Transitions & Energies

L’équation impossible des renouvelables intermittents et des réseaux électriques


Construire des milliers d’éoliennes et de panneaux solaires ne permet pas en fait de se débarrasser d’une bonne partie des centrales thermiques voire nucléaires. Elles restent indispensables quand le vent et le soleil viennent à manquer, quelle que soit par ailleurs la taille du parc éolien et solaire. Il faut donc payer pour deux systèmes qui font double emploi. Et si l’ambition est de stocker l’électricité renouvelable pour équilibrer plus facilement le réseau et réduire la part des centrales thermiques, les coûts considérables du stockage, qu’il soit hydraulique ou par batteries, viennent encore gonfler l’addition. Les consommateurs sont ainsi condamnés à payer toujours plus cher l’électricité.

Un réseau électrique alimenté exclusivement par l’énergie solaire et éolienne nécessiterait un niveau impossible à atteindre aujourd’hui de capacités de stockage de secours pour éviter les pannes de courant. Non seulement, nous n’avons pas les technologies pour stocker en masse, à l’échelle d’un réseau, l’électricité, mais au sens strict du terme, l’électricité ne se stocke pas. Ce qu’on appelle stockage aujourd’hui est la transformation mécanique, dans les barrages et avec les STEPs (Stations de Tranfert d’Energie par Pompage) de l’électricité en énergie hydraulique, et chimique via les batteries et l’éventuelle fabrication d’hydrogène par électrolyse. Et à chaque fois, il faut à nouveau transformer en électricité ce qui a déjà été transformé. En fait, partout où les énergies renouvelables intermittentes ont atteint une pénétration significative du marché, les prix de l’électricité ont nécessairement augmenté.

Contraint de doubler voire tripler les équipements

La raison en est simple. Si l’augmentation de la production d’électricité renouvelable entraîne une hausse des prix à la consommation, c’est parce qu’un réseau électrique doit fonctionner avec une fiabilité à cent pour cent, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Cela nécessite une adéquation très étroite entre l’électricité fournie et l’électricité demandée, minute par minute, et même par fraction de seconde. Or par définition, les sources d’énergie éolienne et solaire connaissent des variations importantes, imprévisibles, aléatoires et parfois soudaines de la puissance qu’elles fournissent. Par conséquent, dans un réseau utilisant de grandes quantités d’électricité provenant de ses sources, des équipements supplémentaires coûteux doivent être ajoutés au système pour équilibrer en permanence l’offre et la demande.  Ces équipements supplémentaires – capacités de production dites pilotables hydraulique, thermiques et nucléaires – sont à l’origine de l’augmentation des coûts et donc des prix à la consommation et cela même si les prix des équipements éoliens et solaires ont fortement baissé jusqu’en 2020.

Lors des premières étapes de l’augmentation de la production électrique à partir de sources d’énergie renouvelables intermittentes – jusqu’à 10% de la production – un opérateur de réseau peut commencer par ajouter simplement des éoliennes et des panneaux solaires à son système et accepter l’électricité ainsi produite sur le réseau lorsqu’elle est disponible.  Mais comme cette énergie n’est pas disponible à tout moment, quand il n’y a pas de vent et la nuit par exemple, la quasi-totalité de la capacité de production préexistante doit être conservée, même si elle est inutilisée une plus grande partie du temps.  Même si par définition, le coût du combustible des renouvelables n’existe pas, l’opérateur doit payer pour la construction, le fonctionnement et la maintenance de deux systèmes qui se chevauchent et font double emploi.

Rien à faire sans vent et sans soleil

Quand le pourcentage de production électrique à partir de renouvelables dépasse les 10% et atteint 20 à 30%, l’opérateur peut changer de stratégie et investir dans une expansion massive des sources renouvelables, de sorte que leur capacité de production soit égale ou même bien supérieure aux besoins de l’utilisation de pointe. L’Allemagne et le Danemark ont suivi cette stratégie.

Avec une capacité renouvelable massive, le système peut même fonctionner sans secours quand le vent est relativement faible et la couverture nuageuse épaisse. Mais aucune capacité excédentaire renouvelable ne peut faire en sorte qu’un système éolien/solaire produise de l’électricité lors d’une nuit complètement calme, ni aucune quantité significative lors d’une journée d’hiver nuageuse et calme. Cela signifie que si l’appoint provient d’installations fonctionnant avec des combustibles fossiles, gaz et charbon, il faut encore et toujours avoir à disposition la quasi-totalité du parc.

Le stockage coûte encore plus cher

Et l’équation économique devient presque impossible. Car lorsque la capacité éolienne/solaire atteint 100%, voire même 200% de l’utilisation de pointe, le coût d’investissement multiplie par 2 ou 3 celui d’un système fonctionnant uniquement avec des énergies fossiles et nucléaires. Et le consommateur et contribuable doit payer pour cela.

Si l’objectif consiste ensuite aller plus loin et à porter le pourcentage de la production éolienne et solaire à plus de 30%, puis à 50% et plus, alors pour que cela ait un sens les combustibles fossiles doivent être progressivement éliminés, pour être remplacés par une forme de stockage au fur et à mesure que le pourcentage de la production à partir d’énergies renouvelables s’accroît. Mais le coût financier et environnemental du stockage est énorme. Que ce soit en construisant et agrandissant des barrages ou par l’implantation massive de batteries. Le coût du stockage devient alors tout simplement supérieur à celui de tout le réseau.

La rédaction