Transitions & Energies

En fait, la transition énergétique n’a pas vraiment commencé


La société norvégienne spécialisée dans la gestion des risques et l’énergie DNV (Det Norske Veritas) a publié une nouvelle version de son étude prospective sur la transition énergétique. Elle fait un constat lucide. Elle montre que si le développement des sources d’énergies bas carbone progresse assez rapidement, il n’est pas suffisant pour empêcher la poursuite dans le monde de l’augmentation de la consommation de carburants fossiles, aussi bien le charbon et le pétrole que le gaz et cela en dépit de l’augmentation de leurs prix. La transition énergétique est une réalité pour une partie seulement minoritaire et favorisée de la population mondiale et cela signifie que les objectifs sans cesse annoncés de réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et 2050 sont impossibles à atteindre.

Le constat est implacable. « La transition existe dans certaines régions et pour de nombreuses communautés et personnes, mais à l’échelle mondiale les émissions records liées aux énergies fossiles sont en passe d’augmenter encore l’année prochaine. Jusqu’à présent, les énergies renouvelables ont répondu à une partie, mais pas à la totalité, de la demande supplémentaire d’énergie dans le monde. D’un point de vue optique, la transition semble être au point mort, les prix élevés du pétrole et du gaz alimentant une vague d’exploration, tandis que de nombreux projets d’énergies renouvelables voient leur coût augmenter en raison des pressions inflationnistes et de celles exercées par la chaîne d’approvisionnement. » Telle est l’introduction de la dernière version de l’étude prospective de la société norvégienne DNV (Det Norske Veritas) spécialisée dans la gestion des risques et l’énergie. Sa devise est: « Préserver la vie, les biens et l’environnement ».

La Norvège illustre d’ailleurs parfaitement le constat de DNV et ses paradoxes. Ces exportations de pétrole et surtout de gaz atteignent des niveaux records tandis que le pays a adopté massivement les véhicules électriques et produit une électricité fortement décarbonée grâce à l’hydraulique et à l’éolien.

La sécurité d’approvisionnement signifie avant tout produire de l’énergie localement

DNV souligne que la crise énergétique qui a pris de l’ampleur l’an dernier après l’invasion de l’Ukraine par la Russie a remis la question de la sécurité de l’approvisionnement et des prix de l’énergie au premier plan des priorités des gouvernements et des populations. Cela se traduit par le fait que « dans le monde entier, l’énergie produite localement est privilégiée par rapport aux importations d’énergie. Et cette tendance favorise les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire dans toutes les régions et le charbon dans certaines régions.
DNV se veut pourtant aussi volontariste et optimiste. « Les tendances à long terme sont claires. Le paysage énergétique sera très différent en l’espace d’une seule génération. Nous prévoyons une multiplication par 13 de la production d’électricité solaire et éolienne d’ici le milieu du siècle et la production d’électricité fera plus que doubler d’ici à 2050…».
Pour autant compte tenu de l’échelle des transformations à mener, de leurs coûts, des contraintes techniques, économiques et sociales, la perspective d’atteindre les objectifs de zéro net émissions d’ici 2050 est jugée « plus difficile que jamais… Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas tendre vers cet objectif ».

Variation nette de l’approvisionnement en énergie primaire par sources. En Exajoules.

Lors des 5 dernières années, les sources d’énergies renouvelables ont permis de répondre à 51% des nouveaux besoins en énergie, mais cela n’a pas empêché la  consommation mondiale de carburants fossiles de continuer à augmenter. Cela signifie pour DNV et si l’on prolonge les courbes que la production mondiale d’énergie pourrait atteindre un pic en 2038 et les énergies fossiles rester dominantes dans le mix énergétique jusqu’à la moitié du XXIe siècle. DNV estime que la consommation d’énergie fossile pourrait baisser de 35,9% entre 2022 (490 EJ (Exajoules), 80% du mix énergétique mondial) et 2050 (314 EJ, 48% du mix).

Tout cela à condition évidemment que l’électrification des usages s’accélère. L’électricité pourrait représenter 35% de la consommation finale d’énergie en 2050 contre 19,5% en 2022. Et l’électricité n’étant pas une source d’énergie mais un vecteur, elle serait produite alors massivement avec des énergies non fossiles, renouvelables (hydraulique, éolien, solaire, biomasse, géothermie…) et nucléaire.

La production mondiale d’électricité pourrait ainsi plus que doubler d’ici à 2050 et la part des énergies renouvelables dans le mix électrique mondial pourrait passer de 31% en 2022 à 82% en 2050, dont 69% pour les seules filières solaires et éoliennes… (à condition de pouvoir développer technologiquement et économiquement le stockage de l’électricité).

Production d’électricité dans le monde connectée au réseau par modes de production. En PWh (pétawatt-heure), qui correspond à 1.000 TWh ou 3,6 EJ (exajoules).

Mais cela ne permettra pas pour autant selon DNV de réduire suffisamment vite les émissions de gaz à effet de serre. « Nous prévoyons que les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie en 2050 seront inférieures de 46% à ce qu’elles sont aujourd’hui, et qu’en 2030, les émissions ne seront inférieures que de 4% à ce qu’elles sont aujourd’hui… Le rythme de la transition est loin d’être suffisant pour permettre la mise en place d’un système énergétique net zéro d’ici à 2050. Il faudrait pour cela réduire de moitié environ les émissions mondiales d’ici à 2030, mais nos prévisions indiquent que cette ambition ne sera même pas atteinte d’ici à 2050. »

Emissions de CO2 dans le monde liées à l’énergie y compris la capture directe du carbone dans l’atmosphère (DAC)

La rédaction