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Denver Aéroport Wikimedia Commons

Il faudra beaucoup de temps au transport aérien pour se remettre de la pandémie


Pour le transport aérien, rien ne sera plus comme avant après le coronavirus. La suppression en quelques jours de la quasi-totalité des vols et les grandes incertitudes sur la reprise de l’activité vont provoquer une multitude de faillites, de concentrations et de sauvetages publics. Et les comportements des voyageurs devraient aussi bien changer.

Ce que la honte de voler venue de Suède, le fameux «flygskam» popularisé notamment par Greta Thunberg, n’a pas réussi à faire au transport aérien, le coronavirus l’a fait. Plus rien ne sera comme avant, au moins avant de longues années, dans l’aviation commerciale. Le transport aérien a pourtant subi dans son histoire récente de nombreux chocs. Le 11 septembre 2001, l’épidémie de SARS, l’éruption en 2010 du volcan Eyjafjallajökull en Islande. Mais ils n’avaient rien à voir avec la pandémie du Covid-19 et n’avaient pas conduit à clouer au sol pour des mois la quasi-totalité de l’aviation commerciale mondiale.

Des coûts incompressibles et des faillites

Plus de 40 grandes compagnies aériennes ont totalement immobilisés leurs appareils et la plupart de celles qui restent ont suspendu plus de 90% de leurs vols. Les vols internationaux ont été plus particulièrement touchés avec la fermeture des frontières généralisée et l’interdiction par exemple aux Européens d’entrer aux Etats-Unis. C’est d’autant plus un problème pour les compagnies, qu’elles réalisent l’essentiel de leurs profits sur les vols internationaux et en général perdent de l’argent sur les vols intérieurs.

N’ayant plus la moindre recette, les compagnies ont aujourd’hui mis en congés et au chômage partiel ou temporaire une bonne partie de leurs salariés pour réduire leurs coûts au maximum, mais il y en a d’incompressibles. Elles ne peuvent pas, par exemple, renoncer à la maintenance des appareils et des systèmes informatiques. En revanche, elles peuvent annuler ou reporter de nombreuses commandes de nouveaux appareils et Boeing comme Airbus tentent de s’y préparer.

D’ores et déjà, on peut considérer qu’une bonne partie du chiffre d’affaires normalement réalisé durant l’été et les périodes de vacances de masse par les compagnies, est perdue. Les plus fragiles vont avoir les plus grandes difficultés à survivre. Elles seront soutenues, une partie d’entres elles en tout cas, par les gouvernements par des prêts, des renflouements, et même via des nationalisations, notamment en Europe. Selon les premières estimations faites le mois dernier par l’IATA (International Air Transport Association), les compagnies perdront 119 milliards de dollars de revenus en 2020 du fait de la pandémie.

Changements de comportements et protectionnisme

La principale crainte aujourd’hui est que la récession et les difficultés économiques soient telles que la demande de transport aérien mettra de nombreuses années avant de retrouver un niveau comparable à ce qu’il était avant la pandémie. D’autant plus, que cette dernière aura un impact sans doute durable sur les voyages et les échanges internationaux, sur les comportements individuels. La relocalisation ne sera pas seulement industrielle. Il faut y ajouter le fait que nous sommes entrés clairement dans une ère protectionniste. La possibilité sera beaucoup moins grande pour les compagnies aériennes d’opérer librement, d’ouvrir de nouvelles destinations ou tout simplement d’en réactiver certaines.

Ainsi, Lufthansa «ne s’attend pas à un retour rapide du secteur du transport aérien au niveau d’avant la crise», déclare dans un communiqué le groupe qui comprend Lufthansa, Austrian Airlines, Swiss, Eurowing et Brussels Airlines. La «levée totale des restrictions de voyage durera des mois» et le retour de la demande à la normale «des années», ajoute-t-il. Comme l’écrit le magazine Forbes, «il y a six mois la compétition entre les compagnies aériennes pour s’attirer les bonnes grâces des voyageurs était féroce. Aujourd’hui, elles se battent pour survivre.»

Nous venons d’assister à la fin d’un âge d’or du transport aérien. Il y a eu en fait deux âges d’or. Le premier remonte aux années 1970-1980 et le second existait depuis les années 2000. Il y a 50 ans, le transport aérien a pris une autre dimension avec des compagnies comme Pan Am et TWA et avec des appareils comme le Boeing 747 et le Concorde.

Réduction de l’offre et augmentation des tarifs

Au cours des 15 dernières années, la «démocratisation» de l’aviation civile a pris une dimension planétaire et les compagnies «low cost» ont ouvert une quantité incroyable de nouvelles destinations et ont permis à des centaines de millions de personnes de pouvoir voler. D’un côté le transport aérien s’est démocratisé et de l’autre, le luxe a fait son retour avec des avons comme le Airbus A380, et des premières classes au luxe inouï avec des cabines fermées, des bars et des douches. Cette période semble révolue. La chaine de fabrication des A380 s’arrêtera, quoi qu’il arrive, l’an prochain et il n’est même pas sûr que les Airbus A380 aujourd’hui en service recommenceront tous à voler… Lufthansa, par exemple, va réduire fortement la taille de sa flotte en se séparant définitivement de 42 appareils et notamment de six A380 d’ici à 2022.

Les passagers ont été habitués à une grande compétition sur les tarifs des vols et à un choix presque infini de destinations et d’horaires. Tout cela devrait disparaitre. Comme l’explique James Asquith dans Forbes, «…nous pouvons nous attendre à voir à la fois une concentration entre compagnies et une réduction de l’offre de vols et des options pour les consommateurs.» Il pronostique aussi une augmentation inévitable des tarifs des billets.

L’année 2020 sera sans doute la pire de l’histoire de l’aviation civile moderne. Elle aura beaucoup de difficultés à se remettre d’un tel choc et d’un tel changement de son environnement. Il lui faudra de nombreuses années. Mais elle renaîtra de ses cendres. Elle l’a toujours fait.

La rédaction