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Pourquoi les renouvelables ne sont pas aussi compétitfs qu’on le proclame


Les moyens de production d’électricité renouvelables, avant tout éoliens et solaires, présentent de multiples avantages pour décarboner et pour construire rapidement et avec des coûts relativement limités des capacités de production. Mais il faut faire attention au discours permanent les présentant comme les sources de production «les moins chères». Cela est vrai en théorie à la sortie des parcs éoliens et solaires mais pas si on tient du compte que du fait du caractère intermittent et aléatoire de leur production, il faut considérablement surdimensionner les capacités renouvelables. Et le risque est à la fois celui d’une sous-production mais aussi d’une surproduction tout aussi dommageables pour les réseaux. Les renouvelables produisent en fait souvent trop ou trop peu.

Le développement massif des énergies renouvelables intermittentes est -quoi qu’on l’en dise- la solution la plus rapide pour décarboner la production électrique de pays produisant avant tout leur électricité avec des énergies fossiles. Les renouvelables, surtout éoliens et solaires, ne manquent pas d’atouts, entre la facilité de leur conception, la rapidité d’installation, et des coûts d’investissements modérés.

Ce qui fait dire à beaucoup que ce sont «les moins chères des énergies». Confondant au passage allégrement énergie et électricité. Qui rappelons-le ne représente, selon les pays, qu’entre 20 et 25% de la consommation énergétique. Maintenant, ce sont bien la plupart du temps «les moins chères» des moyens de production d’électricité mais si on regarde uniquement la LCOE (Levelized Cost of Energy), soit le prix en sortie de centrale.

Un calcul pour un fonctionnement théorique optimal

Le problème est que cette LCOE est calculée en période de fonctionnement optimal: avec le facteur de charge moyen et en produisant dès qu’il est possible de produire. Ce qui était majoritairement le cas jusqu’à maintenant. Mais le poids de plus en plus important des ENRi (Energies renouvelables intermittentes) dans les réseaux électriques bouleverse la donne. Car la réalité physique ne s’efface pas: sur un réseau, la consommation doit, à chaque instant, être strictement égale à la production sinon il tombe.

Or, les énergies renouvelables ont un facteur de charge extrêmement variable. 80 GW de consommation instantanée ne sont donc pas couverts par 80 GW de panneaux photovoltaïques, qui produiront jusqu’à 75 GW à midi en juin, mais seulement 20 GW à la même heure en janvier. Il est donc admis qu’il est nécessaire de surdimensionner les capacités installées d’énergies intermittentes, pour avoir une production minimale, et de les doubler par des capacités dites «pilotables», c’est-à-dire mobilisables quand il n’y a pas de vent ou pas de soleil, à commencer par la nuit. Mais c’est une autre histoire…

Déconnecter en urgence des centrales photovoltaïques pour éviter un black-out

Revenons à nos renouvelables intermittents. Il y aussi un problème lors des journées de productions très importantes. Car de plus en plus, avec l’augmentation des capacités installées, la production renouvelable peut et va dépasser les besoins de consommation certains jours. C’est ce qui est arrivé, par exemple, le 11 avril dernier en République tchèque. Le soleil, très présent, a permis une production photovoltaïque couvrant l’intégralité des besoins du pays, et plus encore…

Et c’est dangereux. Lorsque cela arrive, le résultat est exactement le même que l’excès inverse un manque de production par rapport à la consommation. Ce qui se traduit par une variation de la fréquence électrique, une mise en sécurité de certaines capacités de production, et un risque sérieux de black-out. Pour l’éviter, un certain nombre de centrales photovoltaïques ont dû être déconnectées temporairement afin de réduire la production électrique et éviter un scénario noir.

Des surcapacités considérables qui font exploser les coûts des installations

Cette anecdote rappelle qu’en France, les raccordements de nouveaux parcs éoliens sont depuis quelques années soumis à une clause obligeant à cette déconnexion (on parle d’effacement) en cas de prix spot (instantané) passant sous les zéro euro démontrant un excès de production électrique. Cela se produit de façon très ponctuelle de plus en plus régulièrement.

Mais si le phénomène devrait rester très marginal dans un pays comme la France où la production électrique est assurée en quantité et en stabilité par le parc nucléaire, ça ne sera pas le cas dans beaucoup d’autres pays. On peut ainsi prendre l’exemple Allemand, dont le plan de déploiement prévoit jusqu’à 250 GW de photovoltaïque en 2030. Problème: même en électrifiant massivement pour décarboner, aux beaux jours, en l’absence de chauffage, la consommation ne devrait pas être multipliée par quatre comme les capacités de production.

Et, si d’aventure celle-ci se hissait à 120 ou 130 GW, (soit un plus que doublement), la production pourrait de toute façon atteindre 200 GW. En l’absence d’énormes capacités de stockage, qui n’existeront pas dans cet intervalle de temps, l’effacement sera donc la seule solution pour assurer la stabilité du réseau. Effacement qui, en réduisant de 30 à 50% le fonctionnement des centrales les jours où elles produisent le plus, aura pour effet de réduire énormément leur production annuelle. Et donc automatiquement faire exploser leur LCOE réelle.

La surproduction est ainsi en train de devenir le principal problème guettant l’industrie des énergies renouvelables intermittentes. Pour atteindre des objectifs politiques, les gouvernants allemands devront donc garantir les industriels contre le risque de l’écrêtement. Et cela ne pourra passer que par une indemnisation de ce risque et des subventions massives. Il n’est plus question soudain de «l’énergie la moins coûteuse»…

Philippe Thomazo

La rédaction