumes importants à une date donnée transforme le marché mondial du GNL en un marché totalement contrôlé par les vendeurs. Ce n’est pas exactement le meilleur moyen de payer son énergie au meilleur prix.

En outre, cela crée à l’échelle planétaire une véritable hostilité à l’égard de l’Europe du fait de l’exclusion du marché du GNL des pays les plus pauvres. Cela s’est produit en 2022, en 2023 et encore l’année dernière. C’est devenu une constante depuis que l’Europe a renoncé au gazoduc russe. Le GNL est même devenu parfois tellement cher que des pays d’Asie parmi les plus riches comme la Chine et le Japon y renonce.

En fait, en réglementant l’achat des volumes de GNL par les pays membres, l’Union européenne se nuit à elle-même, en se contraignant à payer cher des volumes importants, et même au climat qu’elle se vante tant de vouloir protéger en incitant les pays plus pauvres à repasser du gaz au charbon. Elle donne également un pouvoir sur les prix bien trop important aux grands pays producteurs de GNL, notamment les Etats-Unis, le Qatar, l’Australie… et même la Russie.

Les prix à terme pour l’été 2025 plus élevés que les prix de 2026

L’agence Reuters explique bien cette situation en soulignant que la surchauffe actuelle des échanges de GNL avant la saison même de remplissage de ses réserves par l’Europe – dans un contexte de stocks bien plus réduits que lors des dernières années – a poussé les prix à terme du gaz pour l’été 2025 à des niveaux maintenant plus élevés que les prix de 2026. Ce qui pourrait avoir aussi pour conséquences que ses stocks de gaz achetés à des tarifs élevés seront vendus à des prix plus bas lorsque le marché se normalisera après la saison de recharge… Des pertes et des coûts supplémentaires.

Et l’Allemagne, dont la stratégie énergétique est souvent hallucinante, a encore réussi à aggraver la situation en suggérant que le gouvernement pourrait subventionner l’achat des volumes de gaz permettant d’atteindre les quotas imposés de recharge des stocks…

Il serait peut-être temps que les institutions européennes reprennent contact avec la réalité. Que construire des stratégies d’approvisionnement en énergie doit tenir compte de la réalité des marchés et pas de constructions théoriques fumeuses.

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La rédaction

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