Transitions & Energies
Parc d'éoliennes marines

Eolien marin, le gouvernement passe en force


Face aux oppositions de plus en plus farouches aux projets éoliens terrestres, le gouvernement a choisi d’accélérer le programme d’éoliennes marines. Un domaine dans lequel la France est en retard par rapport au reste de l’Europe. Mais il se heurte également à de fortes oppositions locales. Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, a fait le choix de passer en force. Quitte à alimenter le ressentiment de la France périphérique contre les «diktats» venus de Paris et les doutes sur une stratégie de transition dont l’efficacité est contestable et qui s’apparente surtout à des postures politiques. Car la France n’a pas besoin de décarboner sa production électrique et pourrait avoir d’autres priorités. Car l’intermittence des éoliennes nécessite de construire des centrales à gaz qui émettent du CO2… Et car le coût de l’électricité produite par les éoliennes marines est exorbitant.

La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a totalement exclu au début de la semaine l’organisation d’un référendum local, réclamé pourtant par de nombreux partis politiques et organisations, sur le projet d’éoliennes offshore à une dizaine de kilomètres au large de Dunkerque. «On ne va pas commencer à demander un référendum à chaque fois qu’on a un projet qui est en cours d’achèvement», a affirmé l’ancienne députée de la Somme.

En juin 2019, le groupement EDF renouvelables, Innogy et Enbridge, avait remporté l’appel d’offre pour la construction et l’exploitation d’un parc d’environ 50 km2 situé à une dizaine de kilomètres des côtes en bordure des eaux territoriales belges. Il devrait être constitué de 46 éoliennes, hautes de 225 à 300 mètres, pour 600 MW de capacité. Sa mise en service est prévue en 2027 et son exploitation doit durer 30 ans.

Une électricité trois fois plus chère que le prix du marché

Plusieurs collectifs et associations, dont la Ligue de protection des oiseaux et «Vent debout» s’opposent au projet, qui suscite également des inquiétudes en Belgique. La France Insoumise, le Modem, le Mouvement des Citoyens , le Nouveau centre, les Républicains, l’Union des Centristes et des Ecologistes ont réclamé depuis le début de l’année l’organisation d’un référendum sur le projet, estimant que la transition énergétique ne peut se faire «contre» les citoyens. Et contrairement à ce qu’a dit la ministre, le projet est en fait très loin d’être achevé.

Mais la logique du gouvernement est toute autre. Sans éolien marin, il n’atteindra jamais les objectifs qu’il s’est lui-même fixé de production d’électricité renouvelable. «L’éolien offshore est vital» dans une «logique de décarbonation», une «énergie très compétitive», «incontournable pour atteindre l’objectif de 40% d’énergie renouvelable dans notre mix électrique en 2030», a d’ailleurs ajouté la ministre. Là encore, les propos sont assez éloignés de la réalité. Puisque cette énergie «très compétitive» coûte plus de 150 euros le mégawatt heure contre 50 euros pour le prix du marché…

Une loi votée en catimini l’an dernier pour limiter les recours

La fermeté du gouvernement vise aussi à éviter que se reproduise des actions pour contrer la construction des éoliennes. Il y a seulement quelques jours, le 7 mai, des pêcheurs en baie de Saint-Brieuc (Côtes- d’Amor) ont encerclé un navire auto-élévateur qui a commencé la construction d’un parc de 62 éoliennes mer.
 «Le gouvernement est déterminé à conduire tous ces projets (d’éolien offshore) à leur terme et ne tolèrera pas ces actes de violences», a prévenu Barbara Pompili.

Déjà à la fin de l’année dernière, la ministre avait fait voter en catimini une loi au parlement limitant les recours contre les projets d’éoliennes en mer. «Ce qu’on souhaite tous, c’est ne pas passer notre vie avec des procédures qui sont beaucoup trop longues (…)», avait-elle alors déclaré.

Au-delà du passage en force, la question fondamentale est de savoir si les 7 projets éoliens marins existants et les autres à venir répondent bien à une nécessité de la transition énergétique ou avant tout à une logique politique visant à s’attirer les bonnes grâces des écologistes. La contradiction étant avec les éoliennes qu’elles opposent écologistes et défenseurs de l’environnement, de leur environnement…

Propagande éhontée et mensongère

A cause de cela notamment, la France est mal partie pour atteindre les objectifs fixés par la Programmation pluriannuelle de l’énergie, la fameuse et très contestable PPE. Elle se donne pour priorité de décarboner la production électrique… qui en France est déjà décarbonée. La PPE stipule donc que la puissance installée en éolien terrestre devrait atteindre 24,1 GW en 2023, et une fourchette comprise entre 33,2 et 34,7 GW en 2028. Le pays comptait à la fin 2020, 17,3 GW de puissance éolienne. Pour parvenir à atteindre les objectifs de la PPE il faudra avoir 6.500 éoliennes de plus en 2028, pas loin d’un doublement du parc existant. Cela semble aujourd’hui impossible. On comprend donc pourquoi l’éolien marin est devenu un recours. D’une part, les éoliennes sont plus puissantes et en théorie elles gênent moins de monde. Même si économiquement, elles sont extraordinairement coûteuses à fabriquer, à entretenir et à faire fonctionner.

Elles bénéficient en tout cas d’une propagande éhontée de leurs promoteurs qui font même passer les mensonges répétés de Barbara Pompili pour des propos anodins. A Saint-Brieuc, il a été ainsi annoncé que les 62 éoliennes géantes produiraient l’équivalent de la consommation de 835.000 habitants sur les 3,34 millions que compte la Bretagne. Il y a juste un oubli: l’intermittence desdites éoliennes.

Le promoteur Ailes marines, filiale du groupe espagnol Iberdrola, a confondu sciemment puissance installée et production réelle. Il a aussi annoncé un plan de charge particulièrement optimiste avec un fonctionnement de son parc 42% du temps. Un taux supérieur à celui de la mer du Nord qui bénéficie de conditions de vent bien plus favorables… Mais avec 42%, il n’y a plus que 270.000 habitants alimentés en électricité. A 35%, niveau plus réaliste, les 62 éoliennes alimenteront les besoins de 250.000 habitants, un peu moins de 8% de la population de la Bretagne. Et encore à quel prix!

La côte française n’a pas beaucoup de fonds de faible profondeur

Car pour faire face au caractère intermittent et aléatoire de la production éolienne, une centrale thermique au gaz va être construite à Landivisiau, dans le Finistère. L’État la subventionne pour 800 millions d’euros. Il faut ajouter cette somme au fait que le mégawatt heure des éoliennes d’Iberdrola sera acheté à un prix garanti de 155 euros, trois fois plus cher que le prix moyen actuel du mégawatt heure.

En fait, comme l’explique au Point Patrice Cahart, ancien inspecteur général des finances et auteur du livre «La Peste éolienne», «la côte française ne dispose pas de fonds de faible profondeur, ce qui entraîne des coûts élevés pour implanter des éoliennes. Les fonds sont d’environ 30 mètres en France, contre 5 au Royaume-Uni et au Danemark, les champions de l’éolien offshore. En moyenne, les éoliennes en mer produisent donc une électricité en France à un prix deux fois supérieur à celui des éoliennes terrestres, qui est lui-même deux fois supérieur au prix du marché».

La rédaction