<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le premier réacteur nucléaire mondial au thorium et à sels fondus a franchi une étape cruciale

26 novembre 2025

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Le premier réacteur nucléaire mondial au thorium et à sels fondus a franchi une étape cruciale

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En théorie, un réacteur nucléaire au thorium refroidi au sel fondu offre de très nombreux avantages. Celui de la puissance et de l’abondance de l’électricité nucléaire sans avoir de dimension militaire, en garantissant une plus grande sécurité, sans consommer d’eau pour le refroidir et sans avoir à gérer ensuite de grandes quantités de déchets radioactifs. En outre, le thorium est un minerai abondant. Le problème technique essentiel tient à la difficulté de maintenir la réaction en chaîne. Il faut parvenir à transformer dans le réacteur une petite partie du thorium en uranium. Ce que la Chine est apparemment parvenue à faire de façon permanente dans son réacteur expérimental entré en service en 2023. Une avancée majeure pour cette technologie maintenant prometteuse.

S’il y avait encore le moindre doute sur les ambitions de la Chine en matière de nucléaire civil, industrielles comme technologiques, cela suffirait à les lever. Le réacteur expérimental chinois à sels fondus au thorium mis en service en 2023 aurait réussi à convertir de manière durable du thorium en uranium 233 pour alimenter la réaction en chaîne, une première scientifique majeure.

Cette avancée pourrait réduire à terme la dépendance de la Chine à l’uranium enrichi russe et accélérer son ascension pour devenir la puissance nucléaire civile dominante dans le monde. Et grâce à l’abondance du thorium sur son territoire, cette technologie pourrait transformer la sécurité énergétique à long terme de la Chine. Selon le South China Morning Post, un seul site minier en Mongolie intérieure « contiendrait suffisamment de cet élément pour alimenter la Chine entière pendant plus de 1 000 ans ».

Maintenir la réaction en chaîne

Pourquoi est-ce une avancée aussi importante ? Dans un réacteur au thorium, le principal problème technique consiste à parvenir à maintenir la réaction en chaîne. Cela est compliqué parce que le thorium contient beaucoup moins de matériau fissile que l’uranium ou le plutonium. Le thorium est un élément naturel légèrement radioactif. Pour les scientifiques, il est « fertile » et pas fissile. Contrairement à l’uranium qui possède deux isotopes, U238 et U235, dont l’un est fissile (U235), le thorium naturel ne possède qu’un seul isotope, le Th232, qui n’est pas fissile. Cela signifie qu’il est impossible de faire fonctionner un réacteur nucléaire (c’est-à-dire d’entretenir une réaction en chaine) avec uniquement du thorium. Il faut nécessairement lui adjoindre un élément fissile : uranium enrichi, plutonium, voire de l’U233, qui est un isotope fissile de l’uranium, issu du thorium lui-même.

Lorsque le thorium absorbe un neutron, il donne naissance à de l’U233, un isotope relativement stable (sa période radioactive est de 160.000 ans) qui n’existe pas à l’état naturel mais qui est fissile au même titre que l’U235. Il est même plus intéressant que celui-ci car lorsqu’il fissionne il émet en moyenne un peu plus de neutrons que l’U235 : 2,49 contre 2,42 pour U235. La surgénération devient ainsi possible. Et ce que les Chinois ont réussi à faire avec leur réacteur expérimental est de fabriquer de l’U233 de façon continue. Ce qui signifie qu’un réacteur au thorium est une solution technique ayant de l’avenir…

Avantages en termes de sécurité, de refroidissement, d’abondance du minerai

La construction du réacteur expérimental baptisé TMSR-LF1 de 2 mégawatts a été lancée en 2018 dans le désert proche de la ville de Wuwei dans la province du Gansu au nord-ouest du pays. Et sa mise en service s’est faite en 2023.

Ce réacteur a pu être facilement installé dans une zones désertique car il n’a pas besoin de grandes quantités d’eau. Il est refroidi par du sel fondu. Le thorium est utilisé sous une forme liquide dissous dans du sel fondu entre 600 et 900°C. Le sel joue à la fois le rôle de caloporteur et de barrière de confinement. Le sel liquide diffuse la chaleur, refroidit le processus de réaction et permet de se passer d’un système de refroidissement avec de l’eau à haute pression. En cas d’accident, si le combustible est exposé à l’air, il se refroidit rapidement et devient solide.

Le réacteur nucléaire au thorium à sels fondus offre ainsi théoriquement de très nombreux avantages. Celui de la puissance et de l’abondance de l’électricité nucléaire sans avoir de dimension militaire, en offrant une plus grande sécurité, sans consommer d’eau pour le refroidir et sans avoir à gérer ensuite de grandes quantités de déchets radioactifs provenant de la fission des atomes d’uranium ou de plutonium. Non seulement, le thorium est abondant, mais pour être utilisé dans un réacteur, il n’a pas besoin d’un long processus d’enrichissement. Cette technologie a commencé à être étudiée à la fin des années 1940. Elle a été délaissée faute de financements même si plusieurs expérimentations ont été menées dans les années 1960 et 1970 et même au cours des dernières années, aux Etats-Unis, en Russie, en Asie et en Europe. Aux Pays-Bas, un projet d’évaluation a même été lancé en 2017. Mais c’est la Chine qui est de loin… la plus avancée. Elle construit aujourd’hui un autre réacteur au thorium et à sels fondus d’une puissance de 100 MW cette fois dans le désert de Gobi. Il devrait être opérationnel en 2035.

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