Transitions & Energies

Capter de l’énergie solaire dans l’espace et l’envoyer sur terre n’est plus seulement une utopie


Après la fusion nucléaire, le solaire spatial fait à son tour une avancée spectaculaire. La prestigieuse université Caltech (California Institute of Technology) a mis en orbite, via une fusée Space X, les trois éléments clés de ce qui pourrait être une centrale solaire en orbite pour les tester. Un prototype baptisé Space Solar Demonstrator a été lancé le 3 janvier depuis Cap Canaveral. Dans l’espace, il est possible de s’affranchir de l’alternance entre le jour et la nuit et des interférences de l’atmosphère et des nuages. De plus, rien n’empêche d’augmenter la surface des panneaux.

Cela fait des années que chercheurs américains, japonais, russes et chinois rêvent et travaillent à la possibilité de fabriquer dans l’espace des centrales solaires captant en permanence et en grande quantité l’énergie de notre étoile. Elles ne seraient plus à la merci du niveau d’ensoleillement et n’arrêteraient pas de produire la nuit. Placer des panneaux photovoltaïques dans l’espace permettrait en théorie de fabriquer ainsi beaucoup d’électricité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Le grand auteur de science-fiction, Isaac Asimov, dans une nouvelle baptisée Reason (Raison) publiée en 1941, imaginait des centrales solaires géantes dans l’espace gérées par des robots et alimentant les villes terrestres.

En théorie, des centrales solaires en orbite pourraient permettre de donner accès à une énergie considérable permettant de couvrir tous les besoins terrestres. Dans l’espace, il est possible de s’affranchir de l’alternance entre le jour et la nuit et des interférences de l’atmosphère et des nuages. De plus, rien n’empêche d’augmenter la surface des panneaux. Et l’absence de gravité est un atout pour créer de très grandes structures. Mais un tel projet se heurte à d’immenses difficultés techniques (et économiques) entre la construction en orbite d’une centrale constituée d’une constellation de panneaux reliés entre eux et la transmission en continu sans fil, via des ondes radio, de l’énergie à la surface de la terre.

Les ambitions de Caltech

Cela n’empêche pas les chercheurs et les universités de persévérer à l’image de ce qui se fait avec la fusion nucléaire. Une première expérience en grandeur réelle a ainsi été menée aux Etats-Unis en 2020. L’U.S. Naval Research Laboratory avait alors testé un panneau solaire dans l’espace permettant de transmettre de l’énergie sur terre. Ce panneau, nommé Photovoltaic Radiofrequency Antenna Module, avait été lancé en mai 2020 à bord du drone d’essai orbital X-37B de l’armée de l’air américaine. Le module de 30 x 30 cm convertissait la lumière solaire en micro-ondes pour la rediriger vers la Terre où elle était captée par des antennes qui les convertissent en électricité.

Mais une expérimentation bien plus importante est aujourd’hui menée par la prestigieuse université Caltech (California Institute of Technology). Elle a lancé au début de la semaine dans l’espace via une fusée Space X Falcon 9 trois éléments clés de ce que pourrait être la production d’énergie solaire dans l’espace pour les tester. Le prototype Space Solar Demonstrator (SSPD), qui pèse une cinquantaine de kilos, a été placé en orbite le 3 janvier depuis Cap Canaveral par un vaisseau spatial Momentus Vigoride.

Trois modules à tester

Il embarquait trois modules qui vont servir à évaluer différentes solutions techniques. Le premier module baptisé DOLCE pour «Deployable on-Orbit ultraLight Composite Experiment» (Expérience composite ultralégère déployable en orbite) est une structure d’un mètre carré visant à tester les mécanismes de déploiement des panneaux solaires spatiaux. Elle sera testée la première quand les scientifiques auront accès au SSPD selon Sergio Pellegrino, l’un des codirecteurs du projet qui est professeur d’aéronautique et d’ingénierie civile à Caltech et chercheur au laboratoire de propulsion de la NASA. «Nous saurons tout de suite si DOLCE fonctionne. Compte tenu de la nature relativement simple du test et d’une caméra en direct qui confirmera immédiatement les résultats», a-t-il déclaré. Le démonstrateur a par ailleurs déjà été testé sur terre.

Un autre instrument, ALBA , analysera 22 types de cellules photovoltaïques pour voir comment elles supportent l’environnement extrême de l’espace. Et enfin MAPLE pour «Microwave Array for Power-transfer Low-orbit Experiment» (Réseau à micro-ondes pour l’expérience de transfert de puissance en orbite basse) testera les mécanismes de transfert d’énergie via un réseau d’émetteurs micro-ondes. Les expériences ALBA et MAPLE seront plus longues à réaliser que DOLCE et pourraient prendre jusqu’à six mois. Les scientifiques veulent voir comment elles fonctionnent dans le temps et dans différents environnements. «Quoi qu’il arrive, ce prototype constitue une avancée majeure», a affirmé Ali Hajimiri, ingénieur au Caltech et l’un des codirecteurs de ce projet.

D’immenses obstacles techniques et économiques

Le projet d’énergie solaire spatiale de Caltech a vu le jour en 2013 à l’initiative du philanthrope Donald Bren, président d’Irvine Company et membre du conseil d’administration de Caltech. Donald Bren et sa femme, Brigitte, administratrice de Caltech, avaient fait don alors de plus de 100 millions de dollars pour mener ce projet.

La Chine travaille aussi à un projet avancé de construction d’une centrale solaire en orbite à 36.000 kilomètres de la Terre.

Mais avant de construire ces centrales, les obstacles techniques et économiques à franchir sont considérables. L’une des difficultés tient à l’augmentation de la température à la surface du module qui comme pour tous les panneaux solaires diminue sérieusement les performances. Un panneau photovoltaïque dont la température de surface dépasse 25 degrés Celsius perd 0,45% de rendement par degré supplémentaire. Sur terre, sous des températures ambiantes de 35 degrés, les cellules peuvent atteindre 80 degrés en surface. Une autre difficulté concerne la transmission des micro-ondes vers la Terre. Les micro-ondes sont diffractées par l’atmosphère, ce qui signifie que plus la longueur d’onde est grande, plus les antennes émettrices et réceptrices doivent être grandes. Il y a enfin, la question majeure de la viabilité économique de la construction de centrales solaires dans l’espace. Le coût de l’acheminement et du déploiement des panneaux serait faramineux tout comme celui de leur entretien.

La rédaction