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Pourquoi la découverte en Lorraine d’un gisement d’hydrogène naturel peut tout changer


Des quantités importantes d’hydrogène naturel, hydrogène blanc, ont été découvertes par hasard dans le sous-sol lorrain. L’hydrogène blanc a pour particularité d’être une source d’énergie naturelle et décarbonée contrairement aux autres catégories d’hydrogène (gris, noir, bleu, vert, rose…) qui sont-elles fabriquées. Elles le sont à partir de carburants fossiles ou d’électricité bas carbone. Cette découverte fait naître beaucoup d’espoirs et pourrait permettre d’accélérer encore la naissance d’une filière d’hydrogène décarboné en France. Mais l’exploitation à grande profondeur (plus de 2 000 mètres) et à une échelle industrielle de l’hydrogène blanc présente de nombreuses difficultés qu’il faudra surmonter. C’est une technologie qui est loin d’être développée et encore moins maîtrisée.

La Française de l’énergie (FDE) a annoncé il y a quelques jours la découverte d’importantes réserves d’hydrogène naturel dans le bassin minier lorrain autour du puits de Folschviller (Moselle). Les premières estimations font état de 46 milliards de tonnes. C’est d’autant plus important que l’hydrogène utilisé aujourd’hui, notamment dans l’industrie, est fabriqué presque exclusivement par vaporeformage, c’est-à-dire avec du gaz naturel ou du charbon ce qui émet beaucoup de CO2.

L’hydrogène blanc a une particularité, c’est une source d’énergie naturelle décarbonée, contrairement à l’hydrogène gris, noir, vert, bleu, rose… qui est un vecteur d’énergie fabriqué avec des énergies fossiles ou de l’électricité décarbonée via des électrolyseurs. L’hydrogène quand il n’est pas naturel est ainsi comparable à l’électricité.

Les couleurs de l’hydrogène

Il existe ainsi toutes sortes d’hydrogène que l’on distingue selon la façon dont ils sont produits. Il y a les hydrogènes fortement carbonés, noir ou marron, car fabriqués avec du charbon et de la lignite et gris, de loin le plus abondant aujourd’hui, avec du gaz naturel par vaporeformage. Il y a aussi l’hydrogène bleu, bas carbone, fabriqué toujours avec du gaz naturel mais dont les émissions de CO2 sont capturées et stockées. Dans le même registre, il y a l’hydrogène turquoise, qui reste pour l’instant cantonné aux laboratoires, et consiste par pyrolyse à convertir du gaz naturel en hydrogène et en carbone solide. Il y a l’hydrogène vert, vanté par toutes les politiques publiques, qui consiste à produire la molécule par électrolyse de l’eau (H2O) en utilisant de l’électricité décarbonée issue des renouvelables.

Il y a une autre couleur de l’hydrogène, l’hydrogène rose (parfois aussi appelé hydrogène jaune), décarboné et produit toujours par électrolyse avec de l’électricité sortant cette fois des réacteurs nucléaires. Et dans une centrale nucléaire, de l’hydrogène peut aussi être fabriqué à partir de la vapeur d’eau.

L’hydrogène blanc est d’une toute autre nature. Et contrairement au pétrole et au gaz naturel issus de la décomposition de matières organiques accumulées entre 20 et 350 millions d’années et qui ne se renouvellent pas, l’hydrogène blanc serait produit de façon continue par la terre. La plupart du temps, quand il n’est pas piégé par la croute terrestre, il s’échappe dans l’atmosphère grâce à sa légèreté et à la faible taille de sa molécule. Sa très faible masse ne permet pas à la gravité de le retenir dans l’atmosphère. Il poursuit donc sa course dans l’espace. On trouve la trace de ce passage fugace dans la composition de l’atmosphère où il ne représente que 0,55 partie par million (ppm) en volume de l’ensemble des gaz qui la compose (78 % d’azote, 21 % d’oxygène, 0,1 à 4 % d’eau).

Le fruit du hasard

La découverte du gisement lorrain d’hydrogène blanc a le potentiel pour accélérer fortement le développement de cette source ou vecteur d’énergie en France en donnant accès à des quantités importantes d’hydrogène décarboné sans avoir à la produire avec de grandes quantités d’électricité bas carbone. Elle est aussi un coup de chance. Elle est liée à un programme de forage lancé dans le cadre de projet de recherche baptisé Regalor (REssources GAzières de LORraines). Il a commencé il y a quatre ans et est mené par des scientifiques de l’Université de Lorraine et du CNRS avec l’accompagnement de la FDE. Il devait être consacré à évaluer la présence de méthane dans le sous-sol lorrain, le fameux « grisou » issu de la dégradation des couches de charbon qui provoque des explosions mortelles dans les mines.

Afin de quantifier la présence de méthane, les chercheurs ont conçu une sonde capable de descendre à plus de 1.000 mètres de profondeur dans un puits de six centimètres de diamètre. Dès la fin d’année 2022, ils ont découvert de petites quantités d’hydrogène à 600 mètres de profondeur et ont constaté qu’elles augmentaient à mesure que la sonde pénétrait plus profondément dans le sous-sol. A 600 mètres, la concentration est de 1% d’hydrogène, à 800 mètres elle est de 6% et à 1 .100 mètres elle est supérieure à 15%.

Une teneur en hydrogène de 98% à 3 000 mètres

« Plus on va en profondeur, plus l’oxygène diminue jusqu’à disparaître », indiquait sur France 3 Jacques Pironon le directeur du laboratoire GéoRessources de l’Université de Lorraine. « Plus l’oxygène diminue, plus l’autre espèce gazeuse, à savoir l’hydrogène est présente ». Jacques Pinoron parle même d’« une véritable usine à hydrogène sous nos pieds ». La teneur en hydrogène pourrait ainsi atteindre 98% à 3.000 mètres de profondeur.

Maintenant, il s’agit encore d’hypothèses qui vont devoir être confirmées par d’autres forages plus profonds. La FDE a déposé en mars cette année une demande d’octroi de permis exclusif de recherches de mines pour l’exploration de l’hydrogène naturel (H2). Cette demande couvre une superficie de 2.254 km², sur les départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle. L’entreprise mosellane prévoit aussi d’effectuer de nouvelles mesures de concentration d’hydrogène dans trois autres puits.

Il faudra plusieurs années avant d’avoir une évaluation plus précise du potentiel du gisement et des technologies nécessaires à son exploitation éventuelle à une échelle industrielle. Il n’existe pas aujourd’hui de technologies permettant de récupérer de l’hydrogène à des profondeurs supérieures à 1.000 mètres.

La rédaction