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Il est temps de mettre fin à la vente contrainte par EDF d’électricité nucléaire aux fournisseurs alternatifs


Le mécanisme dit de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) est une usine à gaz visant à créer artificiellement une concurrence dans la commercialisation en France d’électricité. Il contraint EDF à vendre à ses concurrents de l’électricité nucléaire à des prix artificiellement bas. Dans les faits, ni EDF, ni le consommateur, ni la transition énergétique ne bénéficient de ce mécanisme absurde.

EDF a décidé il y a quelques jours de résilier à partir du 18 juin les contrats d’achat d’électricité nucléaire de trois fournisseurs alternatifs qui avaient porté plainte contre lui, Total Direct Energie, Alpiq et Gazel. Ces derniers considéraient que la crise sanitaire constituait un cas de force majeure pour suspendre ces contrats, ce qu’EDF avait refusé. L’électricien public a rappelé qu’il lui est possible de résilier ces mêmes contrats en cas de suspension de ces contrats au-delà d’une période de deux mois. Il s’agit de fait de représailles contre les trois fournisseurs.

EDF contraint de vendre à bas prix de l’électricité nucléaire dont les fournisseurs alternatifs ne veulent plus aujourd’hui

Il s’agit surtout du dernier épisode d’un interminable conflit entre EDF et les fournisseurs alternatifs d’électricité. Résumé des épisodes précédents. Contraints par contrats d’acheter à EDF de l’électricité à prix fixe, les fournisseurs dits alternatifs ont dénoncé un dispositif qui certes, ouvrait la concurrence et leur permettait d’accéder à de l’électricité à des tarifs faibles, mais est devenu avec la pandémie, le confinement et la chute des prix de l’électricité une source de pertes considérables. EDF n’a pas voulu en entendre parler. La Commission de régulation de l’énergie lui a donné raison et a refusé, au début du mois d’avril, l’annulation de tout ou partie des contrats au nom «de la force majeure» tout comme le Conseil d’Etat le 17 avril.

Même la ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, avait pris fait et cause pour EDF considérant que les fournisseurs alternatifs cherchaient à profiter de la situation. Ils «ont bénéficié de l’Arenh pour acheter de l’électricité à un tarif plus faible que celui du marché, sinon ils n’auraient pas eu recours à l’Arenh mais à des contrats à terme. Maintenant, ils souhaitent, tout compte fait, rendre cette électricité. Cela reviendrait finalement à faire peser sur EDF la totalité des risques. Il y a un problème de principe», avait déclaré Elisabeth Borne devant la commission des affaires économiques du Sénat.

Mais les 20, 26 et 27 mai, le Tribunal de Commerce de Paris, statuant en référé, a considéré lui que les conditions de la force majeure étaient réunies depuis les mesures d’urgence prises par les pouvoirs publics. De ce fait, EDF ne pouvait pas s’opposer à la suspension du contrat dit d’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) conclu avec Total Direct Energie, Alpiq et Gazel. EDF conteste toujours l’existence d’un cas de force majeure dans le cadre des contrats Arenh et a fait appel de ces ordonnances auprès de la Cour d’appel de Paris.

EDF est bien malgré lui contraint, au nom de la concurrence et jusqu’en 2025, à vendre un quart de sa production d’électricité nucléaire, soit 100 térawattheures, à des prix garantis et fixes de 42 euros le mégawatt heure (MWh) aux fournisseurs qui le demandent. Ils concluent un contrat et passent commande en novembre pour toute l’année suivante.

Supporter seul les conséquences de la pandémie

Les fournisseurs alternatifs s’arrachaient ainsi à la fin de l’année dernière le prix de 42 euros de MWh car le prix de l’électricité sur les marchés européens avoisinait alors les 55 euros. Les fournisseurs se sont précipités sur l’aubaine et ont commandé en masse à EDF, sans même obtenir tous les volumes demandés.

Mais avec l’épidémie, le confinement, la fermeture des commerces, des usines et le fonctionnement très ralenti des transports, la consommation d’électricité a chuté de plus de 15 % en France. Dans le même temps, le prix du mégawatt heure s’est effondré de plus de 40% sur le marché de gros européen. Les fournisseurs concurrents d’EDF, à savoir Total Direct Énergie, Gazel Energie (ex-filiale de l’allemand Uniper), le suisse Alpiq et le suédois Vattenfall, ont alors invoqué la fameuse clause de «cas de force majeure» pour remettre en cause leurs engagements d’acheter de l’électricité à EDF et obtenir de meilleurs prix sur les marchés. Les trois premiers ont obtenu gain de cause en référé devant le tribunal de commerce de Paris

Pour l’électricien public en grande difficulté, et contraint d’être recapitalisé, l’enjeu se chiffre en centaines de millions d’euros. Il souligne avoir été confronté tout autant que ses concurrents à la baisse de la consommation et estime ne pas avoir à en supporter seul les conséquences. Le problème de fond est celui des contrats Arenh qui créent une concurrence totalement artificielle au détriment d’EDF, de la transition énergétique et parfois même des consommateurs… Ils doivent disparaître.

Un système ubuesque

Avec l’Arenh, EDF ne cesse de perdre des clients. Ils continuaient pourtant, au moins jusqu’au début de cette année, à lui acheter en fait l’électricité qu’il produit mais via des fournisseurs alternatifs qui avaient obtenu des tarifs très avantageux. Et pourtant, EDF se trouve confronté à un problème financier d’envergure et de financement de ses investissements auxquels les tarifs de l’électricité qu’il vend ne lui permettent déjà pas de faire face. Un prix déjà artificiel car dicté par les pouvoirs publics et encore abaissé artificiellement… par l’Arenh.

Un tel tarif n’incite ni les clients, ni les fournisseurs à la sobriété énergétique. La bataille commerciale est telle qu’elle prend aussi parfois une tournure absurde et certains fournisseurs alternatifs, comme Total Direct Energie, ont des comportements plus que contestables avec leurs clients. Le consommateur qui pensait obtenir un prix de l’électricité plus bas se retrouve à gérer des situations inextricables de prélèvements et de remboursements.

De fait, l’Arenh a pour conséquence d’affaiblir la production d’électricité en France pourtant aujourd’hui l’une des plus décarbonée en Europe. Qui y trouve un intérêt?

La rédaction