Transitions & Energies
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Quand Barbara Pompili demande aux distributeurs de réduire leurs marges sur les carburants, elle se moque du monde


La ministre de la transition écologique a appelé les distributeurs de carburants à réduire leurs marges pour contenir la hausse des prix. De la pure démagogie qui permet de désigner un bouc émissaire à l’envolée des prix à la pompe. Dans les faits, l’Etat prélève entre 80 et 90 centimes de taxes par litre vendu et la marge des distributeurs ne dépasse pas un centime…

Barbara Pompili, la ministre de la transition écologique, n’est pas avare de démagogie et de gros mensonges. Il suffit de se souvenir qu’en juin dernier, dans un document en faveur des éoliennes, son ministère accumulait les contrevérités, les arguments douteux et les contradictions. Il allait jusqu’à nier tout simplement l’intermittence de leur production… On peut aussi évoquer ses coups de menton en faveur des projets éoliens marins de Saint-Brieuc et Dunkerque mis à mal l’un comme l’autre par de sérieux problèmes techniques comme juridiques.

De moins en moins de stations-services

Mais Barbara Pompili vient d’atteindre un nouveau sommet. Elle a sommé les distributeurs de produits pétroliers de réduire leurs marges, pour limiter la hausse de prix sur les carburants. Elle doit les convoquer dans les prochains jours. Le problème est que l’Etat a fait depuis des décennies des carburants en particulier et de l’automobiliste en général une vache à lait fiscale et que les marges des distributeurs de carburants sont très faibles. Cela explique pourquoi le nombre de stations service ne cesse de baisser dans le pays (de 41.500 en 1980 à 11.000 en 2018) tant cette activité est peu rentable.

Ainsi, quand le litre de gazole est facturé 1,58 euros, un niveau record, ce prix intègre davantage de taxes que de coûts de production, de raffinage et de distribution. Les taxes représentent tout simplement l’essentiel du prix de vente. Selon les propres chiffres du ministère de la Transition écologique, le coût de la distribution pèse 7,7% du total et les taxes représentent plus de 50% du prix de vente auxquelles il faut ajouter… la TVA… Car la TVA porte aussi sur les taxes! Ainsi, 30% du prix du carburant sans plomb 95-E10 ou du diesel correspondent au prix de la matière première, le pétrole, et à son raffinage, et la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en représentent plus de 61% pour un litre de sans plomb 95 et plus de 58% pour un litre de gazole.

L’automobile, vache à lait fiscale d’un Etat mal géré

De façon générale, l’automobile est depuis des décennies la vache à lait fiscale très commode d’un Etat très mal géré qui non seulement bat des records de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques, mais aussi de déficit continu de son budget depuis près de 50 ans…

La TICPE est la quatrième source de recette fiscale de l’Etat derrière la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. Selon des calculs effectués sur l’année 2019 par l’Association des constructeurs européens d’automobiles, la France avait battu tous les records en récoltant 83,9 milliards d’euros sur le dos des automobilistes, pas moins de 36% de ses recettes fiscales nettes! Elle était le numéro un en Europe pour les recettes provenant des taxes sur les carburants avec un total de 42,8 milliards d’euros.

La marge des distributeurs est de l’ordre d’un centime par litre

Francis Pousse, le représentant des propriétaires indépendants de stations-service, détaillait le 13 octobre sur Europe 1 la répartition du prix d’un litre de carburant: «Vous avez sur le gasoil 66 centimes de TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), que l’on rajoute à la TVA. On peut estimer qu’aujourd’hui, un litre de gasoil rapporte entre 80 et 90 centimes à l’État

Le transport, le stockage et la mise à disposition de stations-services représentent environ 7% du prix du sans plomb 95 et 7,5% du prix du gazole. Et la marge nette des distributeurs, avant impôt, n’est qu’une fraction de ces 7%. Elle est de l’ordre d’un centime d’euro par litre de sans plomb ou de gazole vendu, soit moins de un pourcent du prix à la pompe. C’est donc sur ce 1 centime que l’Etat, qui collecte 90 fois plus, appelle les industriels à faire des efforts…

Le gouvernement coincé par le «pacte vert européen»

En fait, si le gouvernement veut éviter un risque d’emballement de type gilets jaunes, il ferait mieux de chercher une autre solution que de désigner un bouc émissaire. D’ores et déjà, plusieurs candidats à la Présidentielle proposent de réduire les taxes sur les carburants. Marine Le Pen suggère d’abaisser la TVA sur l’essence, le gaz et l’électricité à 5,5% au lieu de 20%, pour apporter aux ménages français un «choc de pouvoir d’achat». A gauche, Jean-Luc Mélenchon a proposé un blocage des prix de l’énergie, Anne Hidalgo une baisse de la taxe sur les carburants et Arnaud Montebourg lui aussi une baisse de la TVA à 5,5% sur l’énergie.

En face, le gouvernement est coincé. Comme l’explique son porte-parole, Gabriel Attal, il étudie des «mesures de protection» mais ne peut pas toucher aux taxes. Non seulement, elles sont essentielles pour un budget dont le déficit est déjà abyssal, mais elles sont intouchables du fait des engagements européens. Le «pacte vert», présenté en juillet par la Commission européenne, prévoit d’augmenter les taxes sur les énergies fossiles, et donc le pétrole, pour décourager leur utilisation et atteindre l’objectif… irréaliste de 55% de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990.

La rédaction