Transitions & Energies
Barils de pétrole wikimedia commons

Nous en sommes à deux mois de hausse continue du prix du pétrole


Le cartel Opep+ des pays producteurs de pétrole semble avoir repris la main, ce qu’il tentait de faire depuis le début de l’année, sur les cours du baril. Résultat, les prix du pétrole ont regagné environ 20% en moins de deux mois. Une mauvaise nouvelle en perspective pour les automobilistes, les consommateurs et l’inflation. Cela est la conséquence d’une baisse de production de l’Opep, à son plus bas niveau depuis 2020 alors en pleine pandémie, et d’une consommation qui a atteint en juillet des niveaux records dans le monde. Reste à savoir si cette situation va perdurer. Si l’Arabie Saoudite ne va pas vouloir regagner les parts de marché perdues volontairement en baissant sa production, si la Russie ne va pas tout faire pour vendre son pétrole et si la demande chinoise va rester aussi forte.

La stratégie de l’Arabie Saoudite et de ses alliés du cartel élargi Opep+ va-t-elle finir par payer? Après avoir échoué depuis la fin de l’année dernière à faire remonter les cours du pétrole, les baisses de production ont fini cette fois par avoir un réel impact sur le marché pétrolier. Ainsi, il y a presque deux mois, le 12 juin, le baril européen de qualité Brent s’échangeait à moins de 72 dollars et celui américain de qualité WTI (West Texas Intermediate) à 67 dollars. Ils étaient respectivement le 9 août dans la matinée à plus de 86 et plus de 83 dollars. Le rebond est de l’ordre de 20% en moins de deux mois et s’explique assez simplement par une baisse de l’offre et dans le même temps une augmentation de la demande. Et cela se traduit déjà à la pompe pour les automobilistes. Depuis le début du mois de juillet, le gazole et l’essence sans plomb SP95-E10 affichent une hausse moyenne de 14 et 11 centimes selon les statistiques du ministère de la Transition énergétique. Reste à savoir si cela va durer…

Premier constat, le cartel des pays producteurs a repris le contrôle. L’Opep+ regroupe les 13 pays historiques de l’Opep menés par l’Arabie Saoudite et leurs 10 pays alliés menés par la Russie. Il s’agit respectivement des troisième et deuxième producteurs de pétrole (avec 10,2 et 10,5 millions de barils par jour) derrière les Etats-Unis (11,5 millions de barils par jour). Ce qui est spectaculaire est le fait que selon l’agence Bloomberg la production de l’Opep est tombée le mois dernier à son plus bas niveau depuis 2020, année marquée au fer rouge par la pandémie de Covid 19 et les confinements. L’Opep a produit moins de 28 millions de barils par jour tandis que la consommation mondiale atteignait dans le même temps, selon la banque Goldman Sachs, un sommet historique à 102,8 millions de barils par jour. Nous sommes encore très loin du pic pétrolier

L’Arabie Saoudite et la Russie à l’unisson

En tout cas, l’Arabie Saoudite et la Russie ont réussi à surmonter un différend apparu au début de l’année. Moscou qui a des besoins financiers considérables pour financer la guerre en Ukraine ne voulait pas entendre parler d’une baisse de production et l’Arabie Saoudite qui a des projets grandioses de développement ne peut pas les financer sans un prix du baril élevé. Finalement, la stratégie saoudienne a fini par satisfaire tout le monde, au moins pour le moment. Il faut dire que pour différentes raisons, voulues ou pas, la production des pays de l’Opep est tombée à son plus bas niveau depuis 2020, du fait de la baisse volontaire de production de l’Arabie Saoudite (d’un million de barils par jour) et du déclin, involontaire cette fois, de celles du Nigéria, de l’Angola et de la Lybie.

L’économie saoudienne a souffert au cours des derniers mois avec une croissance modeste de 1,1% au deuxième trimestre de l’année, contre 3,8% au premier trimestre. Les économistes attribuent ce ralentissement à la baisse des prix du pétrole. En théorie, l’Arabie saoudite a besoin cette année d’un prix du baril de Brent de 78 dollars en moyenne pour atteindre l’équilibre budgétaire.

La Russie fait face à une problématique différente. Pour atteindre l’équilibre budgétaire, il faudrait que le prix moyen du baril soit de 115 dollars, mais son principal problème est de contourner les divers embargos et plafonds de prix mis en place progressivement par les pays occidentaux et leurs alliés sur ses exportations de pétrole et de gaz après l’invasion de l’Ukraine en février 2022. A commencer par l’instauration d’un plafond de prix du pétrole russe à 60 dollars par baril. Dans ces conditions, la stratégie de la Russie a consisté, avec succès, d’abord à vendre toutes les cargaisons possibles à n’importe quel prix ou presque, à la Chine, à l’Inde, à la Turquie puis finalement à se raviser et à rallier la stratégie saoudienne consistant à tout faire pour faire repartir à la hausse les cours du baril. La Russie vend son propre pétrole à un prix inférieur à ce cours, mais toujours supérieur au plafond fixé par les alliés de l’Ukraine. Et il y a toujours beaucoup d’acheteurs volontaires pour le pétrole russe à prix réduit.

Record mondial de consommation de pétrole

Deuxième observation, le mois de juillet a été marqué par un record mondial de consommation de pétrole. Selon les chiffres de la banque Goldman Sachs la demande a atteint en juillet le niveau sans précédent de 102,8 millions de barils par jour. Et si ce niveau de consommation se maintient cela se traduira par un déficit de l’offre de 1,8 million de barils par jour au deuxième semestre de l’année et donc une poursuite de l’envolée des prix. L’agence Reuters rapporte par ailleurs que les stocks mondiaux de pétrole sont en baisse et considère qu’il faudrait une récession aux États-Unis ou en Chine pour mettre un terme à l’augmentation des cours du baril.

Les deux questions aujourd’hui pour les consommateurs et importateurs de pétrole sont de savoir si la restriction de l’offre par l’Opep+ va perdurer, ce qui semble vraisemblable compte tenu du fait notamment que l’Arabie Saoudite s’est rapprochée de la Chine et de la Russie et a des liens distendus avec les Etats-Unis, et si la demande va rester aussi soutenue. Clairement la Chine, frappée par des vagues de chaleur et la sécheresse qui affecte sa production d’électricité hydroélectrique s’est lancée depuis le printemps dans des achats massifs de pétrole et de gaz, afin d’éviter les coupures d’électricité et de constituer des réserves en profitant des prix bas. Pour autant, le rebond de l’économie chinoise après la pandémie est toujours bien plus lent et faible qu’attendu.  Il est ainsi vraisemblable que la consommation chinoise de pétrole ait atteint un sommet au cours des derniers mois. Elle n’a plus retrouvé ses niveaux de 16,28 millions de barils par jour du mois d’avril. Et les perspectives de croissance s’assombrissent. En juillet, les importations et exportations ont littéralement chuté, de respectivement 12,4% et 14,5% (leur plus fort recul depuis février 2020 (au début de la pandémie de Covid 19). Une contreperformance qui s’explique par une forte dégradation de la demande dans le pays comme à l’étranger.

Espérer à terme une augmentation de production de l’Irak, du Brésil, du Venezuela, de l’Iran, du Nigeria…

Cela dit, le déséquilibre du marché pétrolier entre offre et demande, même s’il est artificiel, risque de perdurer puisqu’il est dans l’intérêt bien compris des principaux exportateurs, Arabie Saoudite et Russie, de le maintenir. Pour les importateurs de pétrole, le salut ne semble pouvoir venir que d’une augmentation de la production par des pays comme l’Irak, le Brésil, le Venezuela, le Nigeria voire l’Iran. Cela explique notamment pourquoi les relations entre les Etats-Unis et le Venezuela se sont réchauffées et pourquoi l’administration américaine cherche toujours à trouver un accord illusoire avec la République islamique d’Iran sur son programme nucléaire et… ses exportations de pétrole.

A moyen terme, l’équation s’annonce encore plus compliquée pour les pays Occidentaux, du fait de la perte de poids sur le marché de leurs grandes compagnies pétrolières. Selon l’agence Bloomberg, les cinq plus grandes majors occidentales, à savoir Exxon, Chevron, BP, Shell et TotalEnergies ont produit 11,6 millions de barils par jour au cours du deuxième trimestre de cette année. Il s’agit de leur niveau de production le plus bas depuis au moins 15 ans et d’un cinquième de moins que ce qu’il était en 2010.

Le déclin des majors pétrolières occidentales

« Il est essentiel que nous évitions de démanteler le système énergétique actuel plus rapidement que nous ne sommes capables de construire le système énergétique propre de l’avenir », avait déclaré au début de l’année le nouveau directeur général de Shell, Wael Sawan, cité par le Financial Times. Bernard Looney, de BP, avait fait une déclaration similaire en février lorsque l’entreprise avait annoncé des bénéfices records pour l’exercice 2022. M. Looney avait alors déclaré que BP avait revu à la baisse ses objectifs de réduction de sa production de pétrole et de gaz pour 2030, les ramenant de 40% à 25%.

Pourtant, aucune de ses deux compagnies n’envisage d’augmenter sa production de pétrole. Les plans de croissance de la production de Chevron et d’Exxon sont très modestes et se concentrent presque exclusivement aux Etats-Unis dans le pétrole de schiste. La seule exception est TotalEnergies qui a signé un accord de plusieurs milliards de dollars avec l’Irak pour le développement de nouveaux champs pétroliers. Cela pourrait faire en quelques années de l’Irak le premier producteur de pétrole au monde.

La rédaction