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L’Airbus des batteries est-il lancé trop tard?


L’Airbus des batteries, lancé jeudi 30 janvier en Charente avec la pose de la première pierre de la future usine pilote de Saft, est une nécessité pour l’indépendance et la survie de l’industrie automobile européenne. A condition que ce ne soit pas trop peu et trop tard.

L’Airbus des batteries a vu officiellement le jour jeudi 30 janvier en Charente, à Nersac près d’Angoulême. Emmanuel Macron a posé la première pierre de la future usine pilote de Saft. Son démarrage est prévu à la mi-2021. Elle s’étendra sur 24.000 mètres carrés et représente un investissement de 200 millions d’euros. Cette usine sera dédiée à «la mise au point, à la qualification et à l’industrialisation de nouvelles technologies de batteries lithium-ion de haute performance», a déclaré Total dont Saft est une filiale.

Ensuite seulement, Total et le constructeur automobile PSA, partenaire du projet, construiront deux grandes usines afin de produire jusqu’à un million de batteries par an à l’horizon 2030, «soit environ 10 à 15% du marché européen». La première usine sera implantée dans la région des Hauts-de-France en 2023 et la seconde en Allemagne. Ce programme nécessitera près de 5 milliards d’euros d’investissements, dont 1,3 milliard seront apportés par les gouvernements français, allemands, et d’autres pays de l’Union Européenne. «Nous avons le double objectif de produire des batteries disposant d’une autonomie supérieure de 20% aux batteries actuelles et d’un temps de recharge divisé par deux», a expliqué Patrick Pouyanné, le président de Total.

Eviter la dépendance et l’effondrement industriel

Mais cela semble à la fois tardif et relativement modeste dans ses ambitions compte tenu des enjeux. Tout simplement, la survie de l’industrie automobile européenne. Le projet d’Airbus de la batterie est annoncé depuis plus de deux ans. Il est soutenu par la Commission européenne qui devrait mobiliser au total près de 3,2 milliards d’euros de financements publics avec pour objectif affirmé de réduire la dépendance de l’industrie automobile européenne envers les batteries fabriquées aujourd’hui exclusivement en Asie.

«Les batteries, c’est 30 à 40% de la valeur de la voiture de demain. Faire émerger une offre industrielle française et européenne dans le domaine des batteries est un enjeu clé de souveraineté européenne afin de ne pas dépendre à terme d’approvisionnements étrangers en particulier asiatiques. La Chine, la Corée et, dans une moindre mesure le Japon, pourraient augmenter leurs prix et ont déjà commencé à le faire», a souligné Emmanuel Macron.

L’Union Européenne (UE) tente ainsi de ne pas être à l’origine de l’effondrement d’une des industries les plus importantes du Vieux continent. Car l’UE contraint aujourd’hui les constructeurs automobiles européens à produire en masse, et tenter de vendre, des véhicules électriques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, faute de quoi ils paieront de lourdes amendes. Mais cela crée de fait une menace considérable sur l’avenir de l’industrie automobile européenne en la rendant dépendante de ses fournisseurs asiatiques de batteries.

Affronter la concurrence et l’avance asiatique

Les normes européennes restreignant massivement les émissions de CO2 des véhicules neufs sont entrées en vigueur en 2020 et seront encore renforcées au cours de la prochaine décennie. Les constructeurs automobiles européens devront, dès 2020 et surtout 2021, émettre en moyenne 91 grammes de CO2 au kilomètre pour toute leur gamme. Avec de fortes amendes en cas de dépassement qui pourraient atteindre des milliards d’euros pour certains constructeurs. Et Bruxelles a décidé d’une nouvelle baisse de 37% des émissions de gaz à effet de serre en Europe de 2021 à 2030. Ces règles représentent un tel bond en terme d’efficacité énergétique qu’elles ne peuvent être remplies que par une adoption en masse des véhicules électriques à batterie.

L’Airbus des batteries est donc une nécessité. Reste à savoir si ce projet n’arrive pas trop tard et sera en mesure d’affronter la concurrence et l’avance asiatique en terme de technologie et de coûts… Et si les moyens financiers et humains mobilisés sont à la hauteur des enjeux. Selon le cabinet BCG, le marché mondial des batteries pour les véhicules électriques pourrait atteindre 45 milliards d’euros en 2027.

La rédaction