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La Russie va mettre en service la première centrale nucléaire flottante


La première centrale nucléaire flottante doit prendre la mer dans les prochaines semaines. Elle devrait alimenter en électricité une région isolée de la Sibérie, la Tchoukotka. Elle se trouve aujourd’hui dans le port de Mourmansk au nord-ouest de la Russie, devenu célèbre pendant la seconde guerre mondiale pour être la destination des convois de matériels militaires américains. Elle y a jeté l’ancre, en 2018. Elle est installée sur une barge de 144 mètres. Ses réacteurs d’une puissance de 35 MW chacun peuvent alimenter une région de 100 000 habitants,

La centrale flottante est baptisée Akademik Lomonosovet a été construite dans les chantiers de la Baltique à Saint-Pétersbourg. A Mourmansk, elle a chargé en combustible ses deux réacteurs à eau pressurisée similaires à ceux utilisés pour propulser les brise-glaces russes. Mais à la différence de ceux-ci, qui utilisent de l’uranium hautement enrichi, les réacteurs de l’Akademik Lomonosov fonctionneront à l’uranium faiblement enrichi. Une façon de limiter la polémique sur la prolifération nucléaire dans les océans et au-delà du cercle polaire et de rejeter le surnom de «Tchernobyl flottant».

La centrale devrait bientôt reprendre la mer et quitter Mourmansk en août ou septembre annonce Rosatom, le géant de l’atome civil russe. Elle sera alors remorquée sur plus de 4200 kilomètres jusqu’au port de Pevek, dans la péninsule de Tchoukotka, au-delà du cercle polaire arctique. Elle devrait arriver en octobre 2019 et sera opérationnelle au printemps de 2020.

L’Akademik Lomonosov est destiné à remplacer les centrales à charbon de Tchaounskaïa et nucléaire de Bilibino, la plus septentrionale au monde. Avec ses quatre réacteurs nucléaires de 12 MW de même génération que ceux de Tchernobyl, cette dernière a été édifiée sur du pergélisol, un sol arctique gelé qui, en raison du réchauffement climatique, fond aujourd’hui et menace de déstabiliser les fondations et la structure de la centrale. Une nouvelle catastrophe nucléaire menace la Russie et… le reste du monde. Pour Rosatom, le temps presse, car la centrale aurait dû être démantelée en 2004. Mais faute d’alternative, elle ne le sera qu’après la mise en service de l’Akademik Lomonosov, en 2021.

D’autres centrales nucléaires flottantes suivront. Une deuxième devrait équiper la ville de Vilioutchinsk, dans la péninsule du Kamtchatka. Dans ces régions du Grand Nord, une centrale nucléaire installée en pleine mer prend tout son sens, les sols étant devenus impraticables, dangereux, s’ouvrant parfois sur des trous béants.

Rosatom projette maintenant de produire en série ses centrales et de les équiper de réacteurs moins lourds et plus puissants afin de les exporter. Le Brésil, l’Indonésie, le Chili et le Soudan seraient sur les rangs. Pour recharger le combustible ou traiter l’installation en fin de vie, les modules seront ramenés et gérés à Mourmansk, sur un site dédié.

La Chine a aussi annoncé qu’elle va mettre en service, dans les prochains mois, la première d’une série de 20 centrales nucléaires flottantes construites dans les chantiers navals de Shanghai, sous la direction de la China National Nuclear Power. Également installés sur des barges, les réacteurs d’une puissance de 60 MW serviront à alimenter les plates-formes pétrolières et gazières en mer de Chine.

La mer de Chine méridionale est le théâtre d’un affrontement quasi militaire entre Pékin et les pays riverains de cette mer, les Philippines, la Malaisie, Taïwan, Brunei, le Vietnam et les pays occidentaux. En jeu, la souveraineté sur des centaines d’îles et récifs. La Chine a entrepris d’y construire de nombreuses infrastructures et des îles artificielles. Des centrales nucléaires flottantes permettraient de satisfaire leurs besoins en électricité, chauffage et en eau désalinisée.

La France avait aussi étudié dans les années 2000 un concept de petites centrales nucléaires, non pas flottantes mais immergées. Le projet Flexblue, aujourd’hui abandonné, était développé par Naval Group, en partenariat avec EDF et le CEA, autour de réacteurs de 50 à 250 MW.

Les fonds marins, où règne une température moyenne de 4°C, offrent une très bonne source de refroidissement, essentielle en cas d’accident. Tous les projets en cours mettent d’ailleurs en avant cet aspect protecteur de l’eau de mer. Reste la question des fuites radioactives et des tempêtes de l’hiver arctique…

La rédaction