Transitions & Energies

Par pure idéologie, la Commission européenne met des bâtons dans les roues à l’industrie naissante de l’hydrogène


La Commission, au nom de la concurrence, veut contraindre les industriels à ouvrir l’accès à leurs terminaux et capacités de production et transformation de l’hydrogène, ce qui complique considérablement le financement et la rentabilité des investissements.

Il faudra un jour chiffrer les dommages économiques et technologiques souvent irréversibles que les décisions contestables de la technocratie bruxelloise ont infligé à la transition énergétique. La liste est longue. On y trouve la technologie imposée sans alternative et sans considérations pour ses conséquences économiques et sociales des véhicules électriques à batteries. Il y a également la religion des renouvelables intermittents (éolien et solaire) dont les limites techniques, l’intermittence, et leurs conséquences ont été totalement négligées. On peut y ajouter le dogme anti-nucléaire ou le gaz naturel paré de toutes les vertus… avant l’invasion de l’Ukraine. Pour finir évidemment par le fonctionnement aberrant du marché européen de l’électricité en passe enfin d’être réformé grâce à un accord franco-allemand, pas à la Commission. Mais cette fois, c’est l’industrie naissante de l’hydrogène qui se trouve en danger avant même d’avoir vraiment eu la possibilité d’atteindre une taille critique. Or l’hydrogène vert est indispensable pour décarboner l’industrie lourde (sidérurgie, chimie, cimenteries…) et pour produire des carburants synthétiques verts.

Transformer l’hydrogène en ammoniac est une nécessité pour faciliter son transport maritime

Ce nouvel exemple des errements européens est donné par les difficultés du groupe allemand Mabanaft via sa filiale Oiltanking Deutschland et l’entreprise américaine Air Products & Chemicals. Ils entendent construire une installation de conversion de l’ammoniac en hydrogène dans le port de Hambourg d’ici 2026. Mais le projet est bloqué en raison des exigences réglementaires de la Commission européenne…

La conversion de l’hydrogène en ammoniac et ensuite éventuellement à nouveau en hydrogène est essentielle pour permettre le transport sur longue distance de l’hydrogène vert ou décarboné produit avec de l’électricité bas carbone. Transporter directement l’hydrogène en le liquéfiant consomme énormément d’énergie puisque le gaz doit être amené à -253 °C. En revanche, l’ammoniac peut être stocké et transporté sous forme liquide presque à température ambiante en étant refroidi à seulement -10 °C. Et transformer l’hydrogène en ammoniac est relativement facile en combinant à hautes températures et hautes pressions l’hydrogène avec de l’azote capturé dans l’atmosphère. L’ammoniac (NH3) est constitué par trois atomes d’hydrogène et un atome d’azote. Le procédé est appelé Haber-Bosch du nom des deux prix Nobel de chimie qui l’ont inventé et adapté à la production industrielle au début du xxe siècle.

La Commission veut ouvrir l’accès aux terminaux et aux capacités aux tiers au nom de la concurrence

Et puis les infrastructures pour transporter et stocker l’ammoniac existent en nombre. Plus de 120 ports dans le monde sont équipés avec des terminaux dédiés à l’ammoniac au nombre de 300 dont 30 en Europe.

Dans sa proposition de directive sur le gaz renouvelable et l’hydrogène, la Commission stipule que l’accès des tiers aux terminaux doit être « garanti », ce qui signifie que les investisseurs devraient mettre à disposition sur le marché les capacités inutilisées. Pour Mabanaft, cela rend presque impossible d’obtenir un financement bancaire pour son projet de craqueur d’ammoniac. Pour le rentabiliser et convaincre les financiers, il doit conclure des contrats à long terme d’environ 20 ans pour toutes les capacités disponibles et ne peut pas en donner un accès ouvert au marché…

Et Mabanaft n’est pas un cas isolé. « Les investisseurs souhaitent que les investissements élevés dans les craqueurs soient amortis le plus rapidement possible, ils veulent commercialiser toutes les capacités dès le départ… », a expliqué à l’agence Bloomberg un consortium industriel regroupant EnBW, de VNG et JERA. Ces trois groupes se sont associés pour étudier la construction d’une usine d’ammoniac à Rostock, dans l’est de l’Allemagne.

La rédaction