Il y a une raison majeure, une seule, pour laquelle la transition à marches forcées vers les véhicules électriques est en train de devenir en Europe une catastrophe industrielle, économique et sociale, les automobilistes n’en veulent pas. La plupart des politiques, des technocrates, des militants écologistes et même des dirigeants de groupes automobiles n’ont pendant longtemps pas voulu le voir et l’ont tout simplement nié. Les consommateurs allaient finir par se plier aux injonctions sous la pression d’une vague ininterrompue de propagande et de publicité et plus encore sous celle des aides, des contraintes et des sanctions financières.
Il n’en est rien. La grande majorité des automobilistes ne veut pas d’un véhicule plus cher, offrant des prestations inférieures et des contraintes de recharge et d’autonomie et dont l’empreinte carbone apporte des gains relativement limités sur la motorisation thermique… à condition que l’électricité permettant la recharge des batteries soit décarbonée, ce qui est loin d’être toujours le cas. Et quand en plus les aides, pour des raisons budgétaires, ne sont plus au rendez-vous les ventes de véhicules électriques baissent fortement, comme l’an dernier et de façon spectaculaire en Allemagne (-27,4%).
« Nous avons des voitures et pas de clients… »
« Quand nos dirigeants européens ont décidé en 2022 la fin de la vente des voitures thermiques neuves en 2035, ils ont oublié l’adage selon lequel le consommateur final a toujours raison », résume Luc Chatel, président de la Plateforme automobile, qui représente la filière économique. « Ce que nous avions craint, à savoir que les constructeurs fassent les transformations, investissent et que nous ayons des voitures mais pas de clients, s’est réalisé… ».
La voiture électrique reste profondément impopulaire. Pour preuve, la publication au cours des derniers jours de deux sondages, l’un réalisé par l’Ifop pour Roole, le premier club automobile de France, et l’autre par le CSA pour la Plateforme automobile qui représente l’ensemble de la filière économique.
Près de 80% des Français ne veulent pas acheter une voiture électrique
D’après l’étude de l’IFOP, le nombre de Français n’ayant pas l’intention d’acheter un véhicule électrique flirte maintenant avec les 80%, 78% exactement. Ils sont 5% de plus qu’en 2023 et 10% de plus qu’en 2022. Ils sont aussi 70% à considérer que la décision imposée par les institutions européennes d’interdire de fait d’ici 2035 la vente de véhicules neufs à moteur thermique est une erreur.
Près de 22% des Français envisagent d’acheter une voiture électrique dans les prochaines années… contre 33% en 2021. « On pourrait se dire que les Français hésitent face à ce qu’ils ne connaissent pas, mais à tort ou à raison, ils pensent avoir une vision assez claire de l’offre et du produit », explique Jérôme Fourquet de l’Ifop. Et 27% des personnes interrogées ne sont même pas convaincues du gain en matière d’empreinte carbone qu’apporte un véhicule électrique par rapport à un véhicule à moteur à combustion interne.
« Electro-allergiques », « électro-sceptiques » et « électro-prudents »
Pour une très large majorité des personnes interrogées, le passage à l’électrique crée des contraintes d’usage nouvelles (autonomie, recharge) qui sont une source de stress. Et 86% des sondés jugent la durée de vie des batteries trop limitée.
Mais, c’est sans surprise que le principal frein à l’achat est le prix jugé trop élevé pour 47% des personnes interrogées. L’appauvrissement de fait d’une grande partie de la population s’est traduite notamment par une réduction du budget automobile. Et comme les voitures électriques sont plus coûteuses et que le marché de l’occasion pour ses véhicules fonctionne mal, 79% des sondés estiment qu’ils sont réservés à une clientèle aisée et encore pour les trajets courts du quotidien.
Dans le sondage réalisé par le CSA, les résultats sont très proches de ceux de l’IFOP. Ainsi, seuls 27% des Français soutiennent la décision de l’Union Européenne d’interdire de fait la vente des véhicules neufs à moteur thermique d’ici 2035, un niveau presque équivalent à celui de l’étude de l’IFOP. En tout, 73% des sondés par le CSA se retrouvent dans les catégories hostiles et réticentes à la voiture électrique qualifiées « d’électro-allergiques » (11%) « d’électro-sceptiques » (37%) et « d’électro-prudents » (25%). Au total, cela représente 73% de la population, une évaluation à nouveau très proche des 78% du sondage de l’IFOP qui n’ont pas l’intention d’acheter un véhicule électrique.
Pour les seuls « électro-allergiques » et « électro-sceptiques », qui représentent pas moins de 48% de la population, le passage forcé à l’électrique est même perçu comme une véritable atteinte à leur liberté de circuler. L’instauration des ZFE (Zones à faibles émissions), prévue par la loi dans toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants, n’y est évidemment pas pour rien..