Dans un petit rapport, publié le 15 septembre et réalisé à la suite d’une demande formulée sur sa plateforme citoyenne, la Cour des comptes étrille la gratuité des transports publics, une mesure qui est jugée non seulement coûteuse mais surtout inefficace pour inciter les automobilistes à changer de mode de transport.
En fait, plusieurs études réalisées au cours des dernières années soulignent que la gratuité des transports publics ne règle aucun problème, ni social, ni celui de la pression automobile, ni celui des émissions de gaz à effet de serre.
« Si la gratuité peut, dans le cas de petits réseaux, constituer une solution parmi d’autres aux problèmes de fréquentation, c’est-à-dire de sous-utilisation des transports collectifs, elle entraîne, pour les réseaux importants et étendus, des effets négatifs sur le plan financier, tout en ne s’accompagnant que d’un report modal des automobilistes très limité », résument les magistrats de la Cour des comptes.
Au détriment de la marche et du vélo
Dans ce rapport sur la contribution des usagers au financement des transports collectifs urbains, l’institution indépendante montre que la gratuité instaurée sur les réseaux importants « est très coûteuse, car elle s’accompagne de pertes de recettes tarifaires importantes et de coûts supplémentaires liés au nécessaire renforcement du réseau existant, davantage sollicité ».
Et si la gratuité augmente bien la fréquentation des transports en commun « principalement dans les centres urbains pour des déplacements de courtes distances, soit davantage au détriment de la marche et de l’usage du vélo que de la voiture ». Par ailleurs, les magistrats alertent sur « les tensions financières » qui « menacent les projets d’investissement nécessaires pour le verdissement des bus et le développement du réseau ».
Une activité déjà très fortement subventionnée par les collectivités locales
Cela est d’autant plus problématique, qu’il s’agit déjà d’une activité financée en très grande partie par les collectivités locales. La Cour écrit qu’« en 2019, les recettes tarifaires ne couvraient en moyenne que 41% des seules dépenses de fonctionnement des réseaux de transport. Ce ratio décroît avec la taille du réseau : il atteint 45% en Île-de-France (IDF), mais tombe à 33% hors IDF et à 18% pour les autorités organisatrices des mobilités de moins de 100.000 habitants ».
« A Montpellier, par exemple, la gratuité a surtout permis d’attirer des personnes qui se déplaçaient à pied ou à vélo, entraînant un bilan santé-environnement incertain : la hausse de fréquentation a par ailleurs conduit à saturer davantage un réseau déjà très fréquenté », cite le rapport.
Publier des évaluations après des changements tarifaires significatifs
En France, une quarantaine de collectivités ont déjà instauré la gratuité des transports en commun pour tous les usagers, parmi lesquelles Dunkerque, Aubagne, Compiègne, ainsi donc que la métropole de Montpellier et ses 31 communes. Seul sur les petits réseaux, où les bus « circulent souvent presque à vide », la gratuité permet d’augmenter la fréquentation pour un coût relativement limité.
Evidemment, le maire PS de Montpellier, Michaël Delafosse, a dénoncé « un rapport à charge ». Il affirme que la gratuité des transports est une « mesure de pouvoir d’achat… pour le climat ». Selon lui, la qualité de l’air s’améliore et la fréquentation des transports en commun a bondi de « 27% en un an après l’entrée en vigueur de la gratuité ».
Au lieu de rendre les transports collectifs gratuits, la Cour des comptes recommande notamment de cibler davantage les réductions tarifaires selon les critères de ressources, de renforcer la lutte contre la fraude, ou encore d’encourager les collectivités à publier des évaluations en cas de changement tarifaire significatif. Mais faire évaluer de façon indépendante ce type d’investissement nécessiterait un changement total de culture des collectivités locales… On peut toujours rêver.