Transitions & Energies

Les émissions chinoises de CO2 pourraient amorcer une baisse tendancielle à partir de 2024


D’après une étude de Carbon Brief, l’augmentation très rapide des capacités chinoises de production d’électricité bas carbone, renouvelables et nucléaires, et la fin de la sécheresse pourraient permettre au pays de connaître une baisse tendancielle de ses émissions de CO2 à partir de 2024. Et cela même s’il reste extrêmement dépendant du charbon et a lancé un programme massif de construction de nouvelles centrales au charbon. Mais pour la première fois, les nouvelles capacités de production décarbonées pourraient être supérieures à la progression de la demande.

C’est une évolution majeure, si elle se confirme et si l’étude de Carbon Brief qui l’annonce n’est pas une nouvelle manifestation de la méthode Coué. La Chine pourrait commencer à enregistrer une diminution régulière de ses émissions de gaz à effet de serre. Et cela ne serait pas la conséquence d’une pandémie majeure et de ses conséquences économiques. Ainsi les émissions de gaz à effet de serre chinoises sont restées relativement stable en 2022, diminuant même de 0,2% selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Mais cela s’explique surtout par les restrictions Covid toujours en cours une grande partie de l’année dernière qui ont beaucoup pesé sur l’activité économique du pays.

Rappelons que la Chine, l’usine du monde, est de loin le premier émetteur de CO2 du monde avec l’an dernier 12,1 gigatonnes de CO2 soit près de 33% des émissions mondiales de carbone (36,8 gigatonnes) et que sa consommation d’énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz continue à augmenter. La Chine, c’est aussi 60% de son électricité provenant de centrales à charbon et pas moins de 55% de la consommation mondiale de charbon.

Investissements massifs dans l’éolien, le solaire et le nucléaire

Mais dans le même temps, la Chine investit massivement dans l’électricité décarbonée via les renouvelables et le nucléaire et dans les véhicules électriques. L’industrie chinoise domine la production de panneaux solaires, de batteries pour véhicules électriques et de véhicules électriques, d’éoliennes, de pompes à chaleur, d’électrolyseurs, de métaux dits critiques indispensables à la transition, et bientôt deviendra le numéro un mondial du nucléaire civil.

Le problème est que jusqu’à aujourd’hui la progression des besoins énergétiques chinois était plus rapide que les installations d’équipements de production bas carbone. Et la Chine ne pouvait pas non plus bénéficier de ce qui a permis à de nombreux pays occidentaux de voir leurs émissions baisser depuis les années 1990, à savoir remplacer leurs centrales à charbon par des centrales à gaz et désindustrialiser… au bénéfice de la Chine.

Mais le pays installe des parcs éolien et solaire au même rythme que le reste du monde combiné, sous l’impulsion de politiques gouvernementales résolues et de financements presque sans limites. La Chine pourrait atteindre une capacité de production installée théorique de 1.800 GW d’énergies renouvelables d’ici la fin de la décennie, soit 50% de plus que son objectif de 1.200 GW fixé par le président Xi Jinping pour 2030. En avril de cette année, la capacité éolienne et solaire installée en Chine représentait 820 GW, soit 31% de la capacité totale de production d’électricité du pays.

En 2023, la production d’électricité décarbonée va excéder la progression de la demande pour la première fois
En Térawatts heure.

Surmonter son addiction au charbon

« Les nouvelles capacités solaires, éoliennes, hydroélectriques et nucléaires supplémentaires, rien qu’en 2023, généreront environ 423 térawatt-heures (TWh) par an, soit l’équivalent de la consommation électrique totale de la France », indique le rapport de Carbon Brief. Il ajoute que l’augmentation des capacités installées bas carbone et le rebond de la production hydroélectrique après un recul attendu de la sécheresse, « sont pratiquement assurés de faire baisser la production d’électricité à partir de combustibles fossiles et les émissions de CO2 en 2024 ».

Et surtout, ce déclin pourrait être durable parce que « le rythme du développement des énergies à faibles émissions de carbone est désormais suffisant non seulement pour fournir, mais aussi pour dépasser l’augmentation annuelle moyenne de la demande d’électricité totale de la Chine », affirme Carbon Brief.

Pour autant la Chine n’échappe pas à ses contradictions. Elle a approuvé l’an dernier la construction du plus grand nombre de nouvelles centrales au charbon depuis 2015… Selon les chiffres mêmes du gouvernement chinois, la capacité de production d’électricité au charbon de la Chine devrait culminer à 1.370 GW en 2030, ce qui représente une sérieuse augmentation par rapport aux 1.141 GW actuels. Des centrales au charbon d’une capacité de production de 136 GW sont aujourd’hui en cours de construction et 99 GW supplémentaires ont été approuvés. Il faut bien que le pays ne soit pas plongé dans les blackouts quand il n’y pas de vent et peu de soleil…

Carbon Brief reconnait d’ailleurs que cela pourrait déboucher sur « une confrontation » entre des groupes d’intérêts divergents. La croissance des énergies renouvelables et du nucléaire « menace les intérêts de l’industrie du charbon et des gouvernements locaux fortement dépendants du secteur du charbon ».

La rédaction