Les Zones à faibles émissions ou ZFE sont avec la rénovation énergétique des logements et les éoliennes le principal sujet de crispation et d’opposition à la stratégie de transition énergétique menée de façon souvent incohérente et surtout inefficace par les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron. Illustration de la perte de pouvoir du Président depuis la dissolution de l’Assemblée nationale il y a un an, l’Assemblée vient tout simplement d’abroger les ZFE. Elles sont devenues le symbole de l’affrontement entre « fin du mois et fin du monde » à l’origine du mouvement des Gilets jaunes.
Adoptées par le Parlement et imposées par le gouvernement d’Edouard Philippe en 2019, les ZFE visaient à restreindre progressivement la circulation des véhicules les plus anciens considérés comme les plus polluants dans toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Elles étaient alors l’illustration de la vague écologiste de la Macronie. Mais la ségrégation sociale de fait et la restriction de la liberté de déplacement qui consiste à rejeter la France périphérique la plus modeste des villes et ses conséquences politiques ont fini par avoir leur peau dans l’opinion et donc aussi à l’Assemblée.
Un impact limité sur la pollution atmosphérique
Les députés ont trouvé le moyen de les supprimer en intégrant un amendement dans le projet de loi dit de « simplification » de la vie économique, un texte « fourre-tout » adopté mardi 17 juin par une majorité hétéroclite (mêlant des votes du RN, des Républicains, de partis centristes et même quelques élus macronistes) de 275 voix contre 252. Au dernier moment et pour sauver les ZFE, la grande majorité des élus macronistes a même tenté de saborder la loi en votant contre avec la gauche. En vain.
Il faut dire que les ZFE ont en fait un impact limité sur la pollution atmosphérique, en dépit des statistiques contestables répétées à l’envi par leurs partisans. Une expérience réelle, et non pas des modèles théoriques, en a fourni la démonstration. En 2020, lors de l’épisode aigu de la pandémie de Covid-19, la région Ile-de-France a connu trois épisodes d’alertes à la pollution aux particules fines. Deux d’entre elles se sont produites pendant des périodes de confinement… marquées par une forte baisse de la circulation automobile. Cela ne signifie pas que les automobiles n’émettent pas des particules nocives, mais qu’elles sont un facteur de cette pollution atmosphérique parmi d’autres. Les ZFE provoquent un autre et très sérieux problème qui les a fait surnommer « Zones à forte exclusion ». Elles reviennent de fait à creuser encore un peu plus le fossé social et culturel entre la France périphérique et celle des métropoles.
Des cris de victoire très prématurés
Cela dit, elles sont encore loin d’avoir disparu et crier victoire de façon prématurée par leurs adversaires est trompeur. La loi de « simplification » telle qu’elle a été adoptée a encore plusieurs obstacles à franchir avant de s’imposer à tous. Les partisans des ZFE ne baissent pas les bras. A commencer, par exemple, par David Belliard, l’adjoint écologiste à la maire de Paris Anne Hidalgo, qui a été jusqu’à affirmer que supprimer les ZFE revient à « faire mourir les plus pauvres, pas les protéger ». Il faut oser…
Plus sérieusement, le texte en question devra d’abord être à nouveau discuté et négocié entre députés et sénateurs à la rentrée prochaine à l’occasion d’une commission mixte paritaire afin de se mettre d’accord sur une mouture commune. Si à l’issue des débats, aucun texte commun n’est adopté à la majorité des voix des 14 députés et sénateurs de la commission, le dernier mot reviendra à l’Assemblée nationale. Mais si un compromis est trouvé entre députés et sénateurs, il faudra à nouveau voter le texte et à ce moment-là certaines voix macronistes viendront peut-être à manquer.
Enfin, si un texte définitif voit le jour, il lui restera encore un obstacle de taille à franchir, le Conseil constitutionnel. Il pourrait fort bien considérer que la question des ZFE n’a rien à faire dans une loi sur la « simplification » de la vie économique.