<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La question clé du stockage de l’énergie et de l’électricité

5 février 2025

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : World's first 24/7 Solar PV, Battery Storage gigascale project to be built in Abu Dhabi
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La question clé du stockage de l’énergie et de l’électricité

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Une étude récente du Think Tank DII Desert Energy, baptisée « Le stockage de l'énergie, la nouvelle frontière », met en avant l'importance pour réussir la transition du stockage de l'énergie moléculaire (comme l'hydrogène ou l’ammoniac) pour construire un système électrique décarboné stable. Voilà pourquoi construire une économie de l’hydrogène est une nécessité. Les batteries, même si elles peuvent être utiles, resteront marginales compte tenu de leurs limites de capacités et de leurs coûts. Et pour consolider des systèmes électriques fragilisés par l’intermittence des renouvelables, le stockage est, avec le nucléaire, la seule issue.

Le stockage de l’électricité est une des clés technologiques de la transition énergétique. Il est indispensable pour sécuriser et équilibrer les réseaux quand la part de renouvelables intermittents et aléatoires (éolien et solaire) devient importante dans la production. Jusqu’à aujourd’hui, les technologies permettant un stockage à grande échelle et économiquement acceptable sont relativement limitées, hydraulique avec les STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) et la production d’hydrogène bas carbone par électrolyse. Le reste, notamment les batteries stationnaires, présente une utilité, mais n’est pas à l’échelle des besoins et n’est pas économiquement possible pour alimenter une agglomération, encore moins une région et un pays.

Il faut aussi savoir qu’en fait l’électricité ne se stocke pas. Elle se transforme mécaniquement (hydraulique), chimiquement (batteries, hydrogène) et ensuite cela permet de produire à nouveau de l’électricité. Ce qui signifie qu’il y a forcément une perte d’efficacité énergétique plus ou moins importante.

Le plus grand projet au monde combinant solaire et batteries

A l’occasion du sommet mondial sur l’avenir de l’énergie qui s’est tenu à Abu Dhabi le mois dernier, le sultan Ahmed al Jaber, qui a présidé en 2023 la COP 28 et est le Pdg de l’entreprise publique Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), a annoncé le plus grand projet au monde combinant énergie solaire et batteries.

Il alliera 5,2 GW de capacité solaire et 19 GWh de stockage pour produire 1 GWh d’énergie électrique ininterrompue 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Selon la Abu Dhabi Future Energy Company (Masdar), à l’origine du projet et qui est aussi dirigée par le sultan al Jaber, pour la première fois, une source d’énergie renouvelable intermittente deviendra un producteur de base d’un réseau électrique. S’il s’agit d’un projet intéressant, il n’est pas un modèle facilement reproductible.

Une étude approfondie et récente du Think Tank DII Desert Energy sur le stockage de l’énergie et notamment de l’électricité, baptisée « Le stockage de l’énergie, la nouvelle frontière », met plutôt en avant l’importance du stockage de l’énergie moléculaire (comme l’hydrogène ou l’ammoniac) pour construire des systèmes électriques décarbonés.

Une part infime de l’électricité produite est stockée

Si un cinquième de l’énergie finale est stockée, ce n’est pas le cas pour l’électricité dont une part infime est stockée en étant transformée mécaniquement ou chimiquement. Et cela restera le cas, même si l’électricité jouera un rôle de plus en plus important dans les systèmes énergétiques à faible émission de carbone.

Le pétrole est aujourd’hui stocké dans des réserves stratégiques et des camions-citernes, le gaz naturel dans des aquifères salins et des réservoirs de GNL (Gaz naturel liquéfié), et les stocks de charbon dans des centrales électriques, des puits de mine et des trains. Parmi les combustibles fossiles, 26,8% de la demande annuelle de pétrole, 20,6% de celle du charbon et 13% de celle de gaz naturel, sont stockés. Mais pour l’électricité, qui représente environ 20% de la consommation finale d’énergie dans le monde, seul 0,03% de ce qui est consommé est stocké, en quasi-totalité via des systèmes de pompage hydroélectrique. Selon l’étude de DII Desert Energy, le stockage du pétrole représente aujourd’hui en valeur énergétique plus de mille fois toutes les capacités existantes de stockage de l’électricité.

Problème grandissant de stabilité des réseaux

Mais l’intermittence des productions électriques renouvelables éoliennes et solaires crée un problème grandissant de stabilité des réseaux et de variations de prix ingérables avec des productions soit trop abondantes, soit insuffisantes. Il est donc indispensable de parvenir à stocker plus d’électricité. Surtout si le vecteur électricité assure près de 50% de la consommation finale d’énergie d’ici 2050 ou 2060.

En dépit des progrès, toujours plus lents qu’annoncés, de la technologie des batteries, ces dernières ne pourront jouer qu’un rôle très marginal dans le stockage de l’électricité en raison de leurs limites, que ce soit de capacités et de coûts. Il est estimé par DII Desert Energy à 0,05% au mieux de la consommation d’électricité en 2050.

Le rapport suggère donc de constituer des réserves stratégiques d’hydrogène fabriquées par électrolyse de l’eau avec de l’électricité décarbonée, similaires aux réserves actuelles de pétrole, pour renforcer la stabilité des réseaux électriques et dans le même temps soutenir le développement d’une économie de l’hydrogène qui peine à voir le jour.

L’hydrogène et ses dérivés

« Nous stockons 3.000 fois plus d’énergie via les molécules que dans l’électricité. Cela m’a ouvert les yeux », explique Frank Wouters, co-auteur du rapport. « Le stockage des électrons est coûteux par rapport au stockage des molécules, ce qui signifie qu’il doit se faire à une échelle différenteCertains pensent que nous pourrons gérer des systèmes électriques indépendants, qu’il n’y aura pas besoin de molécules, mais ce n’est pas le cas », ajoute-t-il.

C’est pourquoi, selon lui, l’hydrogène et ses dérivés seront essentiels pour équilibrer les marchés de l’électricité et stocker à long terme l’électricité renouvelable. Les carburants synthétiques, l’ammoniac et la biomasse seront également importants.

Les auteurs identifient deux types de réserves d’hydrogène. L’une est une réserve stratégique de 90 jours pour les situations d’urgence. L’autre est un stockage plus opérationnel à utiliser sur une base saisonnière, car il y aura probablement une demande saisonnière d’hydrogène. Ce type de réserve fonctionnerait un peu comme les réserves stratégiques de gaz dont dispose actuellement l’Europe, qui servent davantage à l’approvisionnement en énergie en hiver.

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